Les Bozo, une famille normande au service de l'élevage

14/09/2014 - Grand Destin
Le Haras des Monceaux est managé de main de maître par Henri Bozo. Son père, Antoine, est à l’origine du succès des haras de Mortrée et du Mézeray. Suite à l’article sur Luciano Urano et les Monceaux, il semblait nécessaire de s’intéresser de plus près à la famille Bozo.  
Une famille nombreuse passionnée
 
A la tête du haras des Monceaux, Henri Bozo est issu d’une famille nombreuse dont la plupart des membres s’est investi dans le monde de l’élevage et des courses.
- Henri, né en 1973 dans l’Orne, est le dernier garçon d’une fratrie de 5 enfants, la «progéniture» de Claire et d’Antoine, manager du haras du Mézeray, aujourd’hui en retraite.
- Sa sœur aînée, Anne-France, a épousé, en 1989, l’un des premiers entraîneurs français émigrés à Dubai (installé à Chantilly jusqu’en 1994), Erwan Charpy. Trois enfants sont nés de ce mariage (Louise, Victor et Edouard).
- Le second, Pierre-Antoine né en 1966, est entré en religion en Normandie. Il a été curé de Saint-Christophe le Jajolet (le saint patron des voyageurs et le village du Haras de Sassy), supérieur du Séminaire de Caen, recteur du Séminaire de Saint-Jean Eudes. Il était en charge d’organiser, tous les 3 ans, le déplacement de ses jeunes paroissiens aux journées JMJ à travers le monde (il faisait partie du voyage de Rio, l’an passé).
 
 
- Le 3ème, Ghislain (en photo ci-contre), a créé une agence de courtage, Meridian International. Il a épousé en 1976, une bordelaise Mathilde Descamps. Etienne, Jeanne et Paul sont nés de cette union.
 
- La dernière née (1976), Lydwine, n’a pas épousé le monde du cheval et son prénom provient d’une des ses tantes maternelles.
 
 
Notes
 
- Erwan Charpy est issu d’une famille au service des Haras Nationaux depuis la fin du 19ème siècle. Son père, François, fût tête de liste des gentlemen-riders (jusqu’à ce que survienne un accident à Auteuil en 1953) puis cavalier de concours complet. Il est nommé directeur du Haras National du Pin en 1973 (jusqu’en 1991, année de sa retraite) après être «» au Haras de Saint-Lô. Il est un peu le précurseur de la discipline de l’attelage en France. A 17 ans, il menait un attelage de 4 chevaux au Haras de Lamballe. Plus tard, il va régulièrement aux courses sur l’hippodrome de la Bergerie avec ses quatre chevaux attelés ; il était hors de question de s’y rendre en automobile. Il est également l’organisateur du Championnat international d’attelage du Pin en 1979 après avoir participé à celui de Windsor en 1976.
 
- Ghislain se consacre également (avec Nicolas de Chambure) à l’écurie de groupe Meridian Racing qu’il a créé très récemment de toutes pièces. Les deux compères sont dirigeants dans Capital Pur-Sang, une société, créée en 2009, qui a pour but de gérer l’investissement dans les chevaux de courses, dans les juments et dans les parts d’étalons.
 
Mathilde Descamps est la fille de Jean-Michel, le maire de Sauternes et le dynamique président du Bouscat.
 
 
Henri Bozo
 
Après l’obtention du baccalauréat, Henri (en photo portrait ci-dessous) rejoint une école supérieure de commerce à Paris (IDRAC), effectue un stage chez Goffs en Irlande et monte un syndicat de pinhooking.
 
Puis après son service militaire à Fontainebleau (section vétérinaire) au CSEM (Centre Sportif Equestre Militaire), Charles-Henri de Moussac lui conseille de faire des stages à l’étranger afin de prendre, un jour, la succession de son père, Antoine, au Mézeray.
Pendant près de 3 ans, Henri joue les nomades : six mois près de Cape Town, le Sud-Ouest de l’Afrique du Sud (chez la famille Beck à Highlands Farm, l’un des haras leader du pays), un stage en Irlande dans une clinique vétérinaire, puis toujours en Irlande chez Lady O’Reilly (Castlemartin Stud) et enfin à l’Irish National Stud.
 
Il complète sa formation avec un stage en Australie chez John Messara, à Arrowfield Stud, (un haras mondialement connu situé en Nouvelle-Galles du Sud) et même en Nouvelle-Zélande.
 
Avec son baluchon, il se dirige ensuite chez Christophe Clément (à New-York et Saratoga) où qu’il apprend les soins, l’entraînement et le sens du détail.
 
