Week-end de l'Arc: d'où viennent les Aga magiques ?

09/10/2009 - Focus Elevage
Le Prince Aga Khan a affiché le score hallucinant de 7 victoires de Groupe, dont 5 Gr.1, pendant le week-end de l'Arc. Il a gagné dans toutes les catégories, depuis les 2 ans (Rosanara et Siyouni) jusqu'à la grande distance (Alandi) en passant par la vitesse (Varenar). Mais d'où lui sont venus ses ovnis ?




Chaudenay: Manighar, c'est du 100% Lagardère

L'évènement du monde de l'élevage dans la dernière décennie a été le rachat global par l'Aga Khan de tout l'effectif de tout l'effectif de Jean-Luc Lagardère, pendant l'hiver 2004-2005, soit 2 ans après la disparition de l'ancien président de France Galop. Déjà très en forme à cette époque, réveillé depuis quelques années par un changement de politique d'étalonnage, les "Aga Khan" ont alors bénéficié d'un spectaculaire coup de fouet. Manighar en est une parfaite illustration. En effet, c'est un pur produit de la méthode adoptée par Lagardère depuis l'entrée au Haras de son étalon chéri Linamix. Cette méthode a été aussi mystérieuse qu'efficace. Elle a consisté à acheter outre-Atlantique de jeunes juments de niveau black-type, par elle-même ou par leur souche, mais ne venant pas du cadre des classiques américains.

 

Le clan Aga Khan, avec le Prince Karim, Alain de Royer-Dupré, le manager Georges Rimaud
qui masque la fidèle Némonie en discussion la Princesse Zara

 


Ses juments étaient pour la plupart issus d'étalon peu en vogue, sinon d'anciens champions qui avaient déçu au haras. Ces juments étaient croisées à Linamix, un fils de l'oublié Mendez avec une mère par le très obscur Breton, dont la réussite n'était pas du tout garanti à la base. Et pourtant, c'était bingo à presque tous les voyages. En l'occurrence, Manighar, vainqueur de sa 6e course (dont le Derby de l'Ouest, listed) dans le Prix de Chaudenay, est fils de Lunamix et Mintly Fresh, une placée de listed dont la famille comporte de bons chevaux américains mais dont aucun n'a marqué la chronique. Dès son arrivée en France, Mintly Fresh a réussi avec son 1e produit par Linamix, nommée Minatlya, qui a gagné le Prix de Royaumont (Gr.3). Puis elle a eu le très précoce Minted (Clodovil, un petit-fils de Linamix) et donc ce Manighar en 3e produit. Le père de mère est une trouvaille caractéristique de Lagardère. Totalement inconnu en France, Rubiano est un fils de l'excellent Fappiano. Grand sprinter américain, mort jeune à 15 ans après avoir produit un gagnant de Gr.1 nommé Bruning Roma.

 

Manighar, vainqueur du Prix de Chaudenay (Gr.2)


Forêt: Varenar, encore signé par le gris et rose



La victoire de Varenar dans le Prix de la Forêt n'était pas très attendue. La preuve, il devait passer aux ventes le soir même à Saint-Cloud. Evidemment, il a été retiré, car cette nouvelle et soudaine ampleur prise sur la piste lui confère une dimension d'étalon qui mérite d'être estimée sereinement. D'autant plus qu'il est fils de Rock of Gibraltar, sans doute injustement mésestimé par la haute finance, à qui il a pourtant beaucoup apporté. Et surtout Varenar est le 10e produit d'une grande matrone qui a fait florès pour Jean-Luc Lagardère après son achat aux Etats-Unis. Pour l'occasion,  Lagardère n'a pas acheté la fille d'un étalon maudit, puisque Visor est issue de Mr Prospector. Croisée à Linamix bien sûr, Visor a donné tout d'abord Visionary, aujourd'hui étalon au Haras des Mazières chez Jean-Louis Mangeard (père du bon sauteur Royal Verrie), puis les très bonnes Visionnaire et Visorama. Varenar est aussi le frère de Visindar (Sinndar), annoncé comme un avion à réaction mais qui ne s'est jamais remis de son échec (5e) dans le Derby d'Epsom 2006, et fait la monte aujourd'hui en Espagne.

 


Verenar, vainqueur du Prix de la Forêt (Gr.1)



Royallieu: Daryakana, cette fois, on remonte à Marcel Boussac
 

Deux décennies avant l'achat des Lagardère, l'Aga Khan avait déjà frappé un grand coup de la même sorte, avec une égale réussite. La différence majeure a priori est que l'élevage de Lagardère était en pleine forme, au contraire des Boussac, alors en totale décrépitude. L'Aga Khan a donc récupéré Darazina, née en 1979, dont Daryakana est l'arrière petite-fille. Entre temps, la mère de Daryakana s'est rendue célèbre, puisque cette Daryaba a gagné le Prix de Diane et le Prix Vermeille en 1999. Fille du rapide et "fashionable" Night Shift, Daryaba symbolisait un tournant dans la politique d'étalonnage de l'Aga Khan, qui a longtemps tourné en cercle fermé. D'ailleurs, la mère de Daryaba est par Vayrann. Tout au long de la ligne droite, Daryakana a reçu un vif soutien de la part des éleveurs d'AQPS de la Nièvre. La raison en est simple, ils exploitent actuellement comme étalon son frère aîné, le jeune et beau Daramsar, un fils de Rainbow Quest qui a gagné le Prix du Conseil de Paris et est stationné à Cercy la Tour. A noter que cette souche de Darazina a donné récemment Darsi (Prix du Jockey-Club) et Darjina (Poule d'Essai, Moulin, Astarté).

