Abdel, un grand duc d'Espagne

21/08/2013 - Grand Destin
Eleveur, propriétaire et entraîneur, le madrilène Juan Miguel Osorio y Bertran de Lis, duc d’Alburquerque (21e du nom) s’est imposé à l’issue d’une lutte acharnée et dans un temps record, ce 15 août, dans la 10e épreuve du Défi du Galop, la prestigieuse Coupe d’Or de San Sebastian avec Abdel.
Un français du Poitou
 
Agé de 5 ans, Abdel est issu du regretté Dyhim Diamond (décédé en 2012, un ancien pensionnaire de Carlos Laffon-Parias) et d’une mère par Glauco, vainqueur de cette même épreuve en 1988 pour déjà le Duc d’Alburquerqu. Il est né en France dans la Vienne (86) au Haras de la Barelière. Exporté dès son plus jeune âge en Espagne, il ne peut donc profiter des primes aux naisseurs. Sa mère, Leonor de Guzman (née en 1994) a pouliné cette année d’un mâle de Zamindar après avoir donné naissance en 2011 à une pouliche de Sulamani.
 
 

Voir la victoire d'Abdel dans la Copa Del Oro 2013 à San Sebastian.

 
Notes :
 
-Le Haras de la Barelière a été créé au cœur du Poitou, sur le lieu-dit La Barelière sur la commune de Payré à 25 kms de Poitiers. C’est en fait une extension du Haras du Berlais quand Jean-Marc Lucas a vendu quelques hectares (40) en février 2006 à Sybil Pecriaux et José Gomez. Le couple élève des chevaux de sport et des pur-sang anglais pour des propriétaires en majorité espagnols (dont la famille d’Alburquerque). Le haras a accueilli dès la première année l’étalon Cardoun (grand-père maternel de Literato, entre autres) qui vient d’être exporté cette année en Tunisie à l’âge de 24 ans.
 
-Le sprinter, Dyhim Diamond (Night Shift), a commencé sa carrière d’étalon en Normandie. Il a fait une courte étape au Haras du Berlais puis a été exporté en Espagne quelques années plus tard. C’est là-bas que Leonor de Guzman est venue lui rendre visite, d’où la naissance de Abdel, son meilleur produit à l’heure actuelle.
 
 
Le Haras de la Barelière, où est né Abdel.
 
 
Un français, grand d’Espagne
 
Abdel avait déjà terminé second de la Copa de Oro 2011 (de Jo All The Way, un pensionnaire d’Elie Lellouche) puis s’était imposé à l’automne suivant à deux reprises dans des épreuves madrilènes (Gran Premio de la Hispanidad et le Premio Antonio Blasco, piloté par Jéremy Crocquevieille). Suite à ses prestations, son entourage le trouve digne de « monter » à Paris.
 
Monté par Thierry Thulliez, Abdel nous rend visite en novembre 2011 à Saint-Cloud où il avait terminé au pied du podium du Prix Tantième (L.), tout près de No Risk At All (l’étalon de Jean-Paul Gallorini), de Stand My Ground (son frère yearling, par Perfect Hedge, porte le N°28 ce samedi à Deauville) et de Celebrissime (le Wertheimer de service par Peintre Célèbre). En juin suivant, après deux victoires printanières à Madrid, (dont le Memorial Duque de Alburquerque en avril), il est dominé dans La Coupe à Longchamp par un trio de chevaux de Gr.1, No Risk At All, Méandre et Sortilège (excusez du peu !). Resté à l’entrainement à Chantilly, chez le plus français des espagnols, Carlos Laffon-Parias, il remporte le Grand Prix Anjou-Bretagne (L.) à Nantes puis termine 3e du Prix Jacques de Brémond (L.) à Vichy. En août, dans le Prix Gontaut-Biron, il est devancé par Don Bosco et Saga Dream mais termine devant Maxios. En septembre et octobre, son propriétaire prend deux petits chèques à l’issue d’une Listed à Craon et du Prix André Baboin (Gr.3) à Marseille.
 
De retour au pays, sous la direction de son « preparador » madrilène, Juan (Joanes) Miguel Osorio (qui entraine sur un site privé, El Soto de Manzaneque, près de l’hippodrome de la Zarzuela), Abdel a donc arraché la victoire aux dépens du pensionnaire d’Eduardo Fierro (sous l’entité Habit), Celtic Rock (Rock of Gibraltar), élève d’Eric Puerari (vendu yearling à l’Agence FIPS pour 46.000 €) qui restait sur 6 victoires consécutives en Espagne depuis octobre 2012. La 3e place est revenue à un autre élève du Duc d’Alburquerque, Avante (Shamardal), un ancien Laffon-Parias.
 
