Gynécologie : le sperme congelé serait-il une hérésie chez le pur-sang ?

09/04/2020 - Santé
Les problèmes de transport liés au confinement ont fait ressurgir dans le débat professionnel l'idée de la congélation du sperme devenant ainsi transportable, actuellement interdit par le stud-book mondial du PS, mais largement pratiqué chez les pur-sangs arabes ou les chevaux de sport. Mais il y a de bonnes raisons pour estimer que c'est typiquement une fausse bonne idée. 

Avec Pascal Noue, ancien directeur de la Jumenterie du Haras du Pin qui a créée le Haras de la Hêtraie, ou Mathieu Talleux au Haras du Mazet à Pompadour, Tangi Saliou, qui a repris le Haras de la Haie Neuve, fait partie des anciens agents des Haras Nationaux qui étaient spécialisés dans la reproduction artificielle. Il a obtenu un diplôme de chef de centre, le seul qui permette d'expédier de la semence, de faire de la congélation et du transfert d'embryons. Et c'est grâce à cette expérience qu'il peut dire aujourd'hui que le principe de l'insémination n'est pas adapté au monde du pur-sang. " Dans une période de confinement, qui est actuelle et qui pourrait donc se répéter un jour, l'insémination ne règle en rien les problèmes, voir eles empire. En effet, en congelé, la fertilité baisse beaucoup et la technique est inapliquable au pur-sang. En immédiat, on ajoute du contact car on ne peut pas échelonner l'arrivée des juments vu qu'elle doivent être inséminées toute en même temps ! "

Aujourd'hui, seule la monte naturelle en main est autorisée par les règles du stud-book internationale du pur-sang. Le banissement menace des pays contrevenants avec les effets désastreux de la non reconnaissance des produits nés, qui ne peuvent donc plus courir en dehors de leur pays. Il faut tout de même savoir qu'il y a une exception dans le monde du galop, celui des anglo-arabes où l'insémination artificielle, jusqu'à la congélation du sperme, est autorisée. C'est la raison pour laquelle Bénévolo de Paban, étalon disparu prématurément en 2014, a eu un produit en 2017. Mais il n'a eu qu'un seul produit. En effet, cette histoire de récolte, de congélation et d'insémination est bien plus compliquée qu'il n'y parait.

 

Tangi Saliou développe plusieurs arguments contre l'idée de la reproduction autre qu'en monte naturelle chez le pur-sang.
 

" Tout d'abord, il faut prendre en compte le fait que 30% des étalons ne sont pas congelables, eu égard à la qualité insuffisante de leur semence pour cet exercice. La congélation doit se faire dans des conditions très strictes de quarantaine et très peu de structures sont équipées, comme Gélos dans le Sud-Ouest ou quelques établissements en Normandie. La congélation doit se faire en période hivernale, pendant laquelle les étalons produisent moins de gel dans leur éjaculat. Ce gel, qui est la fraction terminale des 10 jets que comporte un éjaculat, n'est pas du sperme et il est même nocif pour la semence."

Dans l'ensemble, la monte en main reste le mode de reproduction qui offre la meilleure fertilité, chiffres à l'appui. " La fertilité par chaleur est de 60 à 65% pour la monte en main ou en liberté. Ensuite, on perd environ 10% de réussite à chaque étape. C'est à dire qu'on descend à 55% pour l'insémination immédiate avec du sperme frais, 45% pour du sperme réfrigéré (insémination dans les 24 heures) et on arrive à 40% seulement pour du congelé." Donc on constate une réelle chute de la fertilité, sans compter que dans ces conditions, le génétique finit par n'appartenir qu'à quelques "gros" et le marché général s'écroule, comme cela est arrivé dans les chevaux de sport en France. Enfin, l'insémination de sperme congelé oblige à l'injection sytématique de chorulon ou décapeptyl afin de provoquer l'ovulation de la jument. En effet, en temps normal, l'ovule vit 12 heures tandis que le spermatozoide 48 heures. Mais la durée de vie du sperme décongelé est diminuée de moitié. Or, les injections d'hormones à répétition en intramusculaire finissent par provoquer des dérèglements à moyen terme chez les juments si elle sont faites trop souvent et surdose. C'est un nouvel élément qui peut faire baisser la fertilité alors qu'il fait à la base pour l'améliorer. A noter que l'injection de décapeptyl a pour conséquence de sortir l'animal de la consommation humaine.

