Le passé glorieux du Prix d'Hédouville

06/05/2017 - Grand Destin
Le Prix d’Hédouville a été relégué, depuis 1985, au rang de préparatoire aux Grands Prix de Chantilly et/ou de Saint-Cloud disputés sur la distance, dite classique. Mais dans le passé, il faisait office de l’équivalent d’un second Prix Ganay en l’espace d’un mois sur 2.000 mètres. Par Xavier BOUGON.
L'arrivée du Prix d'Hédouville 2017, remporté par Tiberian et Olivier Peslier ©APRH
 
 
Hédouville, un Groupe 1 avant même la création des Patterns
 
Couru au mois de juin à Chantilly, le Prix d’Hédouville était, jusqu’à la fin des années 50, une revanche du Prix Ganay (alors Prix des Sablons) disputé au mois d’avril sur la même distance à Longchamp. Entre les deux, il y avait également au programme, le Prix d’Harcourt (qui, jusqu’en 1969, se disputait après le Ganay). Il y avait pléthore de courses ouvertes aux «vieux» sur une distance à peu près équivalente.
 
La première édition voit la victoire, le 25 mai, de Le Sancy (Atlantic) portant les couleurs du Baron Arthur de Schickler. Il venait de remporter, le 20 mars précédent, le Prix des Sablons (futur Prix Ganay). Pour l’anecdote, Le Sancy compte 14 victoires à Longchamp.
 
Au palmarès de la fin du XIXème siècle et avant la première guerre mondiale figurent huit lauréats ayant fait le doublé, Sablons-Hédouville : outre Le Sancy, Champaubert (Little Duck) pour Adolphe Abeille, Gardefeu (Cambyse) pour Jacques de Brémond, Codoman (Cambyse) pour Maurice Ephrussi, deux fois Caius (Reverend) pour Edmond Blanc, Moulins la Marche (Fourire) pour Joseph Lieux, le recordman des victoires à Longchamp (18).
Champaubert et Gardefeu avaient enlevé, l’année précédente, le Prix du Jockey Club. Ils deviendront tous étalons, les uns avec plus de réussite que les autres.
 
 
Semendria, lauréate du Prix d'Hédouville en 1901, 11 ans après son père Le Sancy 
 
 
Semendria, La Camargo, quel rating pour le Prix d’Hédouville !
 
Les femelles ne sont pas en reste puisque deux championnes, deux des meilleurs pouliches du XXème siècle, deux gagnantes de la Poule, du Prix de Diane, du Prix Vermeille, du Grosser Preis von Baden, Semendria (Le Sancy) et La Camargo (Childwick) font partie des gagnantes. Les deux portent les couleurs de leur éleveur, l’une porte celles du baron de Schickler (décédé en 1919), éleveur au Haras de Martinvast, près de Cherbourg et l’autre celles d’Adolphe Abeille (décédé en 1916), éleveur sans sol au Haras de Chambly.
 
Comme aujourd’hui encore, les 3 ans n’avaient pas le droit au Prix des Sablons, pas étonnant puisqu’il se courait mi-mars. A l’inverse, le Prix d’Hédouville était ouvert à la jeune génération ; c’est ainsi que Prestige (Le Pompon) sera le premier 3 ans vainqueur (pour l’anecdote, il était tout seul en piste). Le second jeune fut Radis Rose (Ex Voto), récent vainqueur du Derby du Midi puis étalon national.
 
Juste avant le début des hostilités mondiales, un élève du baron Maurice de Rothschild, élevé, en ce temps-là, au Haras de Chaumont en Vexin, Sardanapale (Prestige, vainqueur lui-même en 1906) s’impose avant de «confirmer» dans le Prix du Jockey Club, huit jours plus tard. Trois semaines passent et il est encore vainqueur à Saint-Cloud, dans le Grand Prix.
 
 
Sardanapale, gagnant du Prix d'Hédouville en 1914, huit jours seulement avant son sacre dans le Prix du Jockey-Club
 
 
Après la guerre, Chantilly verra la victoire de Ramus (Rabelais), qui, la semaine suivante, s’impose dans le Prix du Jockey Club pour Marcel Boussac mais reste au poteau dans le Prix de l’Arc de Triomphe avec sur le dos George Stern. L’année suivante, c’est le succès, pour la même casaque, de Zariba (Sardanapale, vainqueur en 1914). Elle donnera naissance à deux futurs vainqueurs du Prix d’Hédouville, Goyescas (Gainsborough), second du Prix de l’Arc de Triomphe l’année précédente et surtout une certaine Corrida (Coronach), vainqueur de son premier Arc à l’automne suivant.
 
Au palmarès, on trouve les noms d’autres bons chevaux tels que le 3 ans Scaramouche (Durbar et Saperlipopette, l’une des matrones de l’élevage Stern), Irismond (Irish Lad), Ptolemy (Teddy), 3e du Prix de l’Arc de Triomphe, deux fois Nino (Clarissimus), vainqueur par ailleurs du Grand Prix de St-Cloud et du Prix des Sablons et second du Prix de l’Arc de Triomphe, Sanguinetto (Rialto) et même un fils d’Epinard, Rentenmark pour Pierre Wertheimer.
 
