Saga des Pelat (3/5) : René et ses vedettes, Nikellora, Bagheera, Soltikoff

30/04/2011 -
La Saga des Pelat racontée par Xavier Bougon se poursuit avec son 3e épisode. Après Georges, c’est René Pelat, son frère cadet, qui s’exile au nord des frontières du Sud-Ouest dans le Grand Nord, le département de Seine et Oise. Le second pilier de la famille sera le plus prolifique en matière hippique puisqu’il est à l’origine de trois générations d’entraîneurs, son fils Pierre, son petit-fils, Jean-Pierre et son arrière petit-fils, Nicolas Douïeb.

 

Le second fils René, né en 1900, a fait ses classes dans le Sud-Ouest (bien entendu), Stagiaire, il avait rejoint, après guerre, l’équipe de René Labadie sur les pistes d’entraînement de l’écurie Guestier (1) avant de monter, lui aussi, à Paris (Noël, son frère cadet, était monté 3 ans plus tôt). René est le seul des quatre frères à n’avoir pas monté en course.

 

René Pelat (photos Bertrand - APRH - Un siècle de Galop)

 


Profession : Entraîneur (de 1933 à 1981)


Il rejoindra son frère aîné pour le seconder en 1932 et volera de ses propres ailes en 1933 en s’installant avenue Bautzen.

Premier succès en plat : Le Centaure, le 17 mars 1934 à St-Cloud, dans le Prix Oversight, pour Georges Debray, monté par Noël.
Premier succès en obstacles : Olympic, le 9 décembre 1933 à Enghien pour Georges Debray, monté par Charles Maubert.

Comme Georges, il obtient, dès l’année suivante de ses débuts, son premier gagnant de groupe avec Le Centaure dans le Prix Boïard (futur Exbury) et le Prix Edmond Blanc.


 

 

Nikellora, 2e élément du trio magique des femelles, avec Pearl Cap et Zarkava (photo collection l'Eperon)

 


Les grands classiques du plat

Au lendemain de la Seconde Guerre, une pouliche de son effectif rejoindra le Panthéon des cracks, Nikellora (2). A l’identique de Pearl Cap en 1931, Nikellora remportera en 1945 la Poule d’Essai, le Prix de Diane, le Prix Vermeille et l’Arc de Triomphe à 3 ans (montée aux petits oignons par la vedette australienne, Ray Johnstone), tout comme une certaine Zarkava en 2008.
Quatre ans plus tard, Bagheera (3) s’adjuge le Prix de Diane, le Grand Prix de Paris et le Prix Vermeille. Dans le Prix Vermeille, René affiche le jumelé en prenant également la seconde place avec Vela, une protégée de Daniel Guestier. Elle se classera également 2e du Prix du Cadran et de l’Ascot Gold Cup.

 

Bagheera au retour aux balances après son succès dans le Grand Prix de Paris

 

L’Arc de Triomphe est à nouveau au rendez-vous en 1962 avec Soltikoff (élevé par Enrique Cruz-Valer) pour Mme Cino del Duca, monté par Marcel Depalmas (4). A ce jour, c’est encore le dernier mansonnien vainqueur de l’épreuve. Soltikoff remportera l’année suivante le très prisé (à l’époque) Gran Premio del Jockey-Club e Coppa de Oro à Milan.

La carrière de René ne se résume pas à ces trois lauréats ;  en ce temps-là, il n’était pas extraordinaire de voir le centre de Maisons-Laffitte remporter les Poules de Produits et même les classiques. Pour preuve, outre les succès précités, les victoires de Hexton (Poule d’Essai 1942), de Samaritain (Royal-Oak 1944, le St-Leger français), de Flush Royal (Noailles 1948)), de Orberose (Vermeille 1951), de Soya (Robert Papin 1954), de Vareta (La Forêt 1955), de Quiqui (Robert Papin 1962),  de Altissima (Poule d’Essai 1963)…

 

Soltikoff enlève le Prix de l'Arc de Triomphe

 

Il a gagné le Prix de l'Arc de Triomphe et toutes les grandes courses d'Auteuil

L’obstacle est une spécialité Pelat, René ne déroge pas à la règle. Son premier grand succès est de celui de Beau Luron dans le Grand Prix de Pau 1938, puis celui de Milan dans le Président 1941 et Quitus dans le Maurice Gillois 1942 (la seconde édition du Grand Steeple des 4 ans). De 1954 à 1958, un certain Quo Vadis (spécialiste du steeple qui a couru jusqu’à l’âge de 14 ans, appartenant à Pierre Delafosse (à la fois chevillard et talentueux footballeur) lui apporte 11 victoires de groupes supplémentaires dont le Prix de la Haye-Jousselin, les Drags et le Président (5)

 

Hardatit, le Questarabad de l'époque



Principaux propriétaires : vainqueurs d’épreuves principales :

- Famille Debray :
Georges (Orange, manches blanches, toque orange) (propriétaire dans un premier temps chez Georges Pelat et par la suite chez Pierre). Propriétaire de son premier vainqueur en plat comme en obstacles. Il l’est également pour premier vainqueur de groupe avec Le Centaure.
Robert (Noire, bande orange, toque noire). Président du Club des Gentlemen-Riders du Trotting. Propriétaire de Hexton (Poule d’Essai des Poulains), de Samaritain (Prix Royal-Oak et triple Tête de Liste des Etalons en obstacles).