De retour au pays, il travaille un an avec son père au Mézeray avant de prendre définitivement sa succession en février 2000 (à 27 ans), et ce, pendant 4 ans. Encore célibataire, il s’adonne à son sport favori, le rugby qu’il pratique comme arrière à Lisieux.
 
 
 
 
 
La résidence d'Antoine Bozo au Haras du Mezeray
 
Mais un jour de 2003, Luciano Urano le contacte afin de monter un élevage de galopeurs avec des ambitions internationales, lui qui avait déjà réussi avec les trotteurs.
 
Henri n’envisage pas d’accepter, mais ils se rencontrent, discutent. De retour au bercail, il savait qu’il allait falloir accepter.
Henri vit aux Monceaux avec ses 3 enfants (Martin, Pierre et Timothée) et avec son épouse, Marion Seeuws (ancienne responsable en communication au sein du groupe Lucien Barrière puis chez Artcurial à Deauville) dont les parents sont mansonniens.
 
Antoine, père d’Henri, au Bois Roussel, Mortrée et Mézeray
 
Le père d’Henri, le 7ème d’une fratrie de 11 enfants, Antoine (né à Alençon, en photo protrait ci-contre) épouse Claire Roquette (4ème d’une fratrie de 10 enfants).
Après avoir passé avec succès les études secondaires, Antoine intègre une école d’agriculture avec à la clé un stage chez son parrain de baptême, le comte Gérald Moulins de Rochefort, au Haras du Bois Roussel. Il commence à se passionner et apprendre le métier au contact des pur-sang. Il faut dire que le père d’Antoine, Pierre, avait déjà des chevaux que le bambin de 6 ans qu’il était chevauchait déjà.
 
Il débute donc au Haras du Bois Roussel (qui sera vendu en 1970 à la comtesse Margrit Batthyany) puis prend les rênes du Haras de Mortrée (sous l’ère de Pierre Ribes) pendant 15 ans. En 1975, Paul Augier de Moussac fait appel à lui au Haras du Mézeray.
 
A peine le temps de poser les valises que Pomme Rose débarque d’Angleterre, pleine de Mill Reef et suitée de Noir Et Or. En fin d’année, Paul de Moussac remporte le Gran Premio di Roma avec Henri le Balafré, qu’il venait d’acheter à Claude Puerari.
Margouillat débute sa carrière d’étalon et l’année suivante, sous l’ère Bozo, viendra la naissance de La Trinité, puis celle de Luth de Saron et de la championne Luth Enchantée.
 
Antoine restera aux commandes pendant près de 30 ans, assisté, donc, de son fils, les dernières années. Philippe Brosset (directeur technique) et Marie-Christine Dutertre-Hallopé (directrice administrative) vont remplacer le duo Bozo, père et fils.
 
Paul de Moussac et son fils Charles-Henri du Haras du Mezeray sont très liés à la famille Bozo (Photo APRH)
 
Notes
 
Antoine Bozo est encore aux commandes du Mézeray lorsque la famille de Moussac achète (via le courtier de Mill Ridge Farm, Headley Bell-Nicoma Bloodstock) aux January Sales 1996 de Keeneland (lors de la vente de dispersion d’Howard Keck, le propriétaire de Ferdinand), une jument vide de 13 ans, Hidden Light, payée $ 190.000. En son temps, elle avait gagné les Hollywood Oaks, les Santa-Anita Oaks et les Del Mar Oaks. Saillie en 2000 (l’année de la prise de fonction d’Henri Bozo) par El Prado, elle va donner naissance dans le Kentucky à un poulain, nommé Artie Schiller, qui va s’imposer, après l’avoir vendu yearling, dans la Breeder’s Cup Mile 2005 (devant Leroidesanimaux et l’ancienne française, Gorella, élevée par Xavier Bozo). Il est aujourd’hui étalon.
 
Antoine Bozo est encore très actif dans le milieu puisqu’il fait partie du conseil d’administration du Syndicat des Eleveurs. Pour l’anecdote, Antoine, n’avait pas encore dépassé la trentaine, qu’il était déjà éleveur.
 
- L’oncle d’Antoine Bozo, Georges (né en 1898 et frère de son père, Pierre) avait pour «progéniture», Jacques et Dominique (1935-1993), entre autres. Jacques (maire de sa commune de l’Orne pendant 31 ans) est le père de Caroline (future Madame Alain Falourd) et Dominique est à l’origine de la création du Musée Picasso et en fût le premier directeur.
Attaché au Ministère de la Culture, il a terminé sa carrière comme Directeur du Centre Georges Pompidou. Pour l’anecdote, les deux frères, Georges et Pierre, avaient épousé les deux sœurs, nées Le Turc.
 
