Plumeur, la plus belle page de Xavier Libbrecht

14/05/2014 - Grand Destin
Lauréat de la Grande Course de Haie de Printemps, Plumeur a une carrière atypique à l’image de son éleveur-propriétaire qui dirige le mensuel L’EPERON. Venu des sports équestres, porté par sa passion du cheval de sang, Xavier Libbrecht vit un rêve éveillé grâce à son courageux sauteur.

Plumeur remporte la Grande Course de Haies de Printemps (Gr.3) 2014 pour la plus grande joie de Benoît Gicquel qui fait briller la casaque de Xavier Libbrecht. (PHOTOS APRH)

 

Cervantès a dit : « La plume est la langue de l'âme ». La victoire de Plumeur dans la Grande Course de Haie de Printemps 2014 (Gr.3 à Auteuil) n’y fera pas exception : au-delà du succès c’est bien un homme de cheval qui y fut sacré. Car qui dit homme de cheval dit « âme équestre » et amour du cheval dans toute sa diversité…

 

Voir les 800 derniers mètres de la Grande Course de Haies de Printemps 2014

 

Au commencement était l’équitation aux allures Cervantesques...
 
 C’est sur ce principe que s’est bâtie la culture Française du cheval. Car il fut un temps pas si lointain - au sortir de la guerre - où le cheval était un anachronisme, un reliquat du passé qui avait déserté les campagnes pour être cantonné dans quelques hippodromes et manèges. L’équitation était alors pratiquée par quelques militaires et aristocrates. On a souvent reproché à ces derniers l’allure Cervantesque et « l’entre soi » de leurs obsessions équestres. Mais quelques décennies plus tard force est de constater que ces « Don Quichottes » nous ont laissé un patrimoine unique. C’est grâce à eux que le cross country se pratique en France. C’est aussi en grande partie grâce à eux que notre pays fait partie des nations qui comptent dans l’élevage et les sports équestres.
 
Quelques décennies en arrière on utilisait des pur-sang pour produire des chevaux de selle et des cavaliers de dressage pouvaient s’illustrer en courses militaires sans que cela n’étonne personne. Un joyeux mélange de genre qui produisait des hommes de chevaux « complets ». Xavier Libbrecht est l’éditeur et le rédacteur en chef de L’Eperon, une institution de la presse équestre internationale. A l’heure où toutes les activités équestres se spécialisent au point de s’ignorer, il est l’un des héritiers de cette culture polyvalente du cheval.
 
Passé par l’Equipe, Xavier Libbrecht s’installera progressivement à L’Eperon. Ses éditoriaux sont très attendus: parfois « cavaliers » souvent passionnés mais toujours passionnants. L’amour du cheval sous toutes ses formes en est le fil rouge.
 
Xavier Libbrecht peut présenter fièrement le trophée remporté par son élève Plumeur, entrainé par Gilles Chaignon.
 
 
Le galop pour allure « fétiche »
 
Xavier Libbrecht nous confiait récemment : « Les chevaux sont heureux quand ils galopent. C’est dans cette allure qu’ils expriment le mieux leur nature profonde, leur beauté, leur générosité... Dans ma jeunesse je préférais le concours complet pour pouvoir galoper ».
 
C’est dans cet état esprit qu’au début des années 90 il part en quête de mères « pur sang et noires pour les croiser avec des étalons de sport dans l’objectif de produire des chevaux de concours complet ». Il poursuit : « A cette époque je faisais développer mes photos dans le 2e arrondissement chez Christian Dautreppe qui possédait Faux Monneyeur (stayer multiple placé de Groupe). Je lui expose ma quête. Il m’annonce avoir trouvé ce que je cherchais ».
 
