Dylar et Luc Nyffels : la passion sur courant continu

19/04/2014 - Focus Elevage
Luc Nyffels, chef d’entreprise, 66 ans, est aussi un éleveur-naisseur-propriétaire-entraîneur-cavalier d’entraînement-lad HEU-REUX. Il y a encore ce qu’on appelle de belles histoires aux courses. Jeudi 17 avril, le bonheur de Luc Nyffels courant les yeux embués récupérer son Dylar avec Vincent Vion sur la piste de Longchamp comme a pu le faire Criquette Head avec Treve, la foule en moins, fit plaisir à voir. Pour notre homme, « une joie indescriptible » qu’il a tout de même accepté de nous expliquer.

Un moment exceptionnel pour Luc Nyffels. A 66 ans, cet électricien remporte son 1e quinté avec Vincent Vion le 17 avril 2014 à Longchamp grâce à Dylar, dont il est éleveur, propriétaire, entraineur, lad...et dont il possède les 2 parents ! (PHOTOS APRH)

 

La prise de contact sur les barrres de concours

Plutôt branché saut d’obstacles, discipline dans laquelle il a évolué dans les concours de catégorie 3, Luc Nyffels, chef d’une entreprise d’électricité, découvre le milieu des courses grâce à sa région, l’Oise où il croise nombre de professionnels hippiques, et en particulier grâce à Jacques Piednoël. Ce dernier est alors un client comme les autres qui lui confie quelques travaux jusqu’au jour où il lui commande l’installation adéquate à la réception à domicile de « Canal Courses ». La parabole installée sur le toit, le décodeur raccordé au poste, et la lumière fut ! Le flash est tel qu’il ne laisse pas insensible l’entraîneur qui, malin, lance alors : « J’ai une jument à vendre, ça vous intéresse ? Elle n’a plus trop de gaz pour les courses mais elle est super et elle saute comme un chat. Ça pourrait faire une bonne jument de concours ! ». On est alors en 1996. Et après quelque hésitation toute naturelle, Luc Nyffels sort son chéquier et acquiert Balarama, fille de Saint Cyrien et Baltic Sea par Fabulous Dancer, élevée par Monsieur Alec Head et déjà lauréate de six courses tout de même. Sa nouvelle vie : les barres de jumping.

La mise sous tension, ou le retour aux courses
 
 

La belle affaire tourne vite car la jument est « un peu vide » sur les derniers obstacles d’un parcours de jumping au goût de son nouveau propriétaire. Alors, comme il aime à le faire, Luc Nyffels décide de prendre du temps pour sa jument, de lui offrir « beaucoup d’attention, de l’amour même, l’envie d’avoir envie, de la compréhension, une sortie d’une heure et demi quotidienne suivie d’un bon quart d’heure de broutage d’herbe ». Une recette à laquelle il restera toujours fidèle. La jument s’est refaite une santé et retrouve l’entraînement chez Bertrand Dutruel. Dès sa deuxième sortie pour son nouvel entourage, elle fait tilt, remportant une 1ère course à Evreux avant de confirmer à Chantilly dans un handicap ! Cette fois, c’est sûr, Luc Nyffels est définitivement branché courses.

 
Tout va ensuite très vite. Balarama continue d’œuvrer en piste, Luc Nyffels rachète les parts de son prime associé, déclare ses couleurs à France Galop et décide d’obtenir son permis d’entraîner avant le nouveau millénaire ! Mission accomplie : il décroche le fameux sésame et Balarama courra deux fois sous son entraînement en 2000 : deux places. Le meilleur est à venir.
 
Le fil rouge et le fil vert avec le fameux Subsidy
 
Luc Nyffels décide plus tard d’acheter Subsidy, élève de la Marquise de Moratalla et entraîné par son parrain pour décrocher sa fameuse licence amateur, Alain de Royer Dupré. Dévoué le matin à la cause du champion Chargé d’Affaires, ce fils de Midyan et Sabiola (par The Wonder) a perdu le moral et tous savent que son nouveau complice lui donnera tout le temps nécessaire à une remise à niveau. Il faudra le temps mais Subsidy parviendra à passer à nouveau le poteau en tête une fois à Arras, en mai 2003 et en valeur 17. Un petit succès ? N’allez surtout pas dire ça à son entraîneur-propriétaire ! Subsidy est un frère du champion rouge et vert Nombre Premier et est destiné par Luc Nyffels à devenir étalon ! Notre homme aurait-il disjoncté ? Et bien non, d’évidence fort en persuasion, il parvient à décrocher l’agrément aux Haras de Compiègne, qu’il fréquenta naguère et obtient cinq cartes de saillie par an. Une suffira… Balarama n’attend que lui…
 