- Les époux Moulins de Rochefort reprennent possession du haras du Bois-Roussel en 1948. Il avait été loué pour un bail de 15 ans à Léon Volterra. Pendant 25 ans, le haras sera plutôt axé vers l’exploitation agricole (même si les juments étaient en nombre donc celles du baron Pierre de Lassus associé au propriétaire des lieux) tenue par l’homme de confiance de la famille, Marcel Deroubaix (en poste à partir de 1948, directeur du haras de 1958 à 1974, y compris sous l’ère Batthyany). Marcel Deroubaix est le père de Gilles, qui a repris le Haras de Sou, fondé par son père et de Jean-Pierre, le courtier.
Gérald de Rochefort (ancien Officier de cavalerie et Président de la Société des Steeple-Chases, décédé en octobre 1968 à 82 ans, en photo ci-contre) avait épousé, en 1913, la fille du comte Pierre-Louis Roederer et d’Amélie de Saint-Alary, Régine. Dans la corbeille de mariage, il donnera en dot, le haras. Le nouveau couple n’aura pas de descendance. 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pierre Ribes, élu Président du Syndicat des Eleveurs en 1981 (prenant la suite du baron Guy de Rothschild), était un homme politique ; député des Yvelines pendant 12 ans et secrétaire d’Etat du Gouvernement Barre, sous Giscard. Il avait créé, près de Houdan, le Haras de Bonneville (sur la commune de Civry la Forêt dont il était maire) en 1956 qu’il transférera à Mortrée (Orne) en 1963. Il avait acheté celui-ci aux enchères (à la chandelle) à un industriel du nord.
Son premier «sire» fut Tapioca (racheté à Mathieu Goudchaux) qui sera le père de l’un des premiers élèves d’Antoine Bozo mais aussi de tous les produits maison, Grandier (acheté yearling à Frédéric Lieux et futur père de Grandchant), la fratrie Gramy et Gracias, Arantelle (mère d’Argument), Félicité. Ils portaient tous la casaque de Mme Pierre Ribes (cerclée jaune et noir, manches noires, toque jaune qui ressemble comme deux gouttes d’eau aux couleurs de Paul de Moussac-manches cerclées jaune et noires).
 
A droite, Grandier félicité par Mme Pierre Ribes à l'issue de sa victoire dans le Prix Ganay
 
Il était aussi naisseur de Princeline (Prix Morny après avoir été retirée aux ventes de yearlings) et de sa sœur, Astuce (future mère d’Ivanjica). Achetée à Mme Jean Couturié, Neptune’s Doll portait les couleurs de la famille lors de sa victoire dans le Critérium de Maisons-Laffitte 1962 et de sa 3ème place de la Poule d’Essai des Pouliches (l’édition d’Altissima).
Le Haras de Mortrée changera de mains à plusieurs reprises : les époux Thoreau, Pascal Noue (du temps de Cadoudal et Kapgarde) et Jean-Etienne Dubois.
 
- Natif de Vendée, Paul de Moussac crée, à partir d’une propriété achetée en 1962 d’une dizaine hectares à l’origine, le Haras du Mézeray. Son père, Henri, était connu pour ses qualités d’entraineur de trot et pourtant c’est en achetant une pouliche à réclamer que Paul débute chez les galopeurs.
Paul de Moussac établit des relations étroites avec Alice Headley-Chandler à Mill Ridge Farm (Kentucky) qui accueille quelques juments du Mézeray. Pas très loin, Circle O’Farm veille sur quelques autres poulinières dont Tréphine, la mère de Trempolino.
 
Trempolino
 
Pierre Ribes est un vrai sportsman, il félicite ici Jean-Claude Desaint
après un succès remporté pour la casaque cerclée jaune et noire
 
Xavier, cousin germain d’Henri, est l’éleveur de Gorella
Le frère aîné d’Antoine, Paul, crée le Haras du Logis (60 ha à l’origine à Louvières en Auge) en 1949, le développant pendant plus de 25 ans jusqu’à son décès brutal en 1975. Il avait épousé Madeleine Tesson (une vendéenne des Sables d’Olonne). Sept enfants sont nés de cette union dont Xavier (né en 1952). Ce dernier est encore jeune étudiant quand il reprend le haras, épaulant sa mère, avec l’aide de son épouse, Nathalie (étrangère aux courses mais cavalière de concours complet et descendante de la famille Lanvin). Le haras qui élève et fait du débourrage sous la responsabilité de Yann Poirier (l’un des précurseurs du pré-entrainement, c’était il y a déjà plus de 20 ans) devient également une station d’étalons. Mais en 1996, le couple Bozo change de cap et vend Le Logis, hormis la résidence principale, une jolie maison, encore habitée aujourd’hui par la veuve de Paul, Madeleine.
 