Djebel, Ardan pour couronner le tout
Puis vient la Seconde Guerre mondiale avec deux succès de Djebel (Tourbillon). En 1941, il venait de remporter le Prix d’Harcourt et en 1942, il accroche à son formidable palmarès sur la piste, les Prix des Sablons et d’Harcourt, le Grand Prix de Saint-Cloud et le Prix de l’Arc de Triomphe. L’un de ses fils, Djeddah, enlève le Prix d’Hédouville en 1949.
En 1945, Ardan (Pharis) enlève cette épreuve avant de s’imposer dans le Grand Prix de Saint-Cloud. Il avait, l’année précédente, remporté le Prix du Jockey Club et l’Arc de Triomphe, toujours pour Marcel Boussac.
Violoncelle (Cranach), le frère d’Ocarina, va donner deux succès (1950 et 1951) à son propriétaire-éleveur, le baron Guy de Rothschild.
 
Si l’on analyse la qualité des candidats selon la méthode actuelle, il n’aurait pas eu à rougir ni même à être envieux de son camarade. Avant même la création des Patterns (commission des trois principaux pays européens en matière hippique), il aurait pu obtenir le label Groupe 1.
 
 
Djebel est l'un des 9 chevaux à avoir inscrit son nom au palmarès du Prix d'Hédouville à 2 reprises (1941-1942). Le dernier en date est Allied Powers (2010-2012)
 
 
Notes
 
Si Semendria et La Camargo ont eu une carrière exemplaire sur la piste, seule Semendria aura une carrière correcte au haras : Biribi (Prix de l’Arc de Triomphe) et Aqua Tinte II (Prix de Diane), entre autres, font partie de sa descendance de par ses filles. Quant à La Camargo (17 victoires à Longchamp), elle ne compte que Massine (Prix de l’Arc de Triomphe), son petit-fils, comme grand gagnant. Adolphe Abeille a inscrit cinq fois son nom au palmarès en dix ans : outre La Camargo, deux fois pour Callistrate ((Cambyse) et Champaubert.
 
Hédouville, ce mal aimé, en manque flagrant de partants
 
Si l’ex Prix des Sablons faisait le plein après la Première Guerre mondiale, le Prix d’Hédouville a toujours couru après les partants. Après la guerre, le manque de candidats se fait de plus en plus ressentir (42 partants sur 9 éditions d’après-guerre). Il faut réagir, les autorités modifient les conditions, c’est ainsi que le Prix d’Hédouville n’est plus réservé qu’aux trois ans pendant trois années consécutives.....c’est encore pire, huit partants pour trois éditions.
 
Le retour des «vieux» n’est pas plus concluant (trois partants en 1963 et 1964 sur la distance de 2.400 mètres). Le Prix d’Hédouville au mois de juin est supprimé.
 
Park Top, que demander de plus
 
Il sera à nouveau au programme en 1968 mais en septembre, à Longchamp sur 2.300 mètres. Serait-ce un sursaut d’orgueil, onze partants sont déclarés. Le vainqueur n’est pas n’importe qui, puisqu’il s’agit de la récente gagnante des King George VI and Queen Elizabeth St., Park Top (en photo ci-contre, par Kalydon) pour l’entrainement anglais de Bernard van Cutsem et les couleurs du Duke of Devonshire. Elle confirmera l’année suivante en enlevant la Coronation Cup et se classera seconde de l’irlandais, Levmoss, dans le Prix de l’Arc de Triomphe et seconde des Champion St. du français Flossy.
 
La course est à nouveau supprimée pendant trois ans. Elle est de retour pour trois éditions, réservées aux 3 ans. Qui se souvient de ces lauréats de 1972 à 1974 : Wanderer, Kalpour, Flushing...C’en est trop....elle est de nouveau supprimée et revient en 1978 en avril à Longchamp sur la distance classique. Il est même accolé à l’épreuve le label Listed. Les partants sont de retour (60 partants pour 7 éditions). La valeur des vainqueurs, Rex Magna, Noir et Or, Scorpio, Lancastrian, Gap of Dunloe, Marasali et Balitou permettent à l’épreuve de reprendre son envol. C’est ainsi qu’elle est promue groupe 3 à partir de 1985 avec pour objectif le Grand Prix de Chantilly (depuis 1997). Tot ou Tard (Robellino) est le premier à faire le doublé suivi de Steward (Saumarez), Allied Powers (Invincible Spirit), Spiritjim (Galileo) et One Foot In Heaven (Fastnet Rock).
 
 
Gap Of Dunloe, vainqueur belge du Prix d'Hédouville en 1982, peint par son propriétaire Bob Demuyser
 
 
Notes
 
Le Prix d’Hédouville honore depuis fin mai 1890 la mémoire du comte Charles, Théodore, Ernest d’Hédouville (né en 1809, décédé en février 1890 à Chantilly), l’un des plus éminents membres de la Société d’Encouragement. Sorti de Saint-Cyr à 20 ans, ami des Princes d’Orléans, brillant gentleman-rider, il fût l’un des trois commissaires (avec Auguste Lupin et Adolphe de Vaublanc) chargés de l’élaboration du Code des Courses en 1834 et adopté par le Comité en 1840. Il fût, pendant 40 ans, dévoué corps et âme pour la Société d’Encouragement assumant les fonctions de starter, de juge à l’arrivée et de surveillant des pistes, entre autres.
 
En 1833, il participe avec Messieurs de Plaisance et de Wagram à une course improvisée sur la pelouse devant le Château de Chantilly, gagnée par Edouard de Normandie (l’un des douze membres fondateurs de la «S.E», second président, après Lord Seymour, de ladite Société). De cette course, naitra l’hippodrome.

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