Antoine de Talhouët-Roy: vivre, rêver, accomplir

03/11/2010 - Focus Elevage
"Je pense qu'il faut vivre ses rêves, car c'est la seule façon pour qu'ils s'accomplissent." Antoine de Talhouet-Roy, propriétaire bien connu du Haras des Sablonnets, n'est pourtant pas un doux rêveur, mais il croit.

En 1990, Antoine de Talhouet-Roy a 28 ans. Il entend son père, la Marquis René, lui dire qu'il en a assez de remettre tous les ans de ses deniers personnels pour équilibrer les comptes du Haras des Sablonnets. Alors il pense le louer, voire pire, le vendre. "Cela, ce n'est pas possible!" Antoine est alors que le jeune hériter d'un des grandes familles aristocratiques de France. Sa lignée, venue de Bretagne pour s'installer dans la magnifique ville du Lude au sud de la Sarthe, remonte au 14e siècle. Son ancêtre à la 5e génération, Auguste, a été ministre sous Napoléon III. Il a crée les Sablonnets sur les bords du Loir en 1864. Celui de la 4e génération, Georges, a été député et son nom est honoré aujourd'hui à Auteuil par le 1e Gr.3 du programme pour les 3 ans.

 

Antoine de Talhouet-Roy



Cet homme qui aurait pu se laisser vivre de sa condition, a décidé de vivre, car il vit dans son époque. Et si chez lui, au Lude, dans un magnifique relais de poste à l'ancienne, les immenses et sombres portraits des ancêtres ornent les murs comme ils le feraient dans l'imaginaire des brumeux châteaux écossais, il sait qu'il a tout à construire par ses mains. "Tout cela, c'était un autre temps." Alors à 28 ans, Antoine de Talhouet-Roy change de vie. "J'ai demandé à mon père si je pouvais tenter ma chance au haras. J'ai quitté Paris et mon poste dans une radio libre." Radio libre ? Notre délicat et bien élevé éleveur eut-il été dans une autre vie l'animateur farouche et chevelu d'une bande FM de type "Ici et Maintenant", la radio libertaire (anarchiste) ? Non, pas tant que ça tout de même. Il travaillait à Chic FM, vaste réseau du Groupe Hersant émettant depuis Neuilly. Il a grandi à Paris, s'émerveillant chaque samedi quand gamin apprécié du Marquis de Geoffre, il se faisait emmener dans la grosse voiture à l'aube jusqu'aux pistes de Maisons-Laffitte pour y voir des animaux fascinants.

La contemplation

"Je suis toujours contemplatif, j'ai mon rythme, j'ai attendu mon heure." Profondément chrétien, Antoine de Talhouet-Roy contemple. Cela signifie qu'il garde les yeux grands ouverts sur la vie qui se déroule devant lui. L'influence qu'on peut avoir sur celle-ci reste bien maigre. Alors, autant  regarder, admirer, toucher, ressentir les choses si simples qui font l'existence, et réussir sans prétention mais avec conviction ce qu'il est en notre pouvoir d'accomplir. Finalement, il a beaucoup de points communs avec un autre grand éleveur, Nicolas de Lageneste, qui a choisi le nom de son futur crack, Rendons  Grâce, dans l'idée qu'il fallait savoir rendre grâce à tout ce qu'il nous arrive. Mystique ? "Oui, je le suis assez..." Le mysticisme est un mystère, une pratique expérimentale du divin, qui par essence n'est pas explicable, pas même par la religion écrite. Comme l'a déclaré Romain Rolland, Prix Nobel de Littérature: "C'est une sensation religieuse qui est toute différente des religions proprement dites. " Sachant que les deux sont compatibles.

 

Antoine de Talhouët-Roy (à gauche) avec son frère Hervé et son entraîneur Jean-Marie Béguigné autour de Dancing Lady


Johnny Hallyday disait :

Donc Antoine de Talhouet-Roy croit. Johnny Hallyday chantait (référence étonnante en cette occasion...): "J'y crois comme à la terre, j'y crois comme au soleil. J'y crois comme un enfant, comme on peut croire au ciel." Finalement, il avait bien raison le bougre belge. Relatif, le temps peut bien passer. On peut attendre une femme lointaine pendant toute une vie ans en la trouvant chaque jour plus belle à mesure qu'on s'en approche. De même, on peut rêver durant 20 ans de retisser les fils d'une histoire familiale semblant condamné, juste parce qu’elle  ne pouvait cesser, juste par ce qu'on l'a décidé.

"Quand j'ai débarqué au Sablonnets. Il fallait faire des coupes sombres: dans la jumenterie, dans le mode de fonctionnement aussi avec l'ancien personnel. Ces décisions sont difficiles à prendre et j'ai pensé qu'en venant de l'extérieur, j'étais mieux placé que mon père pour les prendre." Quitte à être de toute façon le méchant parisien, autant être méchant et demi...Il lui a fallu quand même du temps pour relancer la machine à son image. Puis est arrivé Smadoun. La encore, il fallait bien y croire. Un cheval de province, de "vulgaire" province. Un voisin, entraîné à 500 m de là par Bernard Renard. Tout bon, certes, mais sympathique. Traité avec condescendance mais devenu un chef de race en son genre, sans doute le meilleur continuateur de Kaldoun, lui-même un miracle permanent, en tant que père de Chichicastenango et grand-père de Vision d'Etat. Smadoun sera rejoint l'année prochaine par Barastraight. "Je ne lui ai pas encore dit. Je ne veux pas qu'il nous fasse une crise de jalousie!" taquine Antoine de Talhouet-Roy.

 

Smadoun, le patriarche des Sablonnets


Reconstruisant son histoire mot par mot, l'homme des Sablonnets a donné un coup d'accélérateur depuis 4 ans, lorsqu'il a doublé sa capacité. "Lorsque  Serge Boucheron a cessé son activité, j'ai pris comme cadre son homme de confiance, Valentin. Ensemble, nous avons développé le haras de Sivase, là où était entraîné Smadoun. Au total, nous avons une capacité de 100 hectares et nous pouvons accueillir entre 60 et 120 pensionnaires".

« L’élevage est un apostolat »

Sur les 30 poulinières des lieux, 12 appartiennent à Antoine de Talhouet-Roy, associé avec son frère Hervé. Il y a quelques perles comme Aka Lady, Dancing Lady, Fontcia, Maredsous et bien sûr Hidden Silver (mère de Silver Cross). Elles sont toutes suitées et pleines de grands étalons irlandais. Un an tout juste après une superbe embellie lorsqu'il a vendu le propre frère de Silver Frost pour 360.000 €, il vient de prendre comme une sorte de claque, devant racheter pour 90.000 € le yearling par Poliglote. Les joies de l'élevage. Il faut être au dessus de cela, ou alors en dessous, mais pas juste en face !

"En tant qu'éleveur, on est voué à l'idéal. C'est une vocation, au sens profond du terme, un apostolat." Voir que l'élevage relève de la mission d'un apôtre, laquelle requiert le désintéressement, c’est voir que la vie est une poésie permanente, c’est la preuve que les gens volontaires existent encore.

 

Découvrir le Haras des Sablonnets

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