Nathalie et Xavier Bozo aux ventes d'élevage
 
En repartant de zéro, Nathalie et Xavier créent l’élevage de la Source à Chambois dans l’Orne. La maison habitée par le couple avait hébergé, en son temps, le fabriquant de camemberts, Paul Buquet, co-propriétaire de Kerjacques, le chef de race trotteur.
 
Vue sur la résidence de l'Elevage de la Source
 
Xavier, qui, depuis 1996, est également courtier sous l’entité Intercontinental Bloodstock, est tombé amoureux de l’Afrique du Sud en 2008 lors d’un voyage organisé par le FRBC (en compagnie d’Eric Puerari). Il découvre le Natal (la province voisine du Lesotho) et l’année suivante, il achète Spring Water Farm (70 ha), très proche voisin de Summerhill Stud (9 fois tête de liste des éleveurs en SAF) à 2 heures de Durban..
Quatre enfants sont nés de l’union avec Nathalie dont une fille, Valentine. Cette dernière et son mari s’installent dans cette nouvelle acquisition. Le gendre de Xavier y a monté une entreprise fabriquant (ou important) des produits français, tels que le pain, le vin et le fromage.
 
Notes
Gorella (Grape Tree Road) qui a terminé 3ème de la Breeders’Cup Mile 2005, l’édition de Artie Schiller (Haras du Mézeray) est née à Chambois chez Xavier et Nathalie Bozo. Gagnante du Prix de Sandringham (Gr.2), Gorella avait terminé seconde du Prix du Moulin de Longchamp, 3ème du Prix d’Astarté (de Divine Proportions) pour la fratrie Pierre et Jean de Roualle qui ne l’avait achetée que 23.000 €. Pour son nouveau propriétaire, Martin Schwartz, elle sera ensuite exportée pour l’Amérique où elle va s’imposer dans les Beverly D. Stakes (montée par Julien Leparoux , sous la coupe de Patrick Biancone). Vendue par la suite à la famille Yoshida, elle est poulinière au Japon.
 
Gorella
 
- Son frère cadet, Porto Santo (Kingsalsa) a terminé à la 3ème place du Critérium International, à une encolure de Stormy River. Après sa victoire dans l’Omnium II à 3 ans, il est vendu pour les USA.
Leur mère Exciting Times est achetée à 3 ans sortant de l’entrainement par Intercontinental Bloodstock (Xavier Bozo) pour 6.860 €. L’année suivante, il tente de la vendre, pleine de Grape Tree Road, mais la rachète pour 12.500 €. Bien lui en a pris puisque naîtra Gorella. Cinq années plus tard, elle se retrouve sur le marché de Tattersalls (présentée par Kiltinan Castle Stud, le haras irlandais de Lord Lloyd Webber) où elle trouve preneur pour 900.000 Guinées, pleine de Dubawi.
 
Top of The Sky (Kahyasi), né également à Chambois, a remporté, pour les couleurs de son éleveur (Gros-vert, manches beiges), le Prix Maurice Gillois en 2007. Sa mère avait été élevée par Xavier Bozo (du temps du Haras du Logis) en association avec la mère de Jean de Roualle.
 
- La propriété du Logis, achetée en 1949 par Paul Bozo, ne va débuter l’élevage qu’à partir de 1965. A partir de 1975, il ouvre ses paddocks et ses boxes à la clientèle dont  Paul de Moussac qui y met en pension ses foals sevrés. C’est ainsi que River River et Luth de Saron ont passé leur «enfance» sur ces terres ornaises. A partir de 1982, le Mézeray s’agrandit et rapatrie ses yearlings. Mme Bozo et son fils ouvre ses portes aux juments de quelques propriétaires et décide d’installer également des étalons (Dom Racine, Zino..).
 
- Pour l’anecdote, le bien connu Los Cristianos a été élevé conjointement par Mme Paul Bozo et deux de ses enfants, Marie-Christine et Franck, sœur et frère de Xavier.
 
- Natif en 1967 des environs de Newmarket, Julian Ince, formé à l’école de Coolmore et résidant français depuis quelques temps (responsable au Haras du Vieux Pont, entre autres).est alors appelé à diriger le haras qu’il loue avant de l’acheter en 2007 et d’y stationner les étalons Darley.

 

Voir aussi...