Patrick, James, John Eddery, plus connu sous le nom de Pat

11/11/2015 - Grand Destin
Son rêve était de devenir un grand jockey. Le petit Irlandais au menton volontaire a vite réalisé son rêve de jeunesse. Pat, né le 18 mars 1952, près de Galway, ne s’est pas contenté d’être champion sur son île natale, comme son père, James (dit Jimmy) ou son grand-père maternel John (Jack) Moylan (vainqueur de l’Irish Derby 1944 et 1945 à 47 ans puis décédé en septembre 1949). Par Xavier BOUGON.

Pat Eddery, lors de sa dernière victoire de Gr.1 avec Reel Buddy, à 51 ans, dans les Sussex Stakes.
 
 
Le crack jockey s'est éteint le 10 novembre 2015 à 63 ans, seulement, visiblement emporté par les affres de la maladie, alors qu'il avait monté au top niveau jusqu'à l'âge de 51 ans grâce à un physique petit mais inusable tout au long d'une carrière de 37 ans en selle !
 
C’est à l’échelon mondial qu’il s’est signalé au plus haut niveau, avec une volonté de gagner exceptionnelle, si ce n’est quelquefois excessive.
 
Après avoir posé ses fesses sur un cheval de courses dès l’âge de 8 ans, il débute à 14 ans, tout naturellement, chez l’Irlandais Seamus McGrath (installé à Sandyford, près de Leopardstown), dont son père a été le jockey attitré pendant de longues années (vainqueur notamment de l’Irish Derby en 1955 avec Panaslipper sous les couleurs de Joe McGrath, père de Seamus, et second du Derby anglais de Phil Drake). Un an plus tard, le 19 août 1967, il monte pour la première fois (à 15 ans) en public au Curragh dans un handicap (Kildare Stakes) et termine 7e sur 7, en selle sur True Time pour son maître d’apprentissage. Quelques mois après, Eddery junior quitte l’Irlande pour entrer au service de Herbert-Charles Denton (dit Frenchie) Nicholson, maitre d’apprentissage installé à Cheltenham et réputé pour avoir formé des jockeys de la trempe de Paul Cook, Tony Murray et Walter Swinburn père. Il restera chez son nouveau patron jusqu’en 1972. Entre temps, il avait débuté sa carrière anglaise, le 30 mars 1968 à Liverpool en selle sur Dido’s Dowry.
 
Notes :
 
  • C’est en 1969 que Seamus McGrath remportera le Prix de l’Arc de Triomphe avec le 4 ans, Levmoss.
  • James Eddery avait épousé Joséphine Moylan (1925-2013)
 
 
 
Un apprenti turbulent
 
 
 

A 17 ans, le 24 avril 1969, Pat remporte sa première victoire, dans un handicap (les Spring St.) pour apprentis à Epsom, en selle sur Alvaro pour les couleurs de W. Fraser et l’entrainement du Major Michael Pope, installé à Streatley.
A la fin de l’année, il compte 23 victoires avec entre autres une victoire dans les Wokingham St., un gros handicap à Royal Ascot en selle sur le 4 ans Sky Rock (toujours pour le Major Pope) et totalise en 1970, 57 succès qui ne lui permettent pas de décrocher le titre de meilleur apprenti, battu de justesse par Philip Waldron (59 victoires, au service de Ian Balding) qu’il aurait certainement devancé s’il n’avait pas écopé de deux mises à pied de sept jours chacune. La victoire dépend parfois de la possibilité de trouver le passage. L’obtenir par la force, c’est le risque pris par Patrick. Bilan, chute d’un adversaire le 26 juin à Chepstow (David Yates) et bousculade d’un autre le 27 août à Brighton. Mais Lester Piggott n’a-t-il pas agi de même en 1954 quand il était âgé de 17 ans.
 
