L'étrange destin de Blaklion (RSA Chase), petit-neveu de The Wonder

18/03/2016 - Grand Destin
La grand-mère du vainqueur du RSA Chase de Cheltenham (4.900 m.) n’est autre que la soeur de The Wonder, le champion-miler, élevé par Mme Alain du Breil. La mère Franciscaine est passée 3 fois sur le ring de Deauville, sans compter ses ventes et reventes Outre-Manche. Destin étrange conté par Xavier Bougon.

Blaklion après son succès dans le RSA Chase de Cheltenham.

 
Née au Haras du Pley en 1996, Franciscaine ne descend pas de Saint-François d’Assise mais de l’étalon-maison, importé de Newmarket, Legend of France (fils de Lyphard et de Lupe et issu d’une superbe famille Wildenstein, à l’entrainement chez Henry Cecil). Elle a été élevée par le propriétaire des lieux, Baudouin de la Motte Saint-Pierre.
 
Elle est montée pour la première fois sur le ring de Deauville comme yearling, vendue par l’Agence Française de Vente du Pur-Sang (le futur Arqana) lors de la session d’octobre de Deauville à Hervé Bunel (Française International du Pur-Sang) pour le belge Josef de Cock pour 80.000 F. (environ 12.000 €).
 
Entrainée par son compatriote, Jean-Marc Capitte, à Chantilly (à l’époque), elle n’est pas capable de prendre le moindre centime (en franc) lors de ses deux premières sorties à 2 ans. Elle sera aussitôt dirigée vers un autre ressortissant belge, Ronny Martens. Il faudra attendre le mois d’avril de ses 3 ans pour qu’il lui fasse perdre son statut de maiden. Cela s’est passé à Maisons-Laffitte dans un handicap sur 2.400 mètres.
 
Elle sera revendue en février 2001, toujours à Deauville, pour dissolution d’association. C’est toujours Hervé Bunel qui la rachète pour 150.000 F. (environ 23.000 €).
 
Pleine de Saint Preuil, elle part pour l’Irlande.
 
Franciscaine va être aussitôt saillie par Saint Preuil (le champion de Guillaume Macaire). On ne sait par quel stratagème, elle devient la propriété de Mme Félix (Ghislaine) Adam de Raquine, qui, cessant son activité dans l’élevage, présente la jument aux ventes de février de Deauville en 2002, avant même la mise bas. Elle est achetée par Guy Petit pour l’Irlandais Jim Kelly pour 28.000 €. Suitée d’un mâle né en France, nommé ensuite Francis du Mesnil, Franciscaine part définitivement pour l’Irlande en mai avant même donc la date fatidique pour «décrocher» les primes au naisseur.
 
Francis du Mesnil va connaître tous les parcours d’obstacles des campagnes anglaises (et même celui de Cheltenham) et irlandaises avec à la clé une place dans un Gr.3 sur le steeple de Killarney et seulement deux victoires : l’une dans un bumper à Thurles en débutant et une sur le steeple de Listowel. En 2014, retiré des courses officielles depuis mai 2013, il s’adjuge, à 12 ans, un Point To Point.
 
On se la repasse de mains en mains
 
Jim Kelly va revendre à l’amiable Franciscaine après l’avoir fait saillir par Kahyasi. Son nouveau propriétaire irlandais, Brendan Ferris, fait naître en 2003 une pouliche nommée Madame Kahyasi. Inédite sur la piste, elle est vendue à 3 ans, pleine de Expelled, 3.000 €.
 
En novembre de la même année, Franciscaine découvre un nouveau ring, celui de Doncaster où, pleine de Accordion (fils de Sadler’s Wells), elle est achetée par Mme Mary D.W. Morrison. Avant la venue de Blaklion, en 2009 des amours de Kayf Tara (autre fils de Sadler’s Wells), Franciscaine avait mis au monde, en 2005, une fille de Silver Patriarch, nommée Francesa : elle s’est classée seconde d’une bonne course sur les haies de Cheltenham avant d’entrer au haras.
 
Le dernier produit recensé de Franciscaine, né en 2012, serait élevé en Angleterre par Clarendon Farms... elle a donc changé encore de mains.
 
 

Indian River, un fils de Cadoudal vainqueur du Prix du Président de la République. Il est parti en Irlande après 6 saisons de monte en France.
 
 
The Fun, mère d’Indian River
 
The Fun (1979 Funny Hobby), la grand-mère de Blaklion, faisait partie de l’effectif de Jacques de Chevigny, comme l’était son père, Funny Hobby, quand il s’est imposé dans le Grand Prix de Paris en 1977. Restée maiden sur la piste après une carrière sur le plat à 3 ans, The Fun rejoindra le haras où elle va donner naissance à six futurs vainqueurs dont Franciscaine, son dernier produit recensé et :
 
  • Indian River (1994 Cadoudal) a été élevé par le Haras du Pley associé à Martin du Breil, fils d’Alain du Breil (ancien président de la Société des Steeple-Chases de France, décédé en 1987). Il est notamment vainqueur du Prix du Président de la République (Gr.3) pour Robert Fougedoire et l’entrainement de Guillaume Macaire, second du Prix Ketch (Listed), du Grand Steeple-Chase de la Cépière et cinquième du Prix Maurice Gillois. Resté entier, il a débuté comme étalon au Haras du Berlais où sont nés, notamment, Shinco du Berlais et Madison du Berlais. Il est parti rapidement Outre-Manche. 
  • The Knight (1984 Kenmare), 3 victoires dont une à Auteuil (Prix Petit Fontaine) et second de la Listed, la Grande Course de Haies de Cagnes (monté par Sylvain Guillot) et du Grand Steeple-Chase de Clairefontaine (monté par Roger Duchêne).
     
