Visite privée de SHADAI FARM au Japon avec Teruya YOSHIDA

10/12/2014 - Découvertes
" Avec mon frère Katsumi, nous avons plus de 1000 poulinières" raconte dans le plus calme Teruya Yoshida, le patron de Shadaï Farm, l'une des écuries les plus puissantes du monde qui achète à prix d'or des juments et des étalons de prestige partout dans le monde depuis des décennies. Le "big boss", d'ordinaire peu locace, répond sans langue de bois à une longue interview. Il ouvre aussi grand les portes de son haras avec 400 yearlings au pre-entrainement et ses 30 étalonsles plus prestigieux de l'archipel, dont Deep Impact et autre Symboli Kris S, le père du dernier vainqueur de la Japan Cup dont les élèves des frères Yoshida ont pris les 5 premières places !


Giant ! Tout ce qui est surdimensionné est d'ordinaire américain, voire australien en matière d'espace. Jamais japonais. Pourtant, c'est bien au pays des bansaï, du confinement dans les espaces les plus réduits, de l'écriture en patte de mouches et des petits pas féminins que s'est développé l'empire de la famille Yoshida : Shadai Farm. C'est une dynastie de visionnaires, de voyageurs voire d'aventuriers ouverts sur le monde et aimant à prendre des risques et enchainer des initiatives personnelles, tout le contraire d'une culture nippone qui dans sa  nature profonde invite à l'enfermement à l'intérieur de ses frontières, au dévouement à l'ordre établi et à l'oubli de l'individualité.

L'histoire commence avec le grand-père de Teruya et Katsumi Yoshida, il y plus de 100 ans, au début du 20e siècle. Zensuke Yoshida crée Yoshida Stud Farm en 1898. Peu après, alors que la prohibition sévit aux Etats-Unis et que les courses sont interdites dans certains états américains, il achète un lot de juments dans le Kentucky. Il faut s'imaginer le périple que cela pouvait représenter avec les transports de l'époque : traverser tous les Etats-Unis en train jusqu'à San Francisco , puis embarquer pour la traversée du Pacifique en bateau jusqu'à Yokohama. A l'époque, le patriarche avait des moyens et des idées. Les idées ne tariront jamais. Les moyens de la dynastie des grands propriétaire terriens vont augmenter à mesure que le developpement tentaculaire de la mégalopole de Tokyo va donner une immense valeur à son domaine, notamment les terres où se sont construites les pistes de l'aéroport international de Narita, que le gouvernement achète à Zenya en 1958, trois après que celui-ci n'ait crée l'entité Shadaï. En 1999, Special Week, un descendant d'une des 1e juments arrivées en bateau en 1907, Flories Cup, dont la famille ramonte à une certaine Mayonnaise qui a enlevé les Oaks d'Epsom 1859, remporte offre sa 1e Japan Cup dans l'édition dont Montjeu a conclu 4e. Cette année, Special Week s'est révélé être le père de mère d'Epiphaneia, qui a offert sa 1e Japan Cup à Christophe Soumillon. De cette souche descend aussi Vodka, la Allez France du Japon qui est statufiée sur l'hippodrome de Tokyo.

 

 

Shadaï Farm, le géant des courses japonaises.

Shadaï Farm regroupe l'élevage et le pré-entrainement

Alors que la plupart des haras nippons, tous situés à Hokkaido, sont réduits en taille, certains sur quelques hectares seulement, Shadaï s'étend sur 600 hectares avec plusieurs antennes différentes.

Teruya Yoshida habite sur place et vient à l'entrainement tous les matins avec sa femme.

 

Aujourd'hui, les territoires de Shadai s'étendent sur des centaines d'hectares dans l'ile d'Hokkaido. Le Haras principal de Shadaï s'étale sur 350 hectares, plus tous les satellistes dans les alentours, qui sont eux-mêmes parsemés de petits haras privés (certains minuscules sur 2 ou 3 hectares) qui s'alignent au bord des routes tout au long de la côte sud de l'Ile, donc le climat est rude mais qui profite d'un ensoleillement exceptionnel donnant sa richesse au terroir agricole.

A Shadaï-même, les installations font tourner la tête, 40 marcheurs, des centaines de boxes et des dizaines d'écuries. Fan de construction, Teruya Yoshida a son architecte à domicile pour construire toutes et batiments. Il y a des chevaux à loger. Le centre pré-entrainement est plutôt un centre d'entrainement car les entraineurs sur les hippodromes étant limités à 26 boxes, ils prennent les chevax que tout près de la course et les renvoie à la moindre fatigue. Rien que pour les yearlings, il y a 400 boxes, tous plein et équitablement partagés entre les mâles et les femelles. Chaque cour à son propre entraineur...Ici on ne travaille pas que le matin mais toute la journée. Il y a 80 cavaliers à cheval...Il faut bien prendre en compte que le fait que les entraineurs officiels, tous installés sur les hippodromes, n'ont que 26 boxes à leur disposition. Ils sont tous pleins, mais les chevaux ne vont chez eux que quelques semaines avant de débuter, donc l'entrainement se fait réellement à Hokkaido.

