Ventes de février: hiver très très froid, homme blanc couper du bois

Finalement, les ventes se chevaux de courses ont un principe de fonctionnement assez simple. Quand l'argent tombe du ciel comme juste avant la crise, ce qui est très bien part comme du petit pain, ce qui est moins bien se vend plutôt mieux que moins bien, ce qui n'est pas terrible se vend mal. Mais à peu près tout se vend. Puis la crise arrive. Au grand dam des marxistes pas encore désabusés, l'élite reste une classe protégée qui n'en ressent pas d'effet. En revanche les classes moyennes équines se paupérisent et certains de ses membres rejoignent la plèbe dont plus personne ne veut.

Les ventes de février ont eu lieu exceptionnellement à Saint-Cloud pendant les travaux du ring de Deauville

Ces chevaux tombent du côté de la bouteille à moitié vide et jetée par dessus bord, d'où le nombre important de sujets acquis vil prix, rachetés pour le tarif de la casse ou même retirés faute d'enchères. Cela explique ainsi le taux de vendus plafonné à 59%, ayant même baissé de 13% par rapport à 2009. Ce principe explique aussi la hausse importante du prix médian (+33%) très spectaculaire du chiffre d'affaires (+34%) et même stupéfiante du prix moyen (+59%).

Eric Hoyeau, chef d'orchestre d'Arqana

En effet, les ventes de février ne sont pas stratégiques et donc pas prévues de longue date  par les vendeurs. Les circonstances, même les plus tristes dans le cas des successions, façonnent un catalogue du coup inattendu. On y trouve de tout dans tous les âges, parfois même des futures vedettes comme Tashelka, achetée pour 17.000 € inédite en 2007, gagnante de Gr.3 quelques mois plus tard et revendue pour beaucoup, beaucoup plus cher à Cheikh Mohammed...

Ivory Pearl, top price à 77.000 €

Le top price à 77.000 € dans la succession Hakam

Au contraire de la cessation d'acivité Wattinne l'an dernier, la succession du regretté propriétaire Zackaria Hakam, marocain faisant élever ses chevaux au Haras de Maulepaire, a véritablement décollé. 20 lots sur 27 ont été vendus pour un total de 517.000 €, soit pas moins de 43% du total de la vente! S'y est logiquement trouvé le top price, une pouliche de 2 ans par Muhtathir, présentée par le Haras du Chêne (Yann Poirier) où cette soeur d'Ivory Land (Lando), gagnante de listed à  2 ans, a présenté d'excellentes dispositions au travail. A noter que sa jeune propre soeur Côte d'Ebène a fait 36.000 € et que sa mère Ivory Coast, pleine de Desert Style, a fait 54.000 €, achetée également par l'anglais David Redvers.

Mère du top-price, Ivory Coast a elle-même été acquise pour 54.000 €

Sylvain Vidal toujours aussi actif

Nommée Ivory Pearl (comme une championne trotteuse de Joël Séché), elle ira à l'entraînement chez Mikel Delzangles des suites de son achat par l'omniprésent Sylvain Vidal (Haras de la Cauvinière). Lui a rentré comme étalon Le Havre en 2010 et achète souvent pour Gérard Augustin-Normand, Sylvain Vidal démarre l'année sur les chapeaux de roues. Il a acheté 3 chevaux pour 125.000 €. L'an dernier, entre les ventes d'août, d'octobre et de décembre à Deauville, il avait acquis 37 chevaux pour un total de 2,4 millions d'euros !

Sylvain Vidal au Haras de la Cauvinière

Blue Brésil : quel animal !

L'autre moment fort de la vente de février a été le passage sur le ring de Blue Brésil. Cheval magnifique, haut d'1,70 m, élégant malgré une forte ossature et taillé comme un étalon d'obstacle, il sera très impressionnant une fois que sa musculature se sera transformée de celle d'un cheval de course à celle d'un reproducteur. Fils de l'améliorateur accessible Smadoun, propre frère de Miss Salvador (Prix Fille de l'Air, Gr.3), cousin d'Oeil du Maître (Grande Course de Haies d'Auteuil, Gr.1), Blue Brésil a accompli une sacrée carrière malgré le régime intense imposé par son propriétaire Freddy Tondelier, qui avait repoussé pour lui de grosses offres notamment pour l'Irlande avant d'être contraint à la cessation d'activité dernièrement. Gagnant à 2 ans malgré sa taille,  3e des Prix Noailles (Gr.2) et Hocquart (Gr.2), Blue Brésil a été rendu populaire malgré lui par les défis qui lui ont été imposés. Il a couru le Prix du Jockey-Club et même le Prix de l'Arc de Triomphe où, bien qu'évidemment surclassé, il s'est très bravement défendu.

Blue Brésil, 76.000 € pour ce physique d'étalon

Passé sur les obstacles, il a débuté directement dans un Gr.3, le Prix Jacques d'Indy, face à l'élite des haies ! Là, il a épaté la galerie en terminant 2e du champion Long Run avant d'être à nouveau dauphin d'un crack, 2e du Prix Amadou (Gr.2) à seulement 1,5 longueur de Rendons Grâce. Toujours debout, il a commencé à chauffer d'un boulet à l'antérieur gauche et ses suspenseurs ont appelé au secours après un retour victorieux en plat, à Chantilly, l’été dernier...Brave bête. Même s'il n'a pas gagné de listed ni de Groupe, ce Blue Brésil a suscité beaucoup d'intérêt avec son profil d'étalon à double vocation plat/obstacle. C'est finalement Hervé Bunel, nouveau directeur de l'Agence FIPS, mais toujours président de l’hippodrome d’Elbeuf, qui a emporté la mise pour de nouveaux investisseurs qui achètent ici leur 1e étalon. Blue Brésil débutera la monte dans quelques jours au côté d'Astarabad au Haras de la Croix Sonnet, chez les Pelat près de Deauville, où il était déjà prévu qu'il soit installé comme étalon.

Hervé Bunel, directeur de l'Agence FIPS

Le goût des dragées surprises

Ce qu'il y a d'amusant aux ventes de chevaux, surtout en temps de crise, c'est que tous les acheteurs y sont ravis de dépenser leur argent et repartent avec la certitude d'avoir fait une bonne affaire. Sur le papier, on a repéré quelques perles comme les 15.000 € de Thomas Trapenard pour une soeur par Monsun du classique Tell No One présentée pleine de Poliglote, les 4500 € de Gildas Vaillant pour Xistu, une soeur multiple gagnante du prometteur étalon My Risk par Lost World, ou les 2000 € du Comte Audouin Maggiar pour Limelighting (Alleged), gagnante de Listed et placée de Groupe. Seul le temps révélera le véritable goût de ces dragées surprises de Bertie Crochue, entre le toast grillé, la noix de coco, la sardine ou la poubelle. Tant que les Harry Potter du ring tentent leur chance, l'espoir demeure.