 
 
Son 1e Gr.1 à 19 ans dans l'Ascot Gold Cup sur le tapis vert
 
 
C’est en 1971 que Pat Eddery devient champion des apprentis avec 71 victoires. En 1972, pour sa 1ère monte dans le Derby, il se classe 3e de Roberto (L. Piggott-M.V. O’Brien) et Rheingold avec Pentland Firth, un élève de Gerald-Barnard Balding qui lui avait permis, deux mois plus tôt, de remporter son premier groupe, les Classic Trial St. (Gr.3).
 
Cette même année, il gagne son premier groupe 1 sur tapis vert à Royal Ascot : en selle sur Erimo Hawk dans la Gold Cup, il n’est devancé que d’une tête par Rock Roi (élève de Peter Walwyn) qui sera rétrogradé pour avoir versé sur lui. Ce même Erimo Hawk lui avait permis cette même année de monter pour la première fois le Prix de l’Arc de Triomphe.
 
En 1973, avec 119 succès, il franchit pour la première fois le cap des 100 victoires annuelles, que, dès lors, il ne manquera que deux fois (83 en 1982 et 99 en 2002).
 
 
La plus jeune cravache d'or d'Angleterre
 
 
En 1974, il signe un contrat de premières montes avec Peter Walwyn et termine l’année avec 148 victoires qui lui permettent de décrocher « la tête de liste » des jockeys détenue les deux années précédentes par Willie Carson, lui-même successeur de Lester Piggott (9 titres à l’époque). A 22 ans, ce titre lui permet d’être inscrit sur les tablettes comme étant la plus jeune tête de liste.
 
Cette même année, il décroche son premier « Classic » avec Polygamy, gagnante des Oaks pour Peter Walwyn et Louis Freedman. Mais suite à une mise à pied de 7 jours récoltée à Royal Ascot, il laisse son remplaçant (Yves Saint-Martin) mener à bien les intérêts de l’élève de Peter Walwyn dans l’Irish Derby, English Prince.
 
 
 
 
Vainqueur de la course du siècle avec Grundy dans les King George 1975

 
En 1975, il est l’un des deux acteurs d’une des plus belles courses anglaises, les King George VI and Queen Elizabeth St. Il est en selle sur Grundy, l’élève de son patron Peter Walwyn sous les couleurs de Carlo Vittadini, qui avait remporté les Derby anglais (devant Nobiliary) et irlandais ainsi que les 2000 Guinées irlandaises (devant Monsanto). Il affronte le 4 ans Bustino (St Leger 1974 et Coronation Cup) monté par Joe Mercer, que Grundy devance d’une demi-longueur à l’issue d’une course folle (avec l’aide de 2 leaders, la course détiendra le temps record jusqu’en 2010 pour 20 centièmes puis en 2013) et sous les acclamations d’une foule en délire (Dahlia se classe 3ème à 5 longueurs, elle qui tentait un triplé après deux victoires consécutives). Pat Eddery y gagne la réputation de lutteur exceptionnel.
 
Fin 1980, il quitte Peter Walwyn et signe un contrat avec Robert Sangster (et Vincent O’Brien) pour une demi-décennie au bout de laquelle il rejoint les couleurs de Khalid Abdullah et ce jusqu’en 1994 où il devient free-lance.
 
 
 
 
 
Quatre victoires dans le Prix de l'Arc de Triomphe.
 
 
Il aura monté 24 fois l’Arc de Triomphe pour 4 succès (Detroit pour Robert Sangster), Rainbow Quest et Dancing Brave (pour K. Abdullah) et Trempolino pour Paul de Moussac. Il détient le nombre record de victoires avec 6 autres pilotes dont Thierry Jarnet (et ses deux succès avec Treve) et Lanfranco Dettori qui vient de les rejoindre au palmarès.
Au palmarès du Derby anglais, il figure avec Grundy, Golden Fleece et Quest For Fame en 1990, l’année de sa victoire dans le Prix du Jockey Club avec Sanglamore.
 
Notes :
 
Il a été le pilote de certains grands chevaux devenus grands étalons tels que Danehill et Sadler’s Wells.
 