 

 

Des questions se posent aussi au sujet de la récolte sur le mannequin. Le trot est passé à l'insémination artificielle en sperme frais pour des raisons d'hygième et aussi pour raison évidente : l'insémination exige de l'étalon qu'il soit récolté 3 à 4 fois par semaine, et non qu'il saillisse 2 à 3 fois par jour. Ainsi, un trotteur peut continuer à courir tout en faisant la monte, d'autant plus que les meilleurs éléments profitent de toute façon d'une période de décompression sportive au printemps, après le meeting d'hiver de Vincennes. Encore faut-il qu'un cheval ayant 100 juments à son carnet de bal (virtuel...) soit capable de produire une semence de qualité et de quantité suffisante pour que, une fois diluée, elle puisse féconder 20 juments avec un seul éjaculat.

Dans le galop, où la race du pur-sang est quand même beaucoup plus susceptible et délicate que celle du Trotteur Français, la problémtique est différente. " Il faudrait tout reprendre à zéro car la récolte d'un pur-sang est très difficile. Soit on fait du tout naturelle, soit du tout mannequin. Car je peux vous garantir qu'un étalon n'est pas très motivé par un mannequin quand il a goûté à des vraies juments."

 

Mannequin de monte pour étalons - 3040060 - Technibelt

 

C'est aussi pourquoi, dans l'immense majorité des cas, les chevaux de courses PS deviennent étalons alors que personne ne connaît leurs caractéristiques séminales, à défaut d'avoir pu faire des tests de fertilité au préalable pendant une semaine complète. Les étalonniers ne s'en vantent pas évidemment, mais ils transpirent à grosses gouttes au moment des échographies des premières juments saillies, et la fertilité des étalons est assurée sur des objectifs de nombre et non des tests scientifiques. " Pour un futur étalon, en plus du certificat de bonne santé, le vétérinaire pratique une mesure de la taille des testicules, à l'aide d'un boulier ou d'un cryptomètre. La grosseur est correllée avec le nombre de spermatozoîde qui y sont produits. Cela ne donne toutefois pas d'indication sur leur durée de vie ni sur la proportion de spermatozoïdes anormaux qu'ils produisent."

Alors, que faire pour rattraper un retard ? " Pour les étalons qui le peuvent, la meilleure solution reste d'augmenter le nombre de sauts quotidiens en fin de saison, quand la fertilité est la meilleure de toute façon. On peut aller raisonnablement, selon la santé et le moral de l'étalon, jusqu'à 4 à 5 sauts par jour. En effet, la spermogénèse se fait très exactement 65 jours avant l'éjaculation. Le cycle de maturation du sperme est très précis et bien connu. Ensuite, il est stocké dans la queue de l'épididyme dans l'attente de l'éjaculation. Or, le temps de transfert jusqu'à ce lieu de stockage est limitée à une heure."

Pour un étalon normal, le nombre de spermatozoîdes disponibles est de plusieurs milliards par jour, ce qui laisse une marge suffisante pour plusieurs saillies par jour. Les études ont démontré qu'une 2e saillie dans la journée offrira 50% de spermatozoïde par rapport à la 1ère, mais que la baisse diminue ensuite. Ainsi, le 3e et le 4e saut donnent un résultat identique de 40%. Ces chiffres, si l'étalon est normalement fertile, sont assez élevés pour assurer une bonne fécondité.

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