Haya Landa, le conte de "faits" d'Odette Fau

14/10/2012 - Actualités
C’est la belle histoire du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe 2012. Cotée à 133/1 au départ du Championnat du Monde des pur-sang, la pensionnaire de Sylvie Audon a déjoué tous les pronostics en s’emparant de la 4e place au nez et à la barbe de chevaux beaucoup plus titrés qu’elle. Pour le plus grand plaisir d’Odette Fau, propriétaire/éleveuse d’Haya Landa...et chef de cuisine dans le civil. Rencontre.

" Haya what ? ", " Odette who ? ". Il est un peu plus de 16 heures 30 en ce dimanche d’Arc à Longchamp et beaucoup de journalistes-pronostiqueurs semblent perturbés par la performance d’ Haya Landa. On peut légitimement les comprendre. Avant de s’élancer de sa stalle, celle-ci ne comptait qu’une victoire à son actif en quatorze sorties. Appartenant à une propriétaire quasi inconnue (quatre chevaux déclarés à l’entraînement), la petite Cendrillon tricolore semblait promise à un rôle de figurante face à l’élite internationale du galop. Et pourtant…

 

Chef de restaurant à Paris, Odette Fau a vécu un rêve éveillé en terminant 4e de l'Arc de Triomphe.

 

Autant le reconnaître d’emblée, France Sire a déjà réalisé des reportages autrement plus périlleux que celui-ci. Pour nous parler de l’exploit et de l’histoire d’Haya Landa, Odette Fau nous a en effet gentiment convié à déjeuner « Au Vieux Paris », son restaurant situé à deux pas de Notre Dame.
 
Il est midi et pendant que notre hôtesse effectue « quelques réglages en cuisine » nous avons tout le loisir de déambuler dans son établissement. D’échanger quelques mots avec les habitués du lieu ( « Ici, on se sent comme chez nous. Sauf que chez moi, on mange beaucoup moins bien. Vous allez vous régaler » ). D’observer les tableaux accrochés qui témoignent des différentes passions d’Odette : pour les chevaux bien sûr, pour la musique classique mais aussi pour l’automobile ( « j’ai entre autres travaillé pendant dix ans au Centre International de l’Automobile » ). Peu de traces en revanche de sa championne. Et d’ailleurs, deux jours après l’Arc, les clients ignorent presque tous qu’ils déjeunent chez la propriétaire d’Haya Landa, quatrième du championnat du monde des pur-sang.
 
 
 
 
Notre entretien-régalade durera trois heures et s’achèvera après le service. Le temps pour Georges, compagnon d’Odette, de courir deux ou trois fois le Prix du Cadran en se déplaçant de salles en salles. De son côté, notre aveyronnaise effectuera elle aussi quelques raids en cuisine pour superviser la préparation des plats ( « C’est plus fort qu’elle. Elle ne peut pas s’en empêcher. Veuillez l’excuser… », glissera Georges en son absence). Un ami d’Odette, économiste renommé, se joindra à nous au cours du déjeuner, dégustera un Abraccio, prenant au passage la dimension de l’exploit réalisé par Haya Landa : « Si j’ai bien compris, tu es donc propriétaire du quatrième meilleur cheval du monde. » Et Odette de répondre, clin d’oeil à l’appui : « J’ai dû me lever tôt avant d’en arriver là. Haya Landa, cela représente quelques Abraccio, tu sais. Mais je dois t’avouer que j’ai encore du mal à réaliser tout ce qui nous arrive. »
 
Ce que dit Odette Fau à propos de :
 
A propos de son histoire avec les chevaux :
 
«Mon amour pour les chevaux n’est pas récent, vraiment pas récent (sourires). Je devais avoir 3 ans lorsque j’ai commencé à les fréquenter assidument. Je suis originaire de Montrozier (d’une famille de neuf enfants). Au château de Montrozier, il y avait une écurie et j’étais toujours fourrée dans les boxes. Je crois que tout part de là. J’ai beaucoup changé de métier tout au long de ma vie (NDLR : Odette Fau est née en 1946), mais les chevaux sont l’un des fils rouges de mon existence. »
 
Haya Samma (mère de Haya Landa) :
 
" Connaissant ma passion, plusieurs de mes amis m’ont incité il y a quelques années à faire l’acquisition d’un cheval de course. Il y avait trois possibilités et mon choix s’est reporté sur Haya Samma, une nièce de Subotica. Par le biais de Jean de Roualle, et avec un associé, nous en avons fait l’acquisition pour 50.000 euros au Haras du Petit Tellier. Elle s’annonçait prometteuse mais, malheureusement, elle s’est blessée avant d’entamer sa carrière de course. J’ai récupéré Haya Samma pour en faire une poulinière. Elle stationne désormais près d’Alençon chez Baudouin de la Motte Saint-Pierre (Haras du Pley).
 