 
L'accélération extraordinaire de Dancing Brave dans le Prix de l'Arc de Triomphe 1986.
 
 
Onze cravaches d’Or en Angleterre
 
Le 26 avril 1978, en selle sur Saros, il enlève le City and Suburban H. à Epsom qui lui permet de décrocher sa 1000e victoire. En 1982, il décroche le titre de champion en Irlande et le 15 mai 1986, il atteint le cap des 2000 victoires dans la Yorkshire Cup (Eastern Mystic pour Luca Cumani). En 1990, il devient le 4ème jockey (après Fred Archer, Tom Loates et Gordon Richards) à dépasser les 200 victoires dans une même année (209 succès) puis le 5ème jockey à remporter plus de 3000 courses, ce qu’il réalise le 22 juillet 1991 (avec Morocco à Bath), après Gordon Richards (4.870 succès à la fin de sa carrière débutée en 1921 et conclue en 1954), Douglas Smith, Lester Piggott et Willie Carson.
 

Le 26 juin 1992, il remporte 7 courses dans la journée, 3 à Newmarket et 4 à Newcastle.

Il atteint le cap des 4000 victoires le 13 septembre 1997 avec Silver Patriarch (photo ci-contre) dans le St Leger, un élève de John Dunlop.

A l’issue de sa carrière, il comptera 11 titres en Angleterre :
1974 : 148 succès
1975 : 164
1976 : 162
1977 : 176
1986 : 176
1988 : 183
1989 : 171
1990 : 209
1991 : 165
1993 : 169
1996 : 186
 
Il compte 4.586 victoires  en Angleterre et 4.633 dans sa carrière de 1968 à 2003 dont 689 pour Peter Walwyn, 598 pour Khalid Abdullah dont la première avec Bel Bolide dans les Gimcrack St. 1981 et 33 groupes 1 pour Juddmonte.
 
Il avait décroché sa licence d’entraineur en juillet 2005 et exerçait près d’Aleysbury avec 40 chevaux basés à Musk Hill Stud. Patrick ouvre son nouveau palmarès en avril 2006 (Visionist à Kempton) et en mai (Cavort à Goodwood). Il ne compte que deux partants en France dont l’un, Hearts of Fire, est vainqueur du Prix François Boutin (Listed) monté par Olivier Peslier qui lui était également associé lors de son premier succès de Gr.1, en l’occurrence, le Gran Critérium de San Siro.
 
Sa vie sentimentale s’est terminée par un divorce en 2009, vingt ans après son mariage avec Carolyn Jane Mercer, fille du frère ainé (né en 1928) de Joe Mercer, Emmanuel-Lionel dit Manny, et de Susan Wragg, fille d’Harry (décédé en 1985). Manny s’était tué en course le 26 septembre 1959 à Ascot en selle sur un cheval de son beau-père.
 
Carolyn a donné à Patrick trois enfants, 2 filles (Nichola, née en 1982, peintre animalier et Natasha, trois ans plus tard, qui monte en temps que cavalière) et un fils, Harry.
 
Pat était le 5ème fils de James (né en Irlande en 1922, décédé en 1988 et enterré à Newmarket) qui lui avait donné un frère (son cadet de onze ans et 11ème d’une fratrie de 12 enfants), également jockey, Paul-Anthony (né en juillet 1963), apprenti chez Reg Hollinshead puis second jockey (le premier étant Steve Cauthen) au service d’Henry Cecil et ensuite remplaçant de courte durée de Joe Mercer chez Peter Walwyn.
 
Notes :
En 1988, les deux frères Eddery étaient en selle dans le Prix de l’Arc de Triomphe, l’un sur Indian Rose et l’autre sur Luth Dancer.



 
Pat Eddery présentait un visage déjà très marqué en 2014, à seulement 62 ans.
 

 Sources : "Au Coeur des Jockeys" rédigé par Guy Thibault

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