Wirtuel, une histoire bien réelle

09/01/2013 - Actualités
Né en 2008 au prestigieux Haras de Saint-Léonard dans le Calvados, fruit de l’union du top-étalon Monsun et de Wandering Spirit, une fille de Dashing Blade, Wirtuel semblait promis à un bel avenir. Estimé par son mentor Freddy Head, sa vie bascule le 4 août 2011 à Deauville : à l’issue de son premier handicap, ce pur sang fougueux est victime d’une grave tendinite à un antérieur. D’aucuns n’auraient alors imaginé le revoir un jour en piste. Il faut croire qu’une bonne étoile veillait sur Wirtuel…

Une entreprise périlleuse

Sa carrière en pointillés, Wirtuel aurait pu tomber de Charybde en Scylla, emporté par le van d’un maquignon. Telle n’est pas la politique de son éleveur/propriétaire, l’écurie Wertheimer & Frère, qui préfère se séparer de son poulain pour un montant dérisoire afin d’inciter un professionnel à le remettre d’aplomb. Premier garçon du Haras de Saint-Léonard, Philippe Giraud est ami de longue date avec Jean-Pierre Gauvin. Il ne tarde pas à l’en informer.

 



L’homme de Saônois se rappelle : « Wirtuel a de superbes origines. C’est un fils de Monsun et sa mère est une descendante de Mill Reef et Sadler’s Wells, champions sur les pistes et reproducteurs hors pair. Philippe m’a prévenu qu’il avait un gros hématome mais après avoir jeté un rapide coup d’œil sur ses performances, je lui ai dit : on prend le risque ». Ravie que Jean-Pierre Gauvin relève ce pari audacieux, l’écurie Wertheimer fait preuve d’une générosité extrême en lui cédant son poulain pour un euro symbolique. Conscient que le plus dur reste à venir, Jean-Pierre confie Wirtuel à Xavier Brelaud, cogérant avec sa compagne Clarence Signol du Haras des Châtaigniers, en Saône-et-Loire. Il sait que Clarence et Xavier sont capables de bien des miracles…

 


Les enchanteurs de Noireux

Installé au lieu-dit Noireux à une vingtaine de kilomètres de Montceau-les-Mines, Xavier se souvient de l’arrivée de Wirtuel avec exactitude. « C’était le mercredi 14 septembre 2011, assure-t-il. Sa patte était dans un piteux état. Nous lui avons prodigué des soins selon un protocole fait maison, à base de crèmes et de maréchalerie avec le concours de Mathieu Mousset, notre maréchal-ferrant. Wirtuel a suivi le même protocole que celui pratiqué sur Gaspaisienne (NDLR : élevée par Jean-Pierre Dubois, cette fille de Mansonnien a défendu les couleurs de Maurice Pauget, glanant près de 160 000 euros de gains sous la férule de Marc Pimbonnet) ».

 

 

Jean-Pierre Gauvin
 

 

Les soins fonctionnent à merveille et l’hématome se résorbe au fil des semaines mais le cheval, l’âme en peine, n’a guère d’appétit. Comme il a le moral dans ses sabots, Xavier décide de le mettre au paddock avec un autre compagnon d’infortune arrivé en même temps que lui pour y recevoir des soins. Le déclic psychologique se produit : « Au contact de Cadran, un cheval de Pascal Treyve (NDLR : Cadran a depuis été acquis à réclamer par Julien Phelippon, son nouvel entraîneur), il s’est métamorphosé. Il a repris du poil de la bête, retrouvé de l’entrain et même pris de la taille à ma grande surprise. Quand on lui apportait à manger, il accourait au petit trot, gai comme un pinson, bien dans sa tête. L’air de Noireux lui a plutôt bien réussi, comme à Cadran d’ailleurs ! (rires) ».

 


La renaissance de Wirtuel

Les efforts conjugués de Xavier, Clarence et Mathieu ont permis de soigner la vilaine tendinite de Wirtuel en seulement quatre mois. Leur mission accomplie, ils doivent se résoudre à laisser ce pur-sang attachant partir à Saint-Cyr-les-Vignes où Jean-Pierre Gauvin trépigne d’impatience à l’idée de pouvoir enfin jauger sa nouvelle recrue. Il se remémore avec allégresse le retour de pension de son protégé : « Xavier et Clarence ont fait du super boulot. Je l’ai trouvé très beau, avec de la taille. Sa tendinite n’était plus qu’un mauvais souvenir mais j’ai préféré prendre mon temps. Il fallait à tout prix préserver son moral ».

