Sylvain Dory : la vie ardue du plus vieux jockey d'obstacle en France

24/10/2019 - Grand Destin
A bientôt 53 ans, Sylvain Dory, le plus vieux jockey d'obstacle de France, a décidé de quitter l'habit de lumière au lendemain d'un week-end de fête à Nuillé-sur-Vicoin où il a gagné ses 2 premières courses de l'année en tant qu'entraîneur de 2 vieux pensionnaires montés par son fils Leo-Paul. Figure des cross des plus petits hippodromes de l'Ouest, Sylvain Dory revient sur une carrière chaotique qu'il dit avoir gâché lui-même.

 

 Sylvain Dory s'en va des vestiaires alors qu'il était déjà un revenant. Doué dans sa jeunesse, ancien espoir de l'écurie classique de Gérard Margogne, il avait quitté la scène entre 2002 et 2009. " J'ai subi une triple fracture de la jambe. J'ai sombré dans l'alcool à tel point qu'on me surnommait trois grammes, j'ai pris du poids. Mais j'ai été sauvé grâce à ma compagne de l'époque, la mère de ma fille Camille. Puis j'ai repris ma licence pour sauver mon écurie car je ne trouvais plus aucun jockey pour monter mes chevaux en course." Un an plus tôt, le petit entraîneur de Pruillé près d'Angers dans le Maine-et-Loire avait pourtant passé le meilleur printemps de sa vie, gagnant 3 courses consécutives avec Oré, à Seiches/Loir monté par Jean-Michel Peccot et même au Lion d'Angers sous la selle d'un jeune gentleman-rider nommé Gabriel Leenders. Ce dernier, devenu l'un des meilleurs entraîneurs de France, le cite d'ailleurs toujours parmi ses modèles, entre Christophe Dubourg et Alain de Royer-Dupré !

 


Sylvain Dory dans son écurie

 

Sylvain Dory a passé le poteau en tête pour la dernière fois le 30 avril 2017 à Blain, en selle sur Great Horizon. C'était la 70ème victoire d'une carrière qui se s'est étendue sur 4 décennies, qui avait bien commencé avant de subir des accros. Natif de l'Est, son grand-père Henry Dory a créé l'actuel hippodrome de Nancy, et son père était starter dans la fédération. " J'ai découvert les courses en costume cravate ! " explique celui qui n'en porte plus jamais. " J'étais apprenti chez Jo Audon, le père de Loïc Audon, à Coye-la-Forêt. C'était l'époque du champion d'Auteuil Claude le Lorrain. Mais l'écurie allait en dents de scie. Je suis parti 3 ans chez Jean-Pierre Plaine dans l'Est. J'ai beaucoup monté en plat, tout un hiver en Allemagne, mais je n'aimais pas ça. J'ai toujours préféré l'obstacle et j'ai même gagné ma 1ère course dans le Grand Steeple-Chase d'Aix-les-Bains avec Ouragan Collonges (NDLR : le futur vainqueur du Prix du Président de la République à Auteuil).

 


Sylvain Dory à Nuillé-sur-Vicoin avec son collègue Cédric Gabard.

 

Soudain, à 20 ans, il traverse la France pour débarquer dans la plus puissante écurie d'obstacle de l'Ouest à l'époque, celle de Gérard Margogne, réputée pour son organisation militaire. " J'ai vu une annonce dans le turf. Gérard Margogne avait alors appelé Jean-Pierre Plaine qui lui avait indiqué que j'étais un bon gars mais que je n'étais jamais à l'heure ! Dès mon arrivée, j'ai monté 5 courses et j'en ai gagné 3 ! Dans cette écurie, on ne montait pas beaucoup mais on faisait tilt presqu'à chaque fois. Mais 5 ans plus tard, Sylvain Dory décide de voler de ses propres ailes. Après avoir fait du débourrage et du pré-entraînement, il prend sa licence d'entraîneur à 25 ans. "C'était beaucoup trop tôt. Je n'étais plus du tout encadré avec plus personne pour me dire quoi faire; C'est très dur à gérer à cet âge. Pendant ce temps là, Sylvain Dory continue de monter en course, en obstacle, pour Alain Claude et Maurice François, un type hors norme, cavalier et entraîneur de génie à la fin d'une carrière ruinée par l'alcool. En fait c'est un jockey d'une autre époque largement révolue. " Il n'y avait pas de caméras. On s'arrachait les étriers, on s'arrachait les tapis. En course, c'était la guerre et après, on se retrouvait tous à la buvette. On était des furieux. Mais les temps ont changé. C'est devenu très dur pour les petits comme moi avec les histoires de la TVA et le fait qu'on nous enlève les bleds."

 

 
Leo-Paul Dory dans le gué de Nuillé-sur-Vicoin.

 

 En effet, pour gagner son pain quotidien, Sylvain Dory court le cachet, c'est à dire les plus petits hippodomes pour y gratter des allocations avec les 11 pensionnaires de sa pette écurie. En 2016, il a quand même connu la gloire d'une victoire à Craon en selle sur son pensionnaire Star de la Prise, le grand gris aujourd'hui âgé de 13 ans avec lequel il a pu participé 3 fois à l'Anjou Loire Challenge. " C'est une montée d'adrénaline extraordinaire, avec cette foule, ce départ devant les tribunes pleines et la montée sur le podium à la fin. " Bien sûr, Sylvain Dory doit se dire qu'il aurait pu mieux faire sous la casaque sans cette période alcoolique, mais il a deux motifs de fierté pour la postérité : ses enfants. " J'ai pu monter pendant un an en course avec mon fils Leo-Paul, et ma fille Camille, qui a 12 ans, commence à bien marcher en course de poney." Et comme passe-temps, Sylvain Dory écrit des poésies. 

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