Serge Boullenger : la plus jeune cravache d'or nous a quittés

03/03/2016 - Grand Destin
Dans sa 79ème année, l’ancien cantilien Serge-Alain Boullenger s’en est allé le lundi 29 février après une courte carrière de jockey mais auréolée de deux titres de meilleur jockey en 1955 et 1956. Par Xavier BOUGON.
Les jockeys vedette de l'après-guerre, ici sur l'hippodrome du Tremblay à la fin des années 50, de gauche à droite, Jean Deforge, Maxime Garcia, Léon Flavien, Jean Massard, Roger Poincelet, Guy Chancelier et Serge Boullenger ©APRH
 
 
Plus jeune encore qu’Yves Saint-Martin
Né le 18 juillet 1937, Serge Boullenger décroche, à 18 ans et quelques mois (donc encore apprenti à l’époque), son premier titre avec 151 succès en France et une victoire à l’étranger. A l’arrivée, il n’y a pas photo puisqu’il devance Jean Deforge (né en juillet 1935, l’apprenti de John Cunnington est son aîné de deux ans) de 40 victoires. Sur la 3ème marche du podium est installé Jean Massard avec 81 succès. Au pied du podium, Roger Poincelet plafonne à 66 succès (et 7 victoires à l’étranger). Léon Flavien et Guy Lequeux suivent le peloton de tête. Que des grands noms !
Yves Saint-Martin, né en septembre 1941, décroche la 1ère de ses quinze cravaches d’or en 1960, il est âgé de 19 ans.
 
Notes
Le cap des 150 victoires n’avait été atteint et même dépassé que par George Stern en 1907 (153 vict.) et Frank O’Neill à trois reprises : 1910 (156), 1911 (157) et 1913 (158). Il sera de nouveau dépassé en 1963 par Yves Saint-Martin avec 172 succès.
 
Apprenti chez son père
Serge avait débuté sa carrière en signant un contrat d’apprentissage à l’âge de 15 ans, en 1952, en faveur de son père Edmond, entraineur à Lamorlaye après-guerre. Ce dernier avait commencé après la 1ère guerre (1925) à Maisons-Laffitte puis avait déménagé, après l’achat en 1947 de l’écurie occupée en son temps par Charles Bartholomew et Edouard Watkins. Edmond l’a revendra à Jules Ouaki avant sa démolition en 2003.
Serge est titulaire de 10 succès la première année et le succès aidant, il se fait déjà remarquer par quelques célèbres propriétaires dont Marcel Boussac. Il commence à monter pour la célèbre casaque dès 1953 et termine l’année avec 56 victoires alors qu’il n’est âgé que de 16 ans.
Son père entraine pour, entre autres, Georges Wildenstein qui s’attache les services du jeune prodige. Celui-ci va remporter son premier groupe 1, le Grand Critérium 1954 avec Beau Prince II portant la célèbre casaque bleue. Il termine la saison avec 100 succès, loin devant Jean Deforge (73 v.). Il se classera premier dauphin de Roger Poincelet (111 vict.).
 
Marcel Boussac lui fait signer, en 1955, un contrat de premières montes en lieu et place de Jacques Doyasbère et termine, ainsi, tête de liste avec 151 succès dont le Prix du Cadran (Elpenor), le Grand Critérium et le Prix Morny (Apollonia), le Prix Royal-Oak (Macip).
 
Notes
- Encore à Maisons-Laffitte, Edmond Boullenger va décrocher le graal en remportant le Prix du Jockey Club 1946 avec un certain Prince Chevalier pour les couleurs de Paul Boyviren. C’est peut-être grâce à cette victoire que, l’année suivante, il achète l’écurie de Lamorlaye.
Serge Boullenger s'offre sa première victoire au poids de 48 kg 1/2 le 4 avril 1952 à Maisons-Laffitte en selle sur Ofantine appartenant à sa mère et entrainé par son père. Il n'a pas encore 15 ans.
 
Un doublé de jockey inédit jusqu’en 2009
 
En 1956, Serge Boullenger et Philius triomphent dans le Prix du Jockey-Club ©APRH
 
 
Serge va décrocher la timbale pour la casaque orange, toque grise de Marcel Boussac en s’adjugeant, à une semaine d’intervalle, le Prix du Jockey-Club avec Philius (Pharis) et le Prix de Diane avec Apollonia (Djebel et Corejada, par Pharis), elle qui venait de triompher dans la Poule d’Essai. Ces deux pensionnaires sont entrainés par Charles Elliott, l’ancien jockey de la maison Boussac. Cinquante trois ans plus tard (2009), Christophe Lemaire fait aussi bien avec les succès de Le Havre et de Stacelita. C’est également en 1956 qu’il s’impose à Ascot avec Macip (Marsyas et Corejada, donc frère d’Apollonia) dans la Gold Cup, une épreuve que la casaque orange remporte pour la 4ème fois. Il devançait à cette occasion deux autres Français, Bewitched (Pierre Pelat, monté par Jean Massard) et Clichy (Réginald Carver, monté par Freddy Palmer).
 