Haya Samma est une maman assez spéciale, pas vraiment maternelle. Avec son premier produit, Haya Kasi, nous avons fait preuve de patience. Il s’agit d’un grand cheval, beaucoup plus sympa que sa mère. Il n’a pas encore réussi à gagner mais compte plusieurs bonnes sorties. Il a longtemps été arrêté et devrait faire une bonne carrière en steeple. Haya Landa (Lando) est le deuxième produit d’ Haya Samma. Depuis, celle-ci a donné Haya Kan. Pour l’instant, il ne déploie pas les mêmes foulées qu’Haya Landa mais devrait faire une bonne carrière en plat. Ce qu’il montre à l’entraînement est plutôt séduisant. Il va débuter à la mi-octobre à Longchamp. Dernier fils de Haya Samma, High Link (issu de Rail Link), né cette année, est un poulain parfait. Cette année, Haya Samma a été saillie par Elusive City. »
 
La trajectoire d’Haya Landa :
 
« Pour sa deuxième année de production, nous avions trois options étalon pour Haya Samma : Kingsalsa, Xaar et Lando. C’est ce dernier qui a été choisi. Lando était un crack dont j’appréciais le modèle. Jeune, Haya Landa se comportait comme une demoiselle. Il ne fallait pas la déranger. Comme Lando, elle s’est aussi révélée assez tardivement. Pour autant, elle montrait des choses très intéressantes à l’entraînement. Sylvie et Loïc Audon nous ont d’ailleurs conseillé de l’engager dans le Diane alors qu’elle n’avait pas encore débuté en compétition. Ils avaient raison. Elle a ouvert son palmarès au mois de mai de ses 3 ans devant des pouliches assez estimées (comme Dinner’s Out) avant de s’emparer de la quatrième place du Diane. En fin de saison, elle a tenté sa chance dans le Prix de l’Opéra. Au rond de présentation, j’ai senti qu’elle n’était pas dans son assiette ce jour-là. Elle avait en fait un début de rhino et n’a pu faire mieux que septième. Cette année, nous avons axé son programme sur l’Arc, essayant de l’épargner. Elle a effectué un excellent début de saison, s’emparant de la deuxième place dans le Prix Allez France (en devançant Siyouma et Shareta). Elle s’est montrée moins percutante ensuite, mais il faut préciser qu’elle n’avait pas son terrain à Deauville (5e du Prix de Pomone, juste derrière Solémia tout de même) et a confirmé qu’elle n’aimait pas la PSF lors de sa dernière sortie avant l’Arc. Son avenir ? Elle semble avoir bien digéré sa tentative dans l’Arc. Nous n’avons pas encore élaboré de programme pour la fin de saison. Aller à l’étranger n’est pas mon option préférée, mais nous poursuivons notre réflexion. Je suis intimement persuadée qu’elle pourrait faire une excellente 5 ans. »
 
L’Arc d’Haya Landa :
 
« Lors d’un de ses derniers galops d’entraînement, Thierry Thulliez avait été emballé par ce que lui avait montré Haya. Thierry étant retenu sur Yellow and Green, nous avons fait appel à Franck (Blondel) pour la monter. Dimanche, il a vraiment monté une course superbe. Et je tiens aussi à souligner l’excellent travail de Loïc et Sylvie Audon. Ils sont très patients avec les chevaux et ont toujours été honnêtes et francs avec nous. Quatrième de l’Arc, j’ai encore du mal à y croire. Mon souhait était de ne pas finir dernière. Je voulais aussi qu’Haya Landa démontre qu’elle avait sa place en pareille société. Je dois l’avouer, j’ai parfois ressenti comme une forme de mépris autour de sa candidature. Comment ai-je vécu l’Arc ? Je n’ai pas eu trop le temps de stresser dans les heures qui ont précédé l’événement. La veille au soir (si je puis dire), nous nous sommes couchés à plus de deux heures du matin après avoir fermé le restaurant. Le dimanche, nous étions sur le pied de guerre dès sept heures pour préparer des plats. Je n’ai en fait ressenti la pression qu’à Longchamp. Heureusement, il y avait nos amis autour de nous. Parmi eux, il y avait John Eliot Gardiner qui n’a pas hésité à se déplacer pour nous soutenir. Dimanche, j’avais une partante dans la plus belle course du monde et j’avais à mes côtés le plus grand chef d’orchestre du monde… C’était amusant, car les journalistes et propriétaires anglais se demandaient ce qu’il faisait à Longchamp. »
 

Voir aussi...