 
Retour triomphal d'Abdel, monté par José Luis Martinez
 
Une origine Champion-Wertheimer
 
Son aïeule, Yeovil (Sir Gaylord), avait été achetée yearling en 1975 par Alec Head pour Jacques Wertheimer à Louis Champion pour 310.000 F.. Elle s’imposera aisément en débutant en novembre de ses 2 ans à Maisons-Laffitte (Prix Clyde) mais ne pourra confirmer ensuite. Le haras lui tend les bras et naitra la première année, Yolanda (Run The Gantlet) qui restera maiden sur la piste. Vendue en Espagne, elle terminera au pied du podium du Premio Corpa à Madrid. Au haras, elle donnera naissance en 1985 à Krone (Crystal Palace) qui elle-même mettra au monde deux produits de Glauco : en 1992, El Ceremonioso et en 1994, Leonor de Guzman (la mère d’Abdel).
 
El Ceremonioso s’imposera à 4 reprises en Espagne pour les couleurs du Marquis Juan de Cuellar dont le St-Leger espagnol (Premio Villamejor). Il devra se contenter de la seconde place du Gran Premio Villapadierna (le Derby), de la Copa de Oro et du Grand Prix de La Teste (L.) derrière Baroud d’Honneur.
 
Mais Yeovil fera mieux puisqu’à travers deux autres de ses filles, Yamuna (vendue à l’issue de sa carrière sur la piste) et Young Hostess (2e Prix Vanteaux), elle donnera naissance à quelques très bon élements : Numidie (mère de Numide, de Rêve d’Oscar, Prix Saint-Alary, 2e Prix Vermeille…et grand-mère de Bethrah, Irish 1000 Guinées), Fabulous Hostess, PrixRoyallieu, Corrida, Fille de l’Air, et mère d’Hostessante, Prix de la Seine d’où Colony Band), Dolma (mère de Thistle Bird), Blek, Young Tiger (Copa de Oro 2009)…Une autre de ses filles, Yerville, donnera naissance à Roi des Villes (second du Prix Greffulhe) et Mabville (achetée par la suite par Enrique Sarasola….le propriétaired’Helissio).
 
Notes
 
- Alec Head était un fervent admirateur de Sir Gaylord, non seulement le père de Sir Ivor mais aussi d’Habitat. Sir Gaylord effectue sa première année de monte au Quesnay. C’est pourquoi Alec achète, pour l’écurie Wertheimer, deux filles de ce sire aux ventes de Deauville : Yeovil et Apachee. Une partie de la descendance de ses deux pouliches fera les beaux jours du Prince Khalid Abdullah. La grand-mère de Yeovil, Suntime (Falmouth St. et 3e Coronation St.), est à l’origine, par sa petite-fille, Peace, d’Intermission, mère d’Interval (d’où Short Pause, Cheyenne Dream, Zambezi Sun…), de Balabina, De Stael… (d’où Deportivo entre autres)….
 
-Le Marquis Juan de Cuellar n’est autre que Juan-Miguel Osorio qui portait ce titre avant celui du Duc d’Alburquerque.
 
 
Le légendaire 20e Duc d'Albuquerque, à gauche, dit le "Duc de Fer !"
 
 
Juan-Miguel Osorio, 21e Duque de Alburquerque, fils de «The Iron Duke»
 
Juan-Miguel Osorio y Bertran de Lis s’est fait remarquer en France après avoir sellé, l’an passé, la gagnante du Prix Fille de l’Air (Gr.3), Casaca pour Mme Africa Cuadra-Lores (Rayée gros-vert et vert-clair).
 
Beltran de La Cueva y Alfonso de Mercado, né en 1420, fut le premier Duc d’Alburquerque. Son descendant actuel Juan-Miguel, né en novembre 1958, est issu du mariage en octobre 1955 de son père Beltran Alfonso Osorio y Diez de Rivera (Duc d’Alburquerque, 20e du nom, surnommé The Iron Duke) avec Maria Teresa Bertran de Lis y Pidal (décédée à 46 ans des suites d’un accident de voiture en décembre 1969). Il est l’aîné et le seul garçon d’une fratrie de 5 enfants dont 2 nés d’un second mariage avec Maria Cristina Malcampo, célébré à Estoril en 1974.
 
