Un inconnu, une infirme, une Reine : les anglais sont vraiment fous

27/10/2010 - Actualités

 

Disputé samedi dernier, le Racing Post Trophy pouvait paraître bien terne une semaine après l’affiche au sommet que proposaient les Dewhurst Stakes remportés par le phénomène Frankel à Newmarket. Pourtant, ce groupe 1 britannique pour 2 ans n’a pas manqué de piment sur la piste mais aussi, et surtout, en coulisse avec un entraîneur qui aura goûté rapidement au bonheur de la consécration, un cheval à la vie très perturbée et la Reine qui reprend espoir. Le tout en une réunion !

 

Casamento, le vainqueur d'un Racing Post Trophy très atypique

 

Bonjour et au revoir à Michael Halford

Traditionnelle revue d’effectif chez les poulains pressentis pour le Derby d’Epsom de l’année suivante, le Racing Post Trophy a donné trois lauréats de Derby ces 10 dernières années (High Chaparral en 2001, Motivator en 2004 et Authorized en 2006). Cette année l’heureux élu se nomme Casamento. Fils de Shamardal, dont la 2ème production semble aussi prometteuse que la 1ère a été extraordinaire, et Wedding Gift, née et élevée en France, où elle avait gagné Listed mais dont c’est le premier produit de niveau groupe, Casamento tentera de marcher sur les traces de ses glorieux prédécesseurs au palmarès de la course.  La route est encore longue mais une chose est certaine : ce sera sans son actuel entraîneur, l’Irlandais Michael Halford, vainqueur ici de son 1er groupe 1 pour sa 1ère participation ! Non pas qu’il ait fait du mauvais travail (4 courses, 3 victoires dont  1 de groupe 1 avec du quatrième ou cinquième choix Maktoum !), mais le plan était prévu ainsi. L’équipe de Cheik Mohamed Al Maktoum avait prévu d’envoyer ensuite le poulain à Dubaï afin de lui préparer une saison printanière qui doit le mener jusqu’au Derby. Beau joueur, Michael Halford a remercié l’équipe Godolphin de lui avoir confié deux chevaux (seulement deux), dont un qui s’est révélé assez fort pour gagner groupe 1. Ironie made in îles britanniques ou happy end ? A vous de juger.

 

Michael Halford, entraîneur qui sort de l'ombre soudainement, et perd aussitôt son champion !



Tattersalls éleveur à l’insu de son plein gré…


Casamento, premier. Deuxième, le Coolmore Seville. Un énième O’Brien pourrait-on croire. Mais celui-ci n’est vraiment pas un poulain comme les autres. Il a en effet été élevé par Tattersalls, l’organisme de ventes britannique : Arqana à la « mint sauce ». Mais depuis quand, Tattersalls est-il éleveur ? On imagine les problèmes d’éthiques et de conflit d’intérêt que cela poserait si ce cas n’était fortuit. Comme Virenque avec l’EPO, Tattersalls est en fait éleveur à son insu de plein gré ! Et pour cause, ce poulain, Seville, né des fruits de l’union de Galileo et de Silverskaya, fut vendu dans le ventre de sa mère, pour 750.000 guinées (près de 900.000 euros !!) aux ventes de décembre 2007. Adjugée, mais pas payée par un client de Charlie Gordon Watson. Dépourvu de solution viable et responsable au moins en partie, l’organisme des ventes se retrouve par conséquent avec Silverskaya et son futur produit sur les bras. Cadeau encombrant surtout quand on sait que l’histoire de Silverskaya ne fut pas sans à-coup non plus.
 

 

Le célèbre organisme de vente anglais Tattersalls s'est retrouvé éleveur, bien malgré lui

 

L’incroyable destin de l’infirme et surdouée Silverskaya


En effet, si les pages de catalogue nous rappellent ses succès dans les Prix de Royaumont et Minerve sous la coupe de Jean-Claude Rouget, elles ne nous disent pas que Silverskaya fut acquise 150.000 euro, en 2002, par un client du jeune courtier Laurent Benoit. Ledit client venait de toucher cette même somme grâce à la police d’assurance qu’il avait contractée pour deux chevaux arabes morts sur la route, peu avant, dans un accident dont il fut aussi victime ! Pas parfaite dans son modèle, Silverskaya fit des exploits sur la piste grâce à son entraîneur et son jockey attitré Ioritz Mendizabal qui n’hésitait pas à passer deux heures chaque jour de course à détendre et échauffer sa pouliche.

 

Ioritz Mendizabal passait 2 heures à cheval sur Silverskaya pour l'échauffer le matin des courses

 

Qui voudrait bien d’un fils de Galileo et Silverskaya ?

Retour à Newmarket et à Silverskaya, devenue poulinière sans propriétaire. Tattersalls doit trouver une solution à la délicate situation. Avec Galileo pour père, le poulain pourrait intéresser Coolmore : bingo, l’honneur est sauf, la situation démêlée et le poulain prend la direction de Ballydoyle pour y être entraîné. La négociation stipule que Silverskaya devra être saillie par Galileo et les produits appartiendront à Coolmore. C’est ainsi que des propres frères et soeurs d’un placé de Groupe 1 à 2 ans sont prêts eux aussi à arriver sur la scène des courses. Voilà une happy end !

 

Seville, le fils de Galileo et Silverskaya qui possède déjà à 2 ans un destin bien rempli.



La Reine revient du diable vauvert et fonce vers l’Arc de Triomphe !


Si cette réunion permet aux yeux ébahis du public connaisseur du Yorkshire d’admirer quelques futurs vainqueurs de Derby, on l’a vu, notons que la journée fut d’autant plus radieuse qu’un poulain a laissé une excellente impression dans une bonne course à Newbury. Et pas n’importe quel poulain : son nom Carlton House. Particularité : il appartient à la Reine.  Si God s’évertue à " saver " the Queen depuis des siècles, Carlton House pourrait offrir à Son Altesse un bonheur qu’elle ne boude pas, celui d’avoir un champion représentant sa casaque. Un bonheur auquel elle n’a pas goûté non plus depuis longtemps.

 

Quand la Reine d'Angleterre se refait dans la der !



Un poulain contre le plan de rigueur de David Cameron


Il faut en effet remonter à 1977 (il y a 33 ans !) pour retrouver un grand succès royal : Dunfermline auteur d’un joli doublé dans les Oaks et le St Leger. Le manager des intérêts hippiques royaux (quel job il a celui-là !), John Warren, a déclaré qu’il s’était fait un plaisir d’annoncer à la Reine qu’elle avait un poulain apte à participer à un " Derby trial ". "Comme c’est réjouissant !" a-t-il ajouté.
Trois jours après des annonces de rigueur extrême par le gouvernement de David Cameron, cette nouvelle hippique a réchauffé le cœur du peuple Anglais : la Reine a un cheval de Derby, on peut bien travailler jusqu’à 66 ans !  The end…

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