- Mme Cino Del Duca (également propriétaire chez Pierre) (Bleue, croix de Lorraine, m. et t. blanches), couleurs portées par  Soltikoff (Arc de Triomphe), Sang Bleu (élevée par elle-même, Gran Premio del Jockey-Club, Premio Roma), Royal Girl (3e Prix de
Diane), Clear River (Imprudence et la Grotte), François Saubaber, un crack sur les haies d’Auteuil. Mme Cino Del Duca, décédée en 2004, était propriétaire du Haras de Quétiéville (Calvados) qui a abrité en son temps, un certain Prince Bio.

- Mme Robert Patureau (Bleue, épaulettes blanches, toque jaune), l’heureuse propriétaire de la championne, Nikellora.

- Mr et Mme Robert Forget : Blanche, ceinture et toque bleu-clair sont les couleurs portées par une autre championne, Bagheera et Orberose (Vermeille). Rouge, ceinture et toque violettes, telles étaient celles portées par Sunny Boy (6). La famille Forget est
aussi, par ailleurs, éleveur de Val de Loir et de Sun Cap (Oaks).

 

Mme Cino del Duca avec Endless, un des derniers bons chevaux de René Pelat

 

- Mme N.T. Tuan (Rouge, croix de Lorraine et m. blanches, toque rouge). Heureuse propriétaire d’Altissima, une pouliche gagnée dans un concours organisé par la presse. Altissima (élevée par E. Cruz-Valer), gagnante de la Poule d’Essai (montée par R.
Poincelet) est la sœur de Sursum Corda, d’où Sarafina et sœur de Ad Gloriam, d’où Aquarelliste et toute la famille des « A » Wildenstein).

- Georges Wildenstein (Bleue, toque bleu-clair) le père de Daniel, a eu quelques chevaux à l’entraînement chez René.

- Charles Sweeny (Jaune, ceinture, brassards et toque gros-bleu). Propriétaire de Hardatit, le Questarabad d’aujourd’hui. Pour l’anecdote, à Auteuil en novembre 1971, Hardatit a porté victorieusement le poids de 76 k, deux semaines après avoir remporté
le Grand Prix d’Automne.

- Vte Pierre de la Grandière (Cerclée bleu, blanc, rouge, toque rouge). Propriétaire de Vareta (Prix de la Forêt à 2 ans et qui sera la future mère de Zeddaan) et de Soya, gagnante du Prix Robert Papin 1954.

- Eric Coupey (Noire, pois jaunes, m. et t. noires). Propriétaire d’une gagnante du Prix Minerve, Irish Lass. Sa meilleure performance, elle va l’obtenir au haras en mettant au monde, Irish Ball (Irish Derby pour Philippe Lallié, 3e Derby d‘Epsom de
Mill Reef), Mill Princess (mère de Last Tycoon) et Irish Bird (mère de Assert et Bikala, deux vainqueurs de Jockey-Club et Eurobird). Irish Lass est aussi la propre sœur de Lynchris (Oaks).

- Mme Auguste Daubin (Noire, pois et toque jaunes, couleurs reprises en 2009 par sa petite-fille). Propriétaire de Quiqui (fils d’Hidalgo), vainqueur du Prix Robert Papin (Gr.1) et second du Grand Critérium, de Hidalgo (Prix Henry Delamarre et 3e du Gran
Premio del Jockey-Club et oncle de Mi Carina, élevée par Mme Daubin, appartenant à Jean Dolbeau et entraînée par Noël.

 

Caricature de Peb : les 3 frères Pelat sont en bas à gauche de l'image: de haut en bas: Noël, René et Georges

 

Au sommet de sa profession pendant 50 ans



Au top pendant près de 50 ans, René terminera sa moisson avec Sang Bleu et Endless pour la célèbre casaque de Mme Cino Del Duca. Le dernier fleuron de l’écurie, Hardatit, s’adjuge par deux fois la Grande Course de Haies d’Auteuil. Qui ne connaissait pas, le sympathique Hardatit qui avait devancé en 1973, deux élèves de Georges (Pelat), Boniface et Yaxilio.

Ses derniers bons chevaux :
Endless, à Mme C. Del Duca, vainqueur du Prix Hypothèse 1978 et 1979, du Prix Juigné 1976, du Grand Prix de Bordeaux 1974 (monté par Guy Négrel en obstacles et Jacky Taillard à Bordeaux).
Sang Bleu (7) en plat (Gran Premio del Jockey-Club et Premio Roma) et Hardatit en obstacles.