Xavier Libbrecht et Gilles Chaignon intérrogés par nos confrères d'Equidia après le succès de Plumeur dans la Grande Course de Haies de Printemps 2014 à Auteuil
 
 
C’est ainsi que Plume Rose, « contre quelques tirages photos et 10.000 francs », fera son entrée dans l’élevage Libbrecht. Une activité familiale car c’est la sœur de notre éleveur, Marie-Véronique Libbrecht, qui en assure le quotidien. C’est elle aussi qui se chargera d’aller chercher la nouvelle recrue qui était « pétrie de sang et inattrapable dans un marais derrière Machecoul ».
 
Plume Rose, « née pour sauter »
 
Rapatriée dans le Pas de Calais, Plume Rose confirmera les impressions laissées au  premier contact : noire, petite, difficile à manipuler avec un sang énorme. Si elle n’avait pas été une championne en piste (3 petites victoires acquises à Sennones, Saint Malo et Cholet) elle était néanmoins bien née. Fille de Rose Laurel, Plume Rose était issue du Haras de la Vastine.  Sa famille maternelle y avait d’ailleurs produit le bon père de chevaux d’obstacle Le Pontet qui fit les beaux jours de l’administration au début des années 90. Sur les conseils de Bernard Le Gentil et Yves Legault, les juments acquises pour produire « sport » resteront dans leur vocation première : la course.
 
Ainsi avec Beyssac Plume Rose donnera Belle Plume (2 victoires 13 places 90.000 euros de gains, 10 fois dans l’argent dans de bonnes courses à Auteuil) et Jet de Plume (7 victoires 19 places, 66.000 euros). Croisée avec Sheyrann ce sera Plume Noire (5 victoires 16 places 160.000 euros de gains, 3e du Prix Sytaj Listed à Auteuil). En 2007, âgée de 20 ans, Plume Rose pouline de Plumeur (Great Pretender) son dernier produit. Il sera son fait d’arme.
 
Plumeur, le meilleur de Plume
 
Du Pas de Calais à Auteuil la route de Plumeur fut longue et semée d’embuche. Débuté à 3 ans par Thierry Lemer (dans le même lot que Grand Charly !)  il fit d’emblée preuve de qualité. Quelques soucis de jambes et un caractère d’entier handicapèrent ses premières années dans le Sud Ouest. Croyant au potentiel du cheval, Thierry  Lemer conseille de « le castrer et de le mettre au repos ». Passé chez Gilles Chaignon, ses attributs en moins, Plumeur sera encore inquiété par ses jambes. 12 mois de repos plus tard il retrouve les pistes mi janvier 2014.
 
Second du Prix de Navarre sur les haies Paloises pour son retour, Plumeur enchaine sur une victoire dans Prix d'Enghien à Angers. Top weight de l’épreuve Il s’impose à cette occasion de 10 longueurs devant Rose de Grugy. Un mois plus tard il est tout proche second de Next Round dans le Prix Predicateur (Listed). Quinze jours plus tard il sera second de Golden Chop à Enghien dans Prix Rose or No (Listed).
 
Le 4 mai Plumeur ouvre ses ailes pour offrir à ses éleveurs-propriétaires la plus belle des récompenses dans le temple de l’obstacle Français. C’est de 2,5 longueurs qu’il remporte la Grande Course de Haie de Printemps (Gr.3). L’émotion fut d’autant plus forte que c’est sur cette même piste que sa sœur Plume Noire disparaissait au champ d’honneur en 2011. Un succès acquis au courage car « la tête dans le gazon » à la réception de la dernière haie, le vainqueur a du tout donner pour se relever et aller chercher Ultra Lucky.
 
Des gagnants en concours...
 
Par la même méthode et dans le même objectif de production « sport » d’autres juments « courses » seront acquises au fil des ans. Voulant créer une souche AQPS Xavier Libbrecht croise Bone Crasher (Cadoudal) avec Prince d’Incoville (selle-français grand gagnant avec l’équipe de France de CSO). Les produits issus d’insémination artificielle ne pouvant pas courir, Faute de Frappe ira au haras. Croisée avec l’Anglo-Arabe Veloce de Favi elle donnera Off Set (CCI2* et Grand National CCE sous selle Française) et Cedille (3 ans). Off Set est à présent monté par l’olympique Juan Carlos Garcia.
 
