L'histoire de DNA : Coronation, la crack incestueuse

19/12/2019 - Grand Destin
 Voilà enfin l'histoire de Coronation. Un tel fan des croisements, et donc spécialiste des inbreedings comme Thierry Grandsir nous a fait languir quelques mois avant de conter le destin de la championne la plus incestueuse de tous les temps : Coronation. Mais elle qui n'avait qu'un seul grand-père n'a jamais pu avoir d'enfants...


CORONATION (f. 1946 - 1964),par Djebel & Esmeralda (Tourbillon)

 

La lecture du pedigree de Coronation, lauréate de l’édition 1949 du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1), laisse pantois : son père Djebel est un fils de Tourbillon, et sa mère Esmeralda est elle aussi une fille de Tourbillon. Soit ce que l’on qualifie d’inbreeding en 2x2 avec, dans son cas, l’addition d’un 4x4 sur Teddy, grand-père de Djebel et de Esmeralda
 

 
Difficile d’éviter le qualificatif d’incestueux pour un croisement mettant en présence un étalon et sa demi-sœur, mais cette formule fut pourtant souvent utilisée par l’éleveur de la pouliche, Mr Marcel Boussac. Notre ami Yves d’Andigné, expert de cet élevage classique, nous confia que Marcel Boussac réalisa 27 croisements avec Tourbillon en 2x2 entre 1944 et 1957 (deux par an), d’où dix avortements ou viduités, huit mâles, et neuf femelles dont Coronation, Cosmopolia (invaincue à 2 ans dont le Prix de la Salamandre) et la placée de Groupe Druda.
 
 
Crack en course, Coronation n'aura jamais eu de poulains bien qu'ayant été saillie tous les ans jusqu'à 18 ans.
 
 
Les éleveurs de cette époque considéraient que l’inbreeding avait été un mal nécessaire pour fixer les caractères de la race à sa base, mais se refusaient à utiliser cette pratique. Le contexte de la seconde Guerre Mondiale changea la donne, car il n’était alors guère question de se déplacer d’un haras à un autre pour faire saillir ses juments.
 
C’est donc en utilisant ses propres étalons et en les croisant avec les juments présentes au haras que de nombreux inbreedings très proches furent entrepris, un peu par la force des choses. Des résultats parfois heureux, qui conduisirent Marcel Boussac à poursuivre sa stratégie d’élevage dans ce sens.
 
 

TOURBILLON, grand-père paternel et maternel de CORONATION……
 
 
Splendide pouliche née en 1946 à Fresnay-le-Buffard, Coronation se montra assez précoce et talentueuse pour débuter victorieusement le 6 juin de son année de deux ans. Elle devança ensuite vingt-sept adversaires dans les Queen Mary St. (Gr.3) à Royal Ascot avant de dominer les mâles dans le Prix Robert Papin (Gr.1), mais un brusque déclin de forme fut la cause de performances décevantes dans le Prix Morny (Gr.1 – troisième), épreuve autrefois remportée par sa mère Esmeralda, et dans les Cheveley Park Stakes (Gr.1). La consanguinité de son pedigree fut bien entendu rendue responsable de cette méforme…
 
Mais Coronation retrouva le chemin du succès au printemps de ses trois ans, remportant la Poule d’Essai (Gr.1) pour sa rentrée avant de concéder de peu la victoire à Musidora dans les Oaks St. (Gr.1) et à Circus Lady dans les Irish Oaks (Gr.1), en attendant la consécration suprême qu’elle obtint avec panache dans le Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1). Décevante deuxième de Violoncelle dans le Prix d’Hédouville au printemps de ses quatre ans, Coronation entra au haras l’année suivante, en 1951, pour le compte de son éleveur Mr Marcel Boussac.
 
Saillie cette année là par Marsyas, elle fut malheureusement testée vide. Elle rencontra Pharis, le seigneur des lieux, en 1952, en 1953 et en 1954. Vide à chaque fois. Puis ce fut au tour de Owen Tudor en 1955, de nouveau Pharis en 1956 et Auriban en 1957 et en 1958, et toujours pas de foal en route…Marcel Boussac insiste : Coronation sera encore croisée à Iron Liege en 1959 et à Auriban en 1960, 1961, 1962, 1963 et 1964, année de son décès (à 18 ans), sans engendrer le moindre poulain !
 
 

ENABLE, inbred en 3x2 sur Sadler’s Wells, double gagnante de l’Arc.
 
 
Coronation restera dans l’Histoire comme étant la gagnante du Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1) la plus inbred, et il faudra attendre sept décennies pour qu’une autre pouliche très consanguine, la Championne Enable, ne s’octroie à son tour cette épreuve de prestige. Son père Nathaniel est en effet un petit-fils de Sadler’s Wells, le père de sa mère (3x2)…
 
Les différentes études que nous avons menées sur l’inbreeding montrent clairement ses avantages, à condition d’être raisonné. Si certains éleveurs considèrent qu’un cocktail génétique n’a de saveur qu’à partir d’un certain degré de consanguinité,d’autres refusent totalement cette liqueur pour lui préférer une autre limonade, l’outcross à tout prix. Mais depuis exactement vingt ans, un seul gagnant de Gr.1 dans le Monde revendique un pedigree exempt de tout inbreeding à six générations : une pouliche américaine par Lemon Drop Kid qui remporta les Gamely St. (Gr.1) en 2007, et qui répond au doux nom de … Citronnade !
 
 

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