Nicoreni, une Classique pour Brametot le chinois

Alors qu’Aidan O’Brien présentait January, la favorite du Prix Rothschild ce dimanche, Ryan Moore, premier jockey de l’équipe Coolmore, avait choisi de se rendre en Allemagne pour monter Garden of Eden dans le Preis der Diana (Gr.1). Facile lauréate des Ribblesdale Stakes (Gr.2) lors de Royal Ascot pour sa première sortie sur la distance classique, la fille de Saxon Warrior avait tout pour plaire avant le coup. Montée au milieu du peloton, Garden of Eden n’a jamais donné d’espoir à ses nombreux preneurs. Elle doit se contenter d’une pâle neuvième place, un rang de mieux que l’autre pouliche en vue, la Godolphin Spirited Style, montée par William Buick. Comme souvent, les Allemandes ont été reines en leur royaume.

 

 

 

 

Lauréate l’an passé du Preis der Winterkönigin (Gr.3) et deuxième des deux dernières préparatoires, Nicoreni a sorti le grand jeu pour l’emporter. Associée à la valeur montante chez les jockeys allemands, Leon Wolff, la pouliche est allée de l’avant et a repoussé toutes les attaques. Elle offre ainsi un cinquième sacre dans cette épreuve au patron des entraîneurs allemands, Peter Schiergen. Nicoreni fait également briller pour la troisième fois la casaque de la famille von Schubert (Gestüt Ebbesloh) – l’une des plus belles au monde – après les victoires d’Adlerfee en 1938 et d’Arcona en 1993.

 

 

 

 

Basé à l’ouest du pays, non loin de la région de la Ruhr, le Gestüt Ebbesloh fait naître des pur-sang depuis 1912. Comme la plupart des plus grands haras allemands, Ebbesloh abrite des étalons. Durant trois saisons, l’ancien lauréat de la Poule d’Essai et du Jockey Club, Brametot, y a fait la monte après avoir débuté au haras de Bouquetot. En 2022, la famille von Schubert lui avait notamment présenté la gagnante de Listed Nouvelle Neige, ce qui donna Nicoreni. Ce succès classique obtenu par l’élève maison est l’arbre qui cache la forêt pour Brametot. En effet, avec ses cinq générations européennes, l’ancien meilleur 3 ans français n’a pas réussi à se mettre en évidence. Dès lors, en 2023, il a été exporté en Chine pour y poursuivre sa carrière.

 

 

 Brametot

 

 

Si dans bien des domaines la Chine figure parmi les leaders mondiaux, les courses hippiques y sont très peu développées. Bien que le parti de Xi Jinping soit au pouvoir de façon inamovible depuis de longues années, ce qui assure une certaine continuité dans la politique menée, l’industrie des courses (qui n’en est pas encore une) ne bénéficie pas de cette stabilité. Par le passé, à plusieurs reprises, de grands plans avaient été annoncés pour développer ce secteur économique ; à plusieurs reprises, les autorités ont rétropédalé. Il est difficile de comprendre la logique des dirigeants chinois, qui semblent tiraillés entre les intérêts économiques de la filière et l’interdit moral du pari. Or, à moins de sponsoriser massivement les courses, comme à Dubaï par exemple, sans paris, il est impossible de développer la filière.

 

 

 Des courses sur l'hippodrome de Yulong Park

 

 

Ces dernières années, toutefois, sous l’impulsion de Yuesheng Zhang, l’homme de Yulong Investment, la filière s’organise et se structure. Même si le Parti communiste est plutôt défavorable aux courses, Zhang, avec l’appui de certains gouvernements locaux (qui voient dans les courses un moyen d’attirer des touristes), investit afin de développer des structures : hippodromes, centres d’entraînement ou haras. Ainsi, des étalons aux pedigrees internationaux prestigieux ont rejoint la Chine ces dernières années. Si, dans les prochaines années, un assouplissement des règles en matière de paris s’opère, la Chine pourrait devenir le nouvel eldorado des courses mondiales, avec à la clé des milliards de dollars en jeu.