Off Set, produit de l'étalon Veloce De Favi et de Faute De Frappe

Une héroïne en endurance !
 
 En Occitan, langue originelle du Sud Ouest de la France et donc des éleveurs d’Anglo-Arabe, le terme « Roumega » peut se traduire par « ronce » ou « elle ronchonne ». Non placée lors de ses deux sorties publiques et affublée d’un nom somme toute peu valorisant, Roumega du Tuc (AA, Baroud III Arabe x Cousin Pons Ps x Fine Lad Ps) a elle aussi un destin peu banal. A la fin des années 90 le Qatar accueillait un marathon équestre sur 42 kilomètres. Cette épreuve fut depuis interdite car courue « plein gaz » dans le désert. Et pour cause en 1997 sur les 100 partants seuls 40 furent à l’arrivée. Xavier Libbrecht et Roumega du Tuc terminent 20e, le cavalier rachetant la jument en descendant de cheval ! Avec Sheyrann, Roumega du Tuc produira Orateur (international en endurance), Poeme du Cœur (5 bonnes places en obstacle chez les Anglo-Arabes) et Raconteur.
 
Ce dernier, après une honorable carrière en obstacle (2 victoires 10 places), est au cœur d’un projet atypique. Bel Anglo « à l’ancienne » Raconteur est à présent orienté vers l’endurance. Soutenu par quelques éleveurs tête de liste, l’objectif est d’en faire un étalon pour cette discipline !
 
Avec Galant de la Cour (selle français), la Pur sang Allemande Ars Santa produira Epithete (75% Pur Sang) qui fut classé en Pro II CSO. La réussite protéiforme ne s’arrêtant pas en si bon chemin, la ponette familiale mise à la saillie par affection donnera Quelle Histoire IPO 134 qui fut l’un des bons sujets de sa génération en concours hippique.
 
 
Un autre regard sur le galop
 
Observateur avisé du monde du cheval depuis des décennies Xavier Libbrecht précise : « J’aime le fait que tout est structuré dans le monde du galop. Sur ce point c’est très différent des sports équestres. J’apprécie aussi la solidarité du monde des courses dans les moments difficiles. Sur le fond j’adore mais je regrette cependant le manque de pondération entre les acteurs qui sont tous soumis aux mêmes règles quelque soit leur taille. Au moment des éliminations voir le départ refusé à son cheval alors qu’on le prépare dans cet objectif depuis des mois… c’est difficile. Surtout pour un petit propriétaire qui n’a que quelques occasions par an pour voir son cheval courir. C’est vraiment un aspect à améliorer, en particulier si l’on veut séduire de nouveaux propriétaires».
 
Xavier Libbrecht ur l'alezan de droite lors de l'édition 2014 des Gallops of Oman
 
Il nous confiait récemment : « Je fonctionne à l’instinct, à la rencontre, au coup de cœur mais c’est vrai que je suis plus sérieux à présent dans mes choix d’élevage ! ». Il poursuit : « On prend dur quand on élève. Mon métier dans la presse équestre me permet d’investir dans ma passion. A ce sujet j’ai le sentiment de ne pas en avoir abusé, j’ai mouillé le maillot. J’ai pris des coups comme les éleveurs qui lisent le journal que j’édite. Au delà de la prose j’ai joint le geste à la parole, je paye pour être en accord avec mon discours ».
 
 
Atypique, l’élevage Libbrecht n’en est pas moins basé sur une vraie connaissance du cheval et une réelle capacité à travailler en bonne intelligence avec des professionnels reconnus. Qu’il soit de sport ou de course, le cheval de sang doit avant tout être généreux. C’est cette quête de la « bravoure » et cet amour du « galop » qui a guidé Xavier Libbrecht des sports équestres aux courses. Alors que les belles d’Auteuil semblent vouloir s’offrir à Plumeur, gageons que ce dernier ne manquera de continuer à faire vibrer l’une des plus belles plumes de notre temps.

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