Cha ba da ba da : un couple très fidèle
 
L’idylle peut alors débuter. Mère une première fois, ayant donné Balamix par Manninamix (par Linamix), Balarama est donc destinée au nouveau roi de cœur de Luc Nyffels, Subsidy. Le premier foal est victime d’un accident fatal mais le deuxième, Balsidy, toujours à l’entraînement, est titulaire d’un palmarès riche de deux succès. Puis vient Dylar, né en 2007, débuté à l’automne de ses 3 ans, mais vainqueur qu’à l’été de ses 6 ans : « ils sont tardifs » concède leur éleveur. Qu’à cela ne tienne, Luc Nyffels a « contrairement aux entraîneurs public, les moyens de faire vieillir mes chevaux grâce à mes revenus professionnels. Ça change tout ! » Résultat, Dylar a remporté jeudi 17 avril son premier Quinté+, la 5e victoire de sa carrière et est maintenant en valeur 42,5 ! Ses parents sont fiers de lui depuis leur bout de terrain situé à l’arrière de la maison de Luc Nyffels : « Balarama est en train de me lécher la main, en même temps qu’on se parle ! » lance-t-il avec malice et émotion. « Ils sont là face à face, séparés par une double clôture électrique (cela va de soi…), mais ils se voient tous les jours et aiment cette vie-là ! »
 
 
Subsidy, frère de Nombre Premier, ex-leader de Chargé d'Affaires, n'a eu que 4 produits dans toute sa carrière d'étalon privé chez Luc Nyffels, toujours avec la même jument, dont Dylar.
 
 
A comme Artisan
 
Pour assouvir sa passion tout en gérant son entreprise de cinq salariés, Luc Nyffels a un emploi du temps bien défini :
« Je me lève tôt le matin. Je file à mon bureau pour gérer les affaires et lancer la journée de mon entreprise. Je m’éclipse en cours de matinée pour rejoindre Lamorlaye où je loue des boxes pour mes chevaux. Je monte mes deux lots, d’une heure et demi chacun. A 66 ans et avec mes 78 kilos, c’est pour moi une opportunité parfaite pour juger de l’état de forme de mes chevaux et le mien par la même occasion. Et quand ils vont aux courses ils ont l’impression de voler avec 20 kg de moins sur le dos ! L’écurie terminée, sur les coups de 15 heures, retour aux affaires. » Amateur avec un « A » majuscule, l’homme de Breuil-le-Sec dans l’Oise, se plait aussi à décrire sa journée aux courses : « C’est moi qui conduis mon camion jusqu’à l’hippodrome. Je prépare mon cheval, le selle, le marche dans le rond, donne les ordres, file dans les tribunes, vibre pendant la course, et comme jeudi dernier, descend à toute vitesse pour embrasser mon jockey en cas de victoire, fais la douche, les soins et repars à la maison ! Et puis dernière étape, j’organise une belle fête pour célébrer cela avec tous ceux qui m’ont donné un coup de main : osthéo, maréchal-ferrant, cavalier d’entraînement, jockey, etc… C’est aussi ça l’esprit des courses ! »
 
 
Balarama (à droite), la 1e jument de Luc Nyffels, qu'il a fait regagner aux courses après l'avoir essayée en vain sur les barrres de concours hippiques !
 
 
Enfin, côté élevage, c’est du cousu-main aussi : « Comme je l’expliquais, je choisis donc le croisement (rires), où est effectuée la saillie, par mes soins, puis Balarama reste à la maison. Je suis le naisseur de mes poulains, les prenant dès leur naissance, les mettant debout et les habituant tout de suite à moi. Ils grandissent puis c’est aussi moi qui les ai débourrés dans ma carrière de sable de 1000 m² avant de leur apprendre leur métier. »
 
Une belle histoire qui a une fin, Luc Nyffels ayant décidé que le petit frère de Dylar, dénommé Dyram et né en 2011, sera le dernier de la liste : « C’est assez, j’ai vécu des moments extraordinaires et ce n’est pas fini ! Je reste convaincu que ces histoires-là peuvent se reproduire, il suffit d’aimer les chevaux et ne pas compter ses heures quand on aime ce qu’on fait. » Ah l’amour.

 

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