Juan-Miguel est père de 5 enfants (3 garçons et deux filles) issus de deux mariages également. Son père, né en décembre 1918 à Madrid, est décédé en février 1994 après une vie mouvementée sportivement parlant et dont les médias se feront écho pendant des décennies. Il était une figure de la scène équestre européenne. C’était un homme grand et mince avec le nez et le menton proéminent dans la grande tradition espagnole.
 
Le 20e Duc, fut, comme ses devanciers, un aristocrate espagnol. Chef de la maison des comtes de Barcelone, la maison des Bourbon de 1957 à 1993 (dont descend Juan Carlos Ier), il fut, de 1985 à 1988, Président (en lieu et place du Marquis de Villatoya) de la Sociedad de Fomento de la Cria Caballar de Espana, le France-Galop espagnol.
 

Il a failli mourir dans le Grand National de Liverpool...à 57 ans !
 
 
Capitaine de Cavalerie, Ecuyer en chef à l’Ecole Militaire d’Equitation, le Duc fut le premier gentleman ibérique à monter le Grand National d’Aintree, représenta son pays aux Jeux Olympiques d’Helsinski (1952 avec son cheval Huron, né à El Soto, sur ses terres d’Algete) et de Rome (1960 avec Dona) dans les épreuves de concours hippiques et concours complet. Elu par le Daily Mail, sportif de l’année en 1992 à plus de 70 ans(!), il a reçu en 1993 de la part du Roi Juan Carlos, la plus haute distinction qu’est l’insigne de la Toison d’Or espagnole.
 
Il partageait sa vie comme « courtisan » au sein de la famille royale espagnole et son activité hippique. Il a grandi en grande partie en Espagne puis en France quand sa famille déménage à Biarritz en 1931, l’année de l’exil du roi Alfonso XIII. Il était de tout ce qui au monde du cheval en digne héritier de son arrière-grand père, Nicolas, le 15e du nom.
En tant que gentleman-rider, il remporte sa première course en 1941 puis s’imposera à d’innombrables reprises dans neuf pays différents. Il devra se contenter d’une place de second dans le Prix de France à Auteuil et de deux podiums du Prix Maréchal Foch en 1971 avec Cibeles, 3e de Jean-Hughes de Chevigny et en 1972 avec Nereo derrière un certain André Fabre. En tant que cavalier il faut se remémorer le célèbre Quorum vainqueur du Grand Prix de France au concours international de sauts d’obstacles à Nice en 1952.
 
Son nom est connu pour ses performances « courageuses » dans le Grand National d’Aintree...Alburquerque reçoit son premier poney à l’âge de 5 ans. A 8 ans, il visionne pour la première fois le Grand National Steeple-Chase grâce à un film d’actualités. Toute sa vie future, il n’aura qu’une seule obsession, celle de participer en tant que cavalier à cette plus belle épreuve britannique et même mondiale (comme il disait). Il y montera à sept reprises.
 
En 1952, lors de sa première tentative en selle sur Brown Jack, il tomba (malgré deux passages au « Becher’s Brook ») et se réveillera à l’hôpital avec une vertèbre fissurée. En 1963 et en 1965, il essaiera de nouveau, mais chacune de ses tentatives s’est terminée par un échec (mais l’essentiel n’est il pas de participer comme disait Pierre de Coubertin). En 1966, c’est son cheval qui tombera. En 1973, c’est son étrier qui se brisa et malgré s’être accroché à l’encolure de son cheval, il ne peut éviter la chute. C’est l’année de la première victoire de Red Rum. En 1974, après s’être fait enlevé 16 vis d’une jambe suite à une chute précédente, il termine pour la première fois le parcours finissant 8e de Red Rum, en selle sur Nereo.
 
En 1976 (à l’âge de 57 ans), il est au départ pour la 7e fois, en selle sur Nereo à nouveau. Le Duc tomba au 13e fence, cette fois piétiné par les autres chevaux, résultat : 7 côtes cassées, fracture du poignet, une jambe cassée, une commotion cérébrale qui le laissera dans le coma pendant deux jours.
 
L’année suivante, les commissaires ne lui accorderont pas de nouvelle licence afin de lui éviter le pire….mais il montera encore en Espagne jusqu’en 1985 à 67 ans. Il se dit que le Duc aurait réservé une chambre privée à l’hôpital lorsqu’il montait le Grand National.

 

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