L'histoire de DNA : Sunday Silence le vilain canard

24/12/2019 - Grand Destin
 Le meilleur étalon de tous les temps au Japon, père de Deep Impact, Sunday Silence fut pourtant le champion le plus haï de l'histoire des courses américaines. Champion au caractère infect et au pedigree obscur, ce vilain canard a pourtant tout réussi, comme nous le raconte Thierry Grandsir.


SUNDAY SILENCE (1986-2002),par Halo et WishingWell (Understanding)

 

Certains chevaux ont le don de se rendre populaires, d’autres pas. Cela tient souvent à de menus détails, suffisants pour faire basculer leur destin.Sunday Silence fut l’un des coursiers les plus haïs par les américains, et l’étalon le plus adulé du peuple japonais…

Sunday Silence naquit le 25 mars 1986 dans le Kentucky (USA). Un foal arborant une robe noire de toute beauté mais doté d’un modèle léger et anguleux, et d’une démarche déguingandée rendue erratique par des genoux creux et des pieds particulièrement sensibles. Il fut surnommé l’affreux canard (the uglyduck), signe d’une impopularité naissante…
 
 
 
 
Qui plus est, Sunday Silence survécut miraculeusement à un virus malin à l’âge foal, ce qui décida son éleveur Arthur B. Hancock à le passer aux ventes : d’abord à l’âge weanling (juste après sevrage), puis en tant que yearling et, n’ayant toujours pas trouvé preneur, aux breeze up (à 2 ans) en Californie où il racheta son poulain pour seulement $50,000. Retour forcé à la maison, et Sunday Silence fut embarqué dans un van qui se renversa sur la chaussée après quelques kilomètres, le chauffeur qui le conduisait ayant été victime d’un malaise cardiaque. Sérieusement blessé, Sunday Silence séjourna la semaine suivante dans une clinique vétérinaire. Ou quand la malchance se conjugue avec l’impopularité !
 
Contraint d’exploiter son poulain en compétition, Arthur Hancock envoya Sunday Silence chez Charles Whittingham, qui en acheta la moitié. Bonne pioche, car ce cheval doté d’une action très fluide, alliée à une irrésistible volonté de vaincre devint le héros de la saison classique 1989. il avait fallu pour cela trouver un cavalier qu'il accepte de ne pas jeter à terre. Archi doué mais fantasque, Pat Valenzuela fut ce jockey providentiel.
 
 

L'un des duels épiques du méchant noir Sunday Silence contre le gentil alezan Easy Goer.


Revivez l'un des plus grands duels de l'histoire des courses dans les Preakness Stales 1989.

 
 
 
 
Sunday Silence rencontra quatre fois le Champion des 2 ans Easy Goer cette année là, pour le devancer à trois reprises : d’abord dans le Kentucky Derby (Gr.1), l’édition la plus lente depuis plus de trente ans pour cause de terrain détrempé ; puis dans les Preakness St. (Gr.1), qu’il aborda alors qu’il était encore boîteux quatre jours avant la course mais qu’il remporta d’un nez après une lutte épique ; et enfin dans le Breeders’ Cup Classic (Gr.1), monté au pied levé par Chris McCarron en remplacement de son partenaire habituel Pat Valenzuela (suspendu pour usage de cocaine), qui lui permit de conserver une encolure au poteau.
 
Ces trois hauts faits d’arme lui valurent le titre de Horse of the Year et, bien entendu, une impopularité croissante pour avoir trop souvent terrassé le chouchou du public. C’est alors que l’éleveur japonais Zenya Yoshida décida d’acquérir 25% du cheval en vue de réaliser un substantiel profit lors de sa future syndication. Un simple placement financier (pour $2,500,000), qui prit une tournure inattendue : d’abord parce que la carrière de Sunday Silence s’acheva en ce début d’année de 4 ans (rupture d’un ligament), et ensuite parce que la syndication tourna court, faute d’investisseurs intéressés par ce vilain canard…
 
 

Sunday Silence, devenu un étalon extraordinaire au Japon.
 
 
 
En fait le pedigree de Sunday Silence ne plaidait guère en faveur de sa popularité. Sa mère Wishing Well était certes gagnante de Gr.2 mais de loin le meilleur produit du très médiocre Understanding, et sa famille n’avait rien sorti de notable depuis plusieurs générations. Quant à Montparnasse II, c'était un cheval argentin resté méconnu. Pas mieux du côté de son père Halo, qui dut sa carrière d’âge fructueuse sur gazon au fait que sa vente à 3 ans ait été annulée pour cause de tic à l’appui, et dont la réputation de cheval méchant était alimentée par la muselière qu’il arborait en permanence, même au paddock. Une brutalité et une agressivité qu’il eut d’ailleurs la mauvaise idée de léguer à son fils. En effet, pendant sa future carrière d'étalon, les étalonniers nippons étaient contraints à s'armer systématiquement d'un solide gourdin de bois pour parer à ses attaques en allant le chercher au paddock...
 
 
 
 
 
Connaissant de lourds problèmes de trésorerie, Arthur Hancock n’eut aucune peine à convaincre ses associés d’accepter l’offre généreuse de Zenya Yoshida : un chèque de $7,500,000 suffit à accorder au grand éleveur japonais la totalité de la propriété du cheval, qui fut aussitôt envoyéà Shadaï Farm.Avec un palmarès riche de 9 victoires et 5 places en 14 sorties pour $5,000,000 de gains, Sunday Silence débarqua en 1991 à Hokkaido pour succéder au Chef de Race Northern Taste, l’étalon de tous les records au Japon. Abondamment croisé aux filles de ce dernier, le nouveau venu brisera tous les records de son prédécesseur : tête de liste des étalons de première production, tête de liste des pères de 2 ans à dix reprises, tête de liste des pères de gagnants sans discontinuer de 1995 à 2008, tête de liste des pères de mères, et même plusieurs fois tête de liste des pères de sauteurs !!!
 
Il n’est plus une course classique japonaise sans un trio constitué de ses descendants, et la lignée mâle qu’il a érigée, aujourd’hui efficacement relayée par son fils Deep Impact, ne cesse d’accroître son influence internationale.
 
Sunday Silence disparut prématurément à l’âge de 16 ans, atteint d’une fourbure qui nécéssita trois opérations chirurgicales que son cœur ne put supporter. Deuil national au Japon, pour un cheval qui aura hissé le pays du soleil levant au niveau des plus grandes nations de la planète course, et qui sera toujours là-bas le plus populaire des reproducteurs !
 

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