Amoureux de la France, Zenya a fait des conquêtes dans le monde entier pour faire de Shadaï le meilleur élevage japonais (et de loin). Jusqu'à une période récente, le Japon avait ce sobriquet d'être "un grand trou noir où tout rentre mais d'où rien ne ressort." Les courses y étaient fermées, lointaines, les chevaux ne courent quasiment jamais en dehors de leur frontières et des wagons entiers de gagnants d'Arc de Triomphe et outre Gr.1 partaient au pays du soleil-levant sans jamais plus donner de nouvelles. Aujourd'hui, on le retrouve dans les pédigrées des grands lauréats des courses internationales...Parmi toutes ses importations, Norhern Taste aura marqué un grand tournant. Canadien acheté aux Etats-Unis mais entrainé en France, il a été le 1e vrai bon cheval à faire briller la casaque nippone au sommet en France (1e Prix de la Forêt) avant de devenir le 1e chef de race au Japon. Depuis, Zenya et aujourd'hui son fils Teruya ont toujours conservé une préférence très marquée pour la France et sa capitale des lumières Paris, que pour l'Angleterre. Mais il faut pas oublier que juste avant Northern Taste, Zenya Yoshida avait démarré en trombe avec son 1e achat yearling en France en 1970, un poulain Lassalle, qui gagnera chez Richard Carver le Cadran et la Gold Cup d'Ascot !

 

Pour gérer 400 yearlings à l'entrainement, tous les équipements sont à l'avenant, avec par exemple 40 marcheurs...

Tous les yearlings sont chronométrés chaque matin.

 

A l'aube de son décès à 72 ans en 1993, il lègue sa jumenterie (qui comprenait déjà 300 poulinières) à ses 3 fils :
  • Teruya, l'ainé (né en 1947), son haras, Hayakita sera renommé Shadai Farm.
  • Katsumi (1948), à Northern Farm - à l'heure actuelle, ses poulinières seraient au nombre de 700 alors qu'il a démarré avec 120 éléments...
  • Haruya (dont on ne parle pas souvent) est installé à Oiwake Farm. Ce dernier a un fils qui semble avoir le profil du futur grand patron de l'empire.
Les trois fils ont en commun un autre haras, Shiraoi Farm. Quand aux étalons, ils demeurent à Shadai Stallion Station depuis l'ère Zenya. Les 3 fils ont l'intelligence de s'entendre sur leur exploitation et de choisir les importations en commun.
 

Mais que font les Yoshida de tous ces chevaux ? C'est beaucoup plus simple qu'il n'y parait. Etant donné que la JRA cadenasse très sévèrement les demandes de licences pour posséder un cheval (il faut avoir au moins 1 million d'euros sur le compte), il y a une forte demande de tout cheval de qualité disponible. De nombreux foals sont vendus aussitôt la naissance, y compris par des propriétaires potentiels dont la demande de licence est sur liste d'attente, et donc qui anticipent pour avoir un cheval déjà prêt lorsqu'ils auront le droit de faire porter leurs couleurs ! Outre la session de vente de yearlings des select sales de juillet, des formes plus originales de ventes ont été crées. Chaque année, Shadai édite un beau catalogue avec quelques dizaines de yearlings, comportant les photos, pédigrées, commentaires etc...qui sort à une date fixe et qui sert de base à une syndication des chevaux en parts (jusqu'à 50) officiellement ouverte pendant 5 jours. Le surlendemain de l'ouverture du marché, tout est déjà vendu. C'est ainsi que les 2 syndicats des frères Yoshida, Shadaï racing et Sunday Racing, propriétaires notamment de Gentildonna, sont devenus si puissants avec plus de 6000 porteurs de parts différents. Enfin, les Yoshida, même lorsqu'ils vendent, conservent souvent la moitié du cheval, ce qui permet de la valoriser plus cher et de rassurer le client. Teruya a des chevaux chez une centaine d'entraineurs différents.

Tout cela fait que les forts investissments réalisés à l'étranger sur les yearlings, mais surtout sur les juments de grand prestige et les étalons sont aisement rentabilisés, mais aussi obligatoire pour continuer à faire tourner la machine à rêve, alors qu'on peut aisément penser que les Yoshida ont aujourd'hui assez de matériel à la maison pour produire des champions en autarcie. C'est ainsi qu'on peut voir dans les prés des produits de Frankel par exemple, ou des juments au noms célèbres rien que pour la France : Stacelita (Prix de Diane, etc...), Sahprésa (triple gagnante des Falmouth Stakes), Taille de Guêpe (mère de Cirrus des Aigles), et qu'on voir débarquer 2 juments fraichement sortis de la quarantaine, en provenance de France : Velda (mère de Vorda) et autre Place Vendôme (mère de Style Vendôme).