  • The Dream (1985 Deep Roots), 7 victoires en plat dont le Prix des Pouliches à Lyon, le Prix Pierre Massot à Marseille, une course évènement à Chantilly et une quatrième place dans le Prix La Camargo (Listed). Gagnante à Cagnes en obstacles, elle avait débuté par une seconde place dans le Prix Finot (Listed) suivi à 4 ans d’une autre place de dauphine dans le Prix André Masséna (Listed) à Cagnes. Elle a ensuite été vendue comme poulinière.

     
  • The Nabab (1986 Nebos), a gagné en plat à 3 ans à Rouen puis s’est classé 3ème du Prix de Pépinvast (Gr.3) à Auteuil pour l’entrainement de Patrick Tual.

  • Vison de Ville (1990 Comrade In Arms), 5 victoires en plat et en obstacles. Elle rejoint le haras pour donner naissance à 6 futurs vainqueurs dont Semiramiss (2e Prix Gaston de Bataille)
 


A droite, Alain du Breil, alors Président de la Société des Steeple-Chase de France, remet les trophées du Grand Steeple-Chase de Paris 1978 à Bernard Sécly et Jean-Claude Weill pour leur victoire avec Mon Filleul.
 
 

The Fun, soeur cadette de The Wonder
 
The Fun est une fille de The Lark (Lanark) qui a été élevée par Alain du Breil suite à l’achat de sa mère, Norman Lass, (1968 Timmy Lad) yearling pour 38.000 F. en provenance de l’élevage de Claude Puerari. A l’entrainement chez Jacques Dubois, The Lark s’est imposée à trois reprises à 3 et 4 ans, à Strasbourg, Nancy et Cagnes puis rejoint le haras où elle donne naissance à son premier produit, un certain The Wonder.
 
Le protégé de Jacques de Chevigny avait ouvert son palmarès à 2 ans à Evry puis avait confirmé dans le Prix des Foals (considéré comme Listed) à Deauville. Son année de 2 ans se poursuit avec une 3ème place dans le Prix Saint-Roman et une victoire dans le Prix de Condé (Gr.3). The Wonder fait une rentrée victorieuse à 3 ans dans le Prix Greffulhe, monté par Lester Piggott, profitant du distancement de No Lute (pour doping) qui prendra sa revanche dans le Prix Lupin (2.100 m.) laissant son dauphin, The Wonder, à 3 longueurs. Il est au départ des 2.400 m. du Prix du Jockey Club qui ne semble pas lui convenir à tel point que le croyant boiteux, Lester, son pilote, songe l’arrêter mais heureusement, il n’en est rien.
 
Son entourage le raccourcit et l’aligne dans le Prix d’Ispahan (1.850 m.) dans lequel il domine l’opposition dans les 200 derniers mètres dont son dauphin, l’excellent miler, Northjet.
 
 

The Wonder, monté par Yves Saint-Martin
 
 
Au lendemain du Prix d’Ispahan, la marquise de Moratalla s’intéresse à ce champion et va s’associer à Mme Alain du Breil. Mais ce n’est à 4 ans que The Wonder va montrer toute l’étendue de son talent sur le mile puisqu’il domine le Prix Edmond Blanc et le Prix Jacques Le Marois devançant Green Forest qui ne manquera pas de se venger en dominant le Prix du Moulin de Longchamp, laissant le protégé de la «marquise» à 3 longueurs. The Wonder devra s’incliner également dans le Prix de la Forêt face à Pas de Seul.
 
L’avenir immédiat est naturellement une carrière d’étalon mais The Wonder prend la direction de la Californie où il prend pension chez la tête de liste des entraineurs américains, Charles Whittingham, qui lui fait gagner deux Gr.1 à Hollywood, les Californian S. et les Century S. et un Gr.2 à Santa-Anita, le San Bernardino H.
 
Il est de retour en France pour une nouvelle destination, le haras, où sa production n’est pas à la hauteur de sa carrière sur la piste. Seul le franco-allemand, A Magicman, sort du lot.
 
A noter que Golden Light, la grand-mère de The Lark et la mère de Norman Lass, avait été importée d’Angleterre à la fin de son année de 3 ans (1959) après deux victoires dans des handicaps sur le mile et le sprint. Après Norman Lass, elle donne naissance, en 1971, à Moulines, vainqueur de la Poule d’Essai des Poulains. Son père, Kashmir II, remporte la même année, via sa fille Dumka, la Poule d’Essai réservée aux pouliches.
 
NOTE :

Père de Blaklion, Kayf Tara s'est aussi distingué en tant qu'auteur de Ballyandy, lauréat du Champion Bumper (Gr.1) et Thistlecrack, le vainqueur du World Hurdle (Gr.1). Fils de Sadler's Wells et Colorspin (Irish Oaks), Kayf Tara a été un champion stayer, double lauréat de la Gold Cup d'Ascot. Stationné non pas en Irlande mais bel et bien en Angleterre, chez Simon Sweeting à Overbury Stud, il a déjà été sacré 6 fois meilleurs étalons d'obstacle dans son pays.

Voir aussi...