Croix du Nord, le premier vainqueur japonais de l'Arc de Triomphe ?
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Cela fait plus de 3 décennies que le Japon rêve du Prix de l’Arc de Triomphe. Des légendes comme El Condor Pasa (Kingmambo), Nakayama Festa (Stay Gold), Deep Impact (Sunday Silence) ou encore Orfèvre (Stay Gold) ont tenté leur chance à ParisLongchamp, sans jamais décrocher la victoire. En 2025, un nouveau nom enflamme les discussions des passionnés de courses internationales : Croix du Nord (Kitasan Black).
Croix du Nord lors sa victoire dans le Derby Japonais (Gr.1)
Croix du Nord a déjà capté tous les regards sur l’archipel nippon. Meilleur 2 ans au Pays du Soleil Levant, vainqueur des Hopeful Stakes (Gr.1), il vient de confirmer cette saison en remportant le Derby Japonais (Gr.1) à Tokyo, après avoir conclu 2e des 2000 Guineas locales. Il complète ainsi le record de son propriétaire Sunday Racing, maintenant quintuple lauréat du Derby. Battu une seule fois lors de ses quatre sorties, dans le Satsuki Sho (Gr.1) par Museum Mile (Leontes), Croix du Nord a pris une revanche éclatante dans le Tokyo Yushun (Gr.1), c'est à dire le Deby, où Museum Mile s'adjuge la 6e place.
Doté d’un modèle puissant, alliant la dureté du fond nippon à une accélération digne des meilleurs européens, Croix du Nord est annoncé comme le cheval de la décennie au Japon, et peut-être celui qui fera enfin tomber la malédiction de l’Arc. Entrainé au Ritto Training Center de Shiga par Takashi Saito, lauréat de nombreux Grs. 1 avec des chevaux comme Chrono Genesis, Killer Ability, Geraldina ou Laura Dion.
Croix du Nord est issu d’un croisement qui peut parler au monde entier. Son père, l’immense Kitasan Black (Black Tide), est devenu en quelques années une référence absolue dans l’élevage japonais. Vainqueur du Tenno Sho (Spring) (Gr.1) à 2 reprises, de la Japan Cup (Gr.1) ou encore de l'Arima Kinen (Gr.1), il a été élu cheval de l'année deux saisons consécutives. Depuis installé à la prestigieuse Shadai Stallion Station, il est notamment le père du crack Equinox, lauréat de l'Arima Kinen (Gr.1), de la Japan Cup (Gr.1) ou encore de la Dubai Sheema Classic (Gr.1).
Yutaka Take en selle sur Kitasan Black dans l'Arima Kinen 2017
Kitasan Black est finalement plus connu que son propre père, Black Tide (Sunday Silence). Ce dernier n'est nul autre que le propre frère de la légende Deep Impact (Sunday Silence), 3e du Prix de l'Arc de Triomphe (Gr.1) avant d'être disqualifié à cause de la présence de médicament interdit en France dans ses analyses, puis de devenir l'étalon tête de liste au Japon.
Nettement moins glorieux que son frère en compétition, Black Tide a gagné les Spring Stakes (Gr.2) et les Wakagoma Stakes (L.) avant d'enchainer les 2e et 3e places de Listed durant le reste de sa carrière. Il est par la suite entré au haras en tant qu'étalon pour la Breeders Stallion Station d'Hokkaido, un haras géré par l'association des éleveurs nippons, pour proposer des chevaux à des tarifs moins élévés qu'à Shadaï Farm. Ce sont évidemment des profils moins prestigieux à la base. Lui qui n'était qu'un "frère de", Black Tide y a donc donné naissance à Kitasan Black ou encore à Kamunyak, vainqueur des Japanese Oaks (Gr.1) et à Meiner Frost, 3e du Japanese Derby (Gr.1).
Black Tide, le grand père de Croix du Nord
C’est surtout la lignée maternelle européenne de Croix du Nord qui intrigue. Sa mère, Rising Cross, est une fille du britannique Cape Cross (Green Desert), gagnant des Lockinge Stakes (Gr.1) et père de Sea The Stars et de Golden Horn, tous les deux vainqueurs du Prix de l'Arc de Triomphe (Gr.1). La 2e mère Woodrising (Nomination) était une jument britannique ayant remporté six courses de province sur le plat et sur les haies outre-Manche...
Minuscule en taille, mais gagnante de Gr. 2 en Angleterre, 2e des Oaks d'Epsom (Gr.1) et 3e des Irish Oaks (Gr.1), Rising Cross a transmis à Croix du Nord ce soupçon de combativité et de souplesse qui fait souvent défaut aux chevaux venus du Japon en terre européenne.... ou plutôt c'est ce qu'il manque à leurs jockeys, habitués à des règles qui interdisent les contacts en course. Quand on voit par où est passé Camille Pissarro à la corde pour gagner le Qatar Prix du Jockey-Club, il est aisé de deviner qu'un jockey nippon ne trouvera jamais de sa vie l'ouverture dans l'Arc entre des guerriers de la trempe de Ryan Moore, Soumillon, Pasquer, Guyon, Barza et les autres...
Rising Cross remportant les Park Hill Stakes (Gr.2) © Mark Cranham
Son pedigree lui offre ainsi le parfait équilibre entre tenue japonaise et maniabilité européenne. Un profil rare pour un cheval entraîné au Japon qui rappelle celui du champion Deep Impact, issu d'un père japonais, Sunday Silence, et d'une mère européenne, Wind In Her Hair (Alzao), gagnante de l'Aral Pokal (Gr.1) en Allemagne et 3e des Yorkshire Oaks (Gr.1) en Angleterre. Il reste cependant un obstacle à franchir pour Croix du Nord : l’adaptation au parcours exigeant de Longchamp avec des dénivellés alors que les pistes nippones sont généralement plates, et surtout au terrain parfois lourd de l’automne parisien. Mais avec sa puissance, sa régularité, et une génétique taillée pour l’international, il représente sans doute le meilleur espoir japonais depuis Orfèvre, qui avait terminé deux fois 2e derrière Treve (Motivator) et Solemia (Poliglote), déjà sous la casaque de Sunday Racing, celle d'un syndicat formé par Katsumi Yoshida.
Orfevre lors de sa seconde place dans le Prix de l'Arc de Triomphe, derrière Solemia © Amanda Duckworth
L’Arc attend encore son premier vainqueur japonais mais en 2025, le rêve pourrait devenir réalité, porté par un nom aux résonances symboliques fortes : Croix du Nord, la constellation qui guide les marins… et peut-être les turfistes japonais vers leur étoile.