Son dernier partant : c’est avec Mistanflutte (élevée par Mme A. Daubin) que René terminera sa carrière. Vainqueur du Prix de Chambly en octobre, elle sera également son dernier partant le 13 décembre 1981 dans le Prix Fifrelet (tombée).

Avec près de 1.000 victoires en plat et 415 en obstacles, son palmarès s’arrêtera en 1981.

Certains apprentis sont sortis de chez lui pour un futur métier de jockey ou d’entraîneur comme Pierre Pelat (son fils), Gaby Crockett, Pierre Albors, Jean Linxe (recruté ensuite par Georges), Bernard Goudot…..

René avait levé le pied pour permettre à son beau-fils, Jean-François Daubin (né à Echauffour, fils de Mme Auguste Daubin, sa dernière compagne) de prendre la relève, même si ce dernier avait une autorisation d’entraîner depuis 1971. Ce dernier a entraîné une certaine Pampa Bella (Prix Pénélope, 3e Prix de Diane et Prix Saint-Alary et mère ensuite de Pistolet Bleu, pensionnaire d’Elie Lellouche).

 

Jean-François Daubin, le beau-fils de René Pelat



Sa dernière compagne : Susie Pelat


Mme Auguste Daubin (Noire, pois et toque jaunes,) avait aussi l’étiquette d’éleveur. Son époux, décédé en 1954, avait acheté le Haras de la Beauvoisinière à Echauffour (Orne) en 1945 à la mort de François Bertin, un propriétaire-éleveur de trotteurs. Voisin du Haras de la Gastine (Jean Dolbeau), ils seront rachetés tous les deux, bien plus tard, par Jean-Pierre Dubois.
Le haras a produit une multitude de bons chevaux tels que Nuit de Folies (Minerve, 2e Prix Vermeille) et ses nièces Mi Carina (Vermeille pour Noël) et Old England (voir notes Noël Pelat), Haridelle (Vanteaux), Launay (Jean Prat), Quiqui (Prix Robert Papin 1962), Pampa Bella (voir ci-dessus), en obstacles, Quina et ses enfants, Ouargla et Rolling Horse, Network (ne pas confondre avec l’étalon …), les futurs pensionnaires de Jean-François, Floirac (Drags), Beberova, Sans Atout, Jerking. Le haras était non seulement éleveur-propriétaire mais aussi vendeur d’Escartefigue, le champion anglais, entre autres.
Le site a accueilli comme poulinière Pampa Bella, mais aussi, comme étalons, Armos, Astrophel, Buisson d’Or (Royal-Oak), Caldarello (Ispahan), Caldarium (3 fois Tête de Liste en obstacles), Etwild, Reltaj, Sir Tor, Tamanar (Jockey-Club), Trac (Tête de Liste en obstacles) et aussi trois champions de Pierre Pelat, Herbager, un certain Sica Boy et Bewitched.

 

VOIR LE PALMARES COMPLET DES GRANDES VICTOIRES DE RENE PELAT



Notes :


(1) Avec Daniel Guestier, mort accidentellement en 1960, s’est éteinte la plus ancienne dynastie de propriétaires qui, sans doute, ait existé en France. C’est en 1821 que Pierre-François Guestier fonda son écurie ; il créa ensuite un haras et l’écurie et l’élevage furent maintenus par ses fils, son petit-fils et son arrière petit-fils.
 

(2) Nikellora sera vendue en Irlande après sa carrière sur la piste à la famille Aga Khan. Elle
donnera naissance, entre autres à Chief (Ganay, Ispahan, 3e Champion St.)
 

(3) Par sa fille Spring Running, Bagheera est à l’origine de Orcherstration (Coronation St.), de Welsh Term (Harcourt, 2e Washington D.C., 3e Ganay), de Victory Note (Poule d’Essai).
 

(4) Soltikoff devance Monade (Oaks), Val de Loir (Jockey-Club), Snob, Match (King George VI), Misti (Ganay, 3e de l’Arc 1961), excusez du peu !
 

(5) Quo Vadis détient le record de participations au Grand Steeple, elle sont au nombre de 7 pour 2 places de second. A la retraite, Quo Vadis quittera les boxes de René Pelat à Maisons-Laffitte pour ceux de Paul Péraldi au Mesnil le Roi et devient une monture idéale pour les apprentis
 

(6) Sunny Boy, étalon Tête de Listes, sera le futur père de Midnight Sun, de Sun Cap (Oaks) de Sica Boy, entre autres, gagnant d’Arc pour Pierre). Sunny Boy sera également le père des trois premiers du Prix Royal-Oak 1954 (Sica Boy, Yorick, Soleil Levant).
 

(7) Sang Bleu est le fils de Royal Girl (élevée par André Chédeville), gagnante du Prix de la Nonette et 3e du Prix de Diane pour Mme Cino Del Duca et René Pelat.

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