La même année, la casaque bleue Wildenstein lui permet de remporter le Prix Ganay, toujours avec Beau Prince II. Une autre célèbre casaque bleue, celle de Pierre Wertheimer, commence à le faire monter. Il terminera pour la seconde année consécutive en tête du classement avec 121 victoires dont 3 à l’étranger. Il devance une nouvelle fois Jean Deforge (112 v.).
 
A l’étranger, avec la Boussac, Janieri, il doit se contenter de la seconde place des Oaks gagnées par la Française de Mme Volterra, Sicarelle. Le trio de cette édition est français puisque Yasmin (Prince Aly Khan) complète le podium.
 
L’année du sacre à Longchamp avec un sacré coup de piston
 
Oroso et Serge Boullenger remportent le Prix de l'Arc de Triomphe en 1957 ©APRH
 
 
En ce 6 octobre 1957, Longchamp fête son centenaire et pour l’occasion le Prix de l’Arc de Triomphe réunit 24 partants. Oroso, élevé par Raoul Meyer et René Leroy et entrainé par le Mansonnien Daniel Lescalle, est loin d’en être le favori (52/1) et pourtant Raoul Meyer, son propriétaire (et par ailleurs propriétaire des Galeries Lafayette), fait des pieds et des mains pour obtenir "la compréhension" des autorités militaires pour libérer le soldat Serge des griffes de l’armée. Il avait été enrôlé un mois avant l’évènement pour une période de service militaire de 3 mois. Le Ministère de la Guerre donnera satisfaction à l’entourage puisque Serge arrive à Longchamp en uniforme. Etant donné la cote de sa monture, Serge aurait eu une certaine appréhension à rentrer à la caserne puisqu’il n’avait osé le donner à son sergent et à ses collègues bidasses.
 
Notes
Oroso avait devancé Denisy (45/1) et Balbo (29/1). Son père, Tifinar, est un étalon Boussac qui, après avoir remporté le Prix Royal-Oak, avait servi de lièvre pour son compagnon de couleurs, Djebel dans le Prix de l’Arc de Triomphe. Oroso a été élevé au Haras du Perray, le haras qui également vu naître un certain Lutteur III.
 
Il perd la monte gagnante de Bella Paola dans les Oaks
 
La pouliche Bella Paola ©APRH
 
 
Serge va porter la casaque grise de François Dupré lors du succès de Bella Paola dans les 1000 Guinées 1958 mais ne pourra se libérer de ses obligations militaires lors de la victoire de cette protégée de François Mathet dans les Oaks d’Epsom. Il sera remplacé par Maxime Garcia. Dix jours plus tard, il réussit à se libérer pour se mettre en selle sur celle qui ose défier les mâles dans le Prix du Jockey Club dans lequel elle termine à la seconde place. Ce ne sera pas le cas en octobre suivant lors de la victoire de Bella Paola dans les Champion St. Il est remplacé par Guy Lequeux.
Toujours sous les couleurs de François Dupré, Serge va emmener Tanerko à la victoire dans les Prix Ganay et d’Harcourt. Il termine l’année avec 36 victoires.
 
Notes
Les pouliches au départ Prix du Jockey Club ne sont pas légion. Après Bella Paola, Moonlight Dance avait tenté sans résultat de rivaliser avec les mâles en 1994. Seule Natagora avait réussi à prendre la 3ème place de l’édition 2008.
 
L’Algérie lui fait prendre du poids.
Il passera l’année 1959 en Algérie d’où il revient avec une surcharge pondérale de cinq kilos qu’il aurait eu toutes les peines du monde à perdre. Son compteur affiche 32 victoires pour l’année 1960 dont quelques-unes pour la casaque Wertheimer qui lui avait fait signer un contrat de premières montes. Les résultats de la casaque bleue et blanche ne sont pas à la hauteur des espérances. Il sera remercié en fin d’année. Le succès le fuit (une seule victoire en 1961), d’autant plus qu’un petit jeune du nom d’Yves Saint-Martin débarque chez François Mathet. Il raccroche le breeshes et prend une licence d’entraineur, un métier qu’il abandonne en 1983.
 
Notes
- En 1960, Jean-Pierre Boullenger, son frère, signe un contrat de premières montes pour le baron Guy de Rothschild en remplacement de Paul Blanc.
- Guy Lequeux en contrat avec François Dupré n’est plus en odeur de sainteté. C’est ainsi qu’en 1961, Yves Saint-Martin signe son premier contrat avec la casaque grise toque rose ; il n’a pas encore 20 ans.
- Serge Boullenger, entraineur, n’aura pas la même réussite malgré quelques bons sujets : Sancy (Sanctus), vainqueur des Prix Greffulhe et Noailles 1972 sous la monte de Maurice Philipperon et Julius Caesar (Exbury), vainqueur du Prix Noailles 1980 sous la monte d’Henri Samani.

 

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