 

Daryakana, lauréate du Prix de Royallieu (Gr.2)



Rosanara: la 1e Sinndar française

C'était la meilleure chance des Aga Khan avant ce week-end de l'Arc. Bien qu'ayant trébuché et failli tomber au départ, bien qu'ayant tiré ensuite, Rosanara a rempli très facilement sa mission dans le Prix Marcel Boussac. Elle assume la lourde succession d'une certaine Zarkava et remet en scène son père Sinndar. Il a été importé en France depuis l'Irlande en 2006, juste après la réussite de sa fille Shawanda. Rosanara est donc issue de sa 1e génération de 2 ans née en France et va sans aucun doute l'aider à attaquer la saison 2010, lui dont la cote de popularité s'effritait peu à peu.

Rosanara est grise comme son grand-père Linamix. Et oui, c'est encore un fruit de l'élevage Lagardère et de la méthode expliquée ci-dessus. Car c'est une fille de Rosawa, gagnante de listed dont la mère Rose Quartz a été achetée selon les critères habituelles. Sa souche maternelle était quand même riche, avec la chef de race Square Angel comme 3e mère, mais sa propre mère n'avait pas réussi grand chose et surtout, Rose Quartz est fille du dramatique Lammtarra.

 

Rosanara, la gagnante du Prix Marcel Boussac (Gr.1)



Siyouni: la chanson de Roland

Et il criait, comme aux plus beaux jours. Roland de Longevialle, le bien connu manager de Jean-Luc Lagardère, est un amoureux des chevaux, qu'il le gère ou qu'il ne les gère plus. Pour lui, tout ce qui descend de son élevage, de sa toute sa vie, est toujours en enfant. C'est donc le cas de Siyouni, le vainqueur du Prix...Jean-Luc Lagardère évidemment! La souche de Siyouni, fils du remarquable Pivotal dont France Sire contera bientôt l'histoire rocambolesque, est très bien connue en France à travers son oncle Slickly, étalon à succès au Haras du Logis. La famille vient encore d'un achat américain, celui de Slipstream Queen, fille de l'archi décevant Conquistador Cielo mais aussi de l'excellente Country Queen (Yellow Ribbon Stakes, Gr.1). En course, Slipstream Queen avait conclu 3e d'une étrange listed, le Choucroute Handicap !

 

Siyouni, vainqueur du Prix Jean-Luc Lagardère (Gr.1)



Opera: Shalanaya ou quand le bâtiment va, tout va

Sans lui enlever aucun mérite, car la jument n'est sans doute ni mystique ni superstitieuse, mais Shalanaya portait quand même une casaque de plume pour enlever le Prix de l'Opéra, venant comme un charme à l'extérieure pendant que la favorite Alpine Rose subissait tous les malheurs au centre. Ce succès remet sur le devant de la scène la souche de sa 4e mère Sharmeen, la mère de l'inoubliable Shergar, mais qui n'avait plus donné grand chose d'aussi percutant depuis belle lurette. Pour en arriver à Shalanaya, les croisements ont été aussi prestigieux que variés, partant de Darshaan et passant par Nashwan pour finir avec Lomitas. Ce dernier a connu un destin bien chaotique. Champion allemand, triple gagnant de Gr.1 sur les pistes après avoir soigné d'une aversion aux stalles de départ par Monty Roberts (l'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux), Lomitas a fait des débuts fracassants au haras avec des champions de la trempe de Silvano, Sumitas, Belenus ou autre Malinas,  étalon en France. Cela a suscité son importation à grand frais à Dalham Hall Stud, chez Cheikh Mohammed en Angleterre. Mais depuis, il ne s'était plus passé grand chose et Lomitas est retourné à son envoyeur, à Gestut Fahrhof, en 2007...

 

Shalanaya, lauréate du Prix de l'Opéra (Gr.1)

 


Cadran : Alandi à l’origine de l’origine

Après Alain de Royer-Dupré et Mikel Delzangles, c'est John Oxx qui a mis un point final au fabuleux week-end de l'Aga Khan dans le Prix du Cadran, grâce au robuste 4 ans Alandi. C'est un fils de Galileo, le frère aîné de Sea the Stars qui venait de remporter le Prix de l'Arc de Triomphe, avec une mère par Darshaan. C'est donc une nouvelle illustration de la réussite du croisement du sang de Sadler's Wells ou de ses fils, dont Galileo, avec le sang de Darshaan, voire de son père Shirley Heights ou de son fils Dalakhani.

Cette souche remonte là aux plus lointaines origines de l'élevage de l'Aga Khan. En effet, on remonte la souche maternelle jusqu'à la jument de base Mumtaz Mahal, grise volante née en 1921 et dont le grand-père du Prince Karim, l'Aga Khan III allait réaliser un achat déterminant pour le siècle à venir. C'est d'ailleurs de cette Mumtaz Mahal, à travers Petite Etoile, que descend une certaine Zarkava.

 

Alandi boucle un week-end de folie pour l'Aga Khan dans le Prix du Cadran (Gr.1)



Cette longue histoire a pris cependant un détour très désagréable pour l'Aga Khan avec la soeur aînée d'Aliya, la mère d'Alandi. En effet, c'est cette Aliysa qui a été disqualifiée pour doping des Oaks d'Epsom il y a tout juste 20 ans. S'en est suivi un interminable procès et ce terrible affront pour l'Aga Khan avait conduit au retrait de tous ses chevaux d'Angleterre. Comme le destin est taquin, son grand-père paternel Relko avait lui même été soupçonné de dopage, ce qui a toujours entaché son image.

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