 

 


L'entraineur des femelles...a 200 yearlings sous sa responsabilité !

Toutes les écuries sont construites selon des plans établis par le patron lui-même avec l'aide son architecte particulier, présent à demeure. L'esprit y est américain, avec un grand souci de la lumière et de l'aération.

Il faut un peu frais à Hokkaido...

Patrick Barbe et la statue de Zenya Yoshida, l'homme qui a donné une immense envergure à Shadaï Farm. Décédé en 1993, il a légué son héritage entre ses 3 fils, dont Teruya qui a repris la structure d'origine, et Katsumi, qui a crée Northern Farm à 2 pas.

 

Dernièrement, Teruya Yoshida a acquis le top price des ventes de Fasig Tipton qui se déroulent le lendemain de la Breeders'Cup, Princess of Symar, triple gagnante de Gr.1 dont les Kentucky Oaks, pour 3,1 M$. Même si le Yen a chuté de 60%, les japonais ont encore les moyens...C'est eux qui se sont battus entre frères pour Alterité acquise 1 M€ le samedi 6 décembre à Deauville, Katsumi ayant finalement emporté le morceau.

Lorsqu'ils veulent acheter des femelles en cours de carrière, les Yoshida sont d'autant mieux accueillis qu'ils laissent toujours les chevaux chez leur entraineur. Ce n'est pas un choix personnel, mais une habitude car au Japon, il est interdit de changer un cheval d'entraineur, quelle que soit la raison et y compris à défaut flagrant de résultat...

En 30 ans, depuis 1984 selon les chiffres de la JRA,  3.896 juments ont été importées au Japon (4 en 1984, 234 en 1995, dix ans après !). Parmi celles-ci, 2557 l'ont été des USA, 161 en provenance de FR. Par ailleurs, 342 étalons ont été importés en 30 ans dont 215 en provenance des USA et 23 de France.

 
Pour donner un exemple concret, voici d'où proviennent les 5 premiers de la Japan Cup 2014, tous élevés par Katsumi ou Teruya Yoshida :
  • La gd-mère de Epiphoneia (Kirov Premiere) avait été achetée $ 280.000
  • La gd-mère de Just a Way, achetée $ 275.000
  • La mère de Spielberg, $ 825.000 (alors que personne n'en avait voulu l'année précédente pour $ 23.000)
  • La mère de Gentildonna achetée 500.000 Guinées à Tattersalls.
  • L'arrière-gd-mère de Harp Star achetée à l'amiable deviendra la mère de la championne nippone, Vega
 

 

Acheté yearling à Saratoga, le canadien Northern Taste a été la 1e vedette des Yoshida entrainé en France par Jack Cunnington. Vainqueur du Prix de la Forêt 1974, il est devenu le 1e chef de race de l'élevage nippon.

Les fameux renards nippons...face à la statue de Sunday Silence, le champion américain qui a révolutionné les courses nippones et permis à Shadaï non seulement d'assoir sa domination dans l'Archipel mais aussi d'acquérir une dimension internationale.


Deep Impact, meilleur successeur de Sunday Silence. Favori malheureux de l'Arc de Triomphe, lui qui a tout gagné au Japon s'y est ensuite comme l'étalon tête de liste, avec notamment Gentildonna. Il a sailli 255 juments au printemps 2014.
 

Fils de Kingmambo, King Kamehameha est la meilleure alternative au Japon au sang omniprésent de Sunday Silence, d'autant plus qu'il croise bien avec ses filles.

L'hyper doué mais fantasque Orfèvre, deux fois 2e du Prix de l'Arc de Triomphe, a sailli 244 juments pour sa 1e saison de monte en 2014.

Fils de Monsun, Novellist est l'une des dernières importations de choc de Shadaï Farm. Le champion allemand, vainqueur des King George d'Ascot, a sailli 160 juments pour sa 1e saison.

On retrouve le français Turtle Bowl, qui a sailli 100 juments en 2014


Stacelita, gagnante de 5 Gr.1 dont le Prix de Diane, pleine de Deep Impact...
 

Et la foal de Stacelita par Frankel !

 

Sahprésa, la triple gagnante des Falmouth Stakes chez Rodophe Collet, pleine d'Orfèvre.


Et la femelle de Sahpresa par Deep Impact.

Taille de Guêpe, la mère de Cirrus des Aigles, restée vide en 2014.

La foal de Taille de Guêpe par Deep Impact.
 

Lily of the Valley, une fille de Galileo gagnante du Prix de l'Opéra.

Les 2 dernières arrivantes: l'alezane Velda, mère de Vorda, suivie de la grise Place Vendôme, mère de Style Vendôme

 

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