Le Forézien fait confiance à sa garde rapprochée pour redonner à l’alezan le goût de la compétition. La sauce prend. « Pour son retour en piste, je l’ai associé au gentleman-rider Yves Chabert, avec qui il a gagné de près de dix longueurs cet été à Vichy sous ses nouvelles couleurs (NDLR : Wirtuel porte la casaque de Jean-Pierre Bonardel dont la part s’élève à 34%. André Girod et Jean-Pierre Gauvin détiennent chacun 33%). Notre jockey maison, Alexis Larue, lui a donné de très bons parcours lui aussi. Et puis il y a eu cette course avec la cavalière Cindy Bento où il a fini en trombe à Lyon-Parilly. Il s’entend bien avec Cindy ! ».

À l’aube de ses cinq ans, Wirtuel peut envisager l’avenir sereinement. Son potentiel est intact : « Il remonte progressivement sur l’échelle des valeurs, passant en quelques mois de 32,5 à 38 grâce à son succès mi-décembre avec Antoine Hamelin. Il apprécie tous les types de terrain et se plaît sur la distance classique. Au vu de son aptitude aux parcours de longue haleine, une carrière de stayer n’est d’ailleurs pas à exclure ». Et lorsqu’on lui demande s’il croit Wirtuel capable de vieillir aussi bien que son cheval de cœur Willywell, qui part bientôt faire la monte au Haras des Châtaigniers, Jean-Pierre Gauvin glisse du bout des lèvres : « Ce serait fantastique… ».

 

 




 

Wirtuel, un pur sang d’ascendance germanique

Les parents de Wirtuel ont en commun d’être nés au Gestüt Schlenderhan, célèbre haras allemand propriété du Baron Georg Von Ullman. La réputation de son père Monsun, dont le prix de la saillie atteint la somme vertigineuse de 120 000 euros en 2007, n’est plus à faire. Fils de Königsstuhl, détenteur de la triple couronne allemande, Monsun a reproduit pléthore de lauréats de Groupes I continuateurs au haras tels que Shirocco, Manduro, Schiaparelli, Samum ou encore Getaway pour ne citer qu’eux. Si le chef de race germanique s’est malheureusement éteint le 11 septembre 2012 à 22 ans, ses produits en activité continuent de s’illustrer au plus haut niveau, à l’image de Masterstroke et Yellow and Green, respectivement 3ème et 5ème du 91ème Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, et Novellist, vainqueur quelques semaines plus tard à Milan du Gran Premio Del Jockey-Club E Coppa d'Oro, labellisé Groupe I.

 

 

Monsun



Sa mère, Wandering Spirit, a vu le jour en 2003. Acquise par l’écurie Wertheimer & Frère, elle n’a couru qu’à trois reprises (dont une victoire) sous la férule de Carlos Laffon-Parias avant d’entrer au haras et mettre bas Wirtuel, son premier poulain, en 2008. L’élève du Baron Von Ullman est une fille de Dashing Blade, lauréat à 2 ans des National Stakes puis des Dewhurst Stakes avant d’épingler l’année suivante un troisième Groupe I dans le Gran Premio d’Italia. Le champion irlandais est issu d’une lignée de compétiteurs et reproducteurs exceptionnels. Son deuxième père, Shirley Heights, s’est adjugé le Derby d’Epsom 1978 et s’est distingué au haras puisqu’il est le géniteur de Darshaan et Slip Anchor, vainqueur lui aussi du Derby d’Epsom, en 1985. Le troisième père de Dashing Blade n’est autre que l’illustre Mill Reef, statufié sur sa terre natale virginienne aux Rokeby Stables et pour cause : outre sa moisson impressionnante de Groupe I, l’élève de Paul Mellon a réussi l’immense exploit de remporter le prestigieux doublé Derby d’Epsom/Arc de Triomphe. En tant qu’étalon, Dashing Blade a produit les bons Lord of England, Faberger et Noble Pearl et peut se targuer d’être le père de mère d’une certaine Stacelita, six groupes I à son palmarès et meilleure fille de Monsun à ce jour. Côté maternel, Wandering Spirit est un produit de Wells Whisper, une fille du top-étalon Coolmore Sadler’s Wells (dont les rejetons totalisent la bagatelle de 106 Groupes I !) et Whakilyric, une fille de Miswaki, lauréat de l’édition 1980 du Prix de la Salamandre, qui s’est illustrée au niveau Groupe III dans le Prix du Calvados.
 

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