Pinhookers, une vie de spéculation

26/06/2025 - Ventes & Shows
Encore plus que pour les acheteurs, les ventes aux enchères sont les moments clés du calendrier des pinhookers. Majoritairement irlandais, ces derniers vivent uniquement de la valorisation de poulains souvent achetés plusieurs années auparavant, dans le but de réaliser des plus-values. Par Baptiste Bourgeais.

  Les enjeux sont énormes pour les pinhookers autour du ring


Qui dit Irish Derby samedi, dit Derby Sale. Après les résultats très encourageants de la première vente de stores de l’année, l’Arkle Sale, il était intéressant d’observer si le rebond observé était durable. Quelque peu avant la fin de la vente, au moment où sont rédigées ces lignes, le prix moyen était en progression de 9 % par rapport à l’édition 2024. Cette vente est cochée de longue date par les plus grands entraîneurs anglo-irlandais, comme Willie Mullins, Gordon Elliott, Dan Skelton ou la valeur montante Olly Murphy, qui viennent ici tenter de dénicher leurs stars de demain. Mais cette Derby Sale est encore plus importante pour les pinhookers, majoritairement irlandais. Cette pratique, à savoir celle de la spéculation sur la matière première « cheval de course », est tellement propre à nos voisins que nous n’avons même pas de mot en français dans notre dictionnaire pour la décrire.
 
 
   Ce fils de Nathaniel acquis yearling 87 000 € a été vendu 180 000 €
 
 
Pourtant, la France est souvent le premier maillon de la chaîne du pinhooking. Ces fameux « Anglais qui achètent des foals », comme on l’entend souvent dans la bouche d’éleveurs, sont en fait la plupart du temps des Irlandais. Chaque printemps, ils sillonnent les routes de l’Hexagone pour acheter de jeunes chevaux. À l’inverse d’un courtier ou d’un entraîneur qui réalise la même opération, l’étape suivante n’est pas l’hippodrome, mais les ventes. L’objectif est simple : réaliser une plus-value financière à la revente. Ainsi, nombre de foals « FR » viennent garnir les catalogues de ventes de stores lorsqu’ils sont âgés de 3 ans, voire de 2 ans désormais.
 
Tels des traders, ces pinhookers effectuent des paris sur l’avenir, en espérant que le sort leur soit favorable, le plus souvent avec leurs fonds propres. Un bon pinhooker doit avant tout être un homme de cheval, afin de se projeter sur l’évolution physique de chevaux âgés parfois de quelques jours, et ensuite être un fin businessman pour proposer la bonne offre au vendeur. Un prix trop bas, et l’éleveur préférera vendre à un autre pinhooker plus offrant. À l’inverse, une plus-value sera plus difficile à réaliser si le foal a été acquis trop cher. Les foals sont un pari sur l’avenir d’un point de vue physique, mais également en ce qui concerne le pedigree du poulain. Les foals étant destinés à être revendus plusieurs années après l’achat, l’acheteur doit espérer que la cote commerciale de l’étalon évolue positivement dans l’intervalle, ou qu’un des frères ou sœurs du poulain se révèle en piste. Ainsi, il faut avoir du flair pour miser sur le fait qu’un jeune étalon perce et devienne bankable.
 
 
Walter Connors (gauche), l'un des plus grands pinhookers en discussion avec Harold Kirk, l'homme de confiance de Willie Mullins 
 
 
Parmi toute la famille des pinhookers se trouvent également les préparateurs de point-to-point. Si, à la base, ces courses non officielles, sans allocation, étaient l’apanage d’entraîneurs amateurs venant faire courir leurs chevaux pour le plaisir le week-end, elles sont aujourd’hui devenues le véritable centre de formation des sauteurs irlandais. Il existe désormais des entraîneurs spécialisés qui veillent parfois sur plus de 50 chevaux afin de les valoriser dans les point-to-point. Lors des ventes de stores, ces derniers achètent des jeunes éléments — présentés par des confrères pinhookers — afin de les débourrer et de les faire courir. 
 
L’objectif est toujours le même : faire performer le cheval afin de le vendre sur le ring et réaliser un bénéfice. Le marché a tellement explosé ces dernières années que les gros noms du milieu, tels Donnchadh Doyle, Colin Bowe ou Denis Murphy, achètent désormais des stores pour des sommes à six chiffres. Vu de France, il est difficile d’imaginer qu’un 4 ans qui débute dans un champ où le tracé est délimité par des bottes de paille et de la rubalise puisse parfois valoir 400 000 €. Et pourtant, le prix moyen des chevaux présentés à la Cheltenham Festival Sale cette année dépassait les 150 000 € !
 
 
 C'est sur ce type de piste que certains des plus grands champions actuels ont débuté

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