Voyage en Ouzbekistan chez Avaz Ismoilov, le plus grand haras d'Asie Centrale !

25/12/2023 - Actualités
Légendaire étape de la Route de la Soie en Asie Centrale, l’Ouzbékistan abrite le plus grand élevage d’Akkal Tékké au monde, sous la férule d’Avaz Ismailov, rencontré chez lui près de la capitale Tashkent. Connu en France en tant que propriétaire de Bathyrhon ou Dastarhon, il possède également sur place une centaine de juments et une quinzaine d’étalons pur-sang !  


 

A part les passionnés d'histoire férus des récits mythiques de la Route de la Soie qui traversaient les contrées lointaines et mystérieuses entre la Chine et l'Europe pendant le Moyen-Age, peu de personnes aujourd’hui sauraient placer l’Ouzbekistan sur une carte du monde, malgré l’immensité de son territoire. Reconstruite après une tremblement de terre dans les années 60, la capitale Tashkent reste dans l'ombre de Bukhara ou Samarcante, les cités ancestrales. Mais cette ancienne nation de l’Union Soviétique commence à faire parler d’elle, comme les autres pays en « stan » via la renaissance de leur grande culture hippique.

 


Avaz Ismoilov avec sa femme Shoxanam.

 

Par exemple le riche Kazakhstan voisin, véritable mine de ressources naturelles, est le pays du grand propriétaire international Nurlan Buzakov (Sumbe) et du jockey Bauyrzhan Murzabayev. La semaine des ventes de novembre à Deauville a d'ailleurs été marquée par la présence d'une bonne trentaine d'acheteurs kazaks, qui ont acheté en nombre sous le nom de Racing Team, des yearlings de plat et d'obstacle pour aller courir là-bas, pour certains sur des distances allant jusqu'à 22 kilomètres ! Ils ont acquis pas moins de 17 yearlings lors de la session de plat du samedi, pour un total de 100.000 €, et encore 18 chevaux supplémentaires (à l'entrainement, 2 ans et yearlings) du lundi au jeudi lors de la vente de d'automne. Pile poil de quoi remplir 2 camions complets ! 

 

 

Pour compléter le tableau de ces contrées très peu touristiques d'Asie Centrale, nous avons visité l’extraordinaire Kirghizistan et ses paysages grandioses qui nourrit une vie nomade encore puissante avec un peuple cavalier au quotidien. Quant au Turkménistan, qui contrairement aux 3 démocraties précédemment citées est l’une des dictatures  les plus féroces au monde (la 2e derrière l’inapprochable Corée du Nord), il a fait du cheval le symbole de son pays, avec même un très sérieux Ministère du Cheval.

 

 

Propagandiste comme toute dictature qui se respecte, le Turkménistan revendique d’être à l’origine d’un cheval de légende, le cheval dit turkmène mais autrement appelé l’Akkal Tékké. Cet animal splendide, racé, intelligent arborant des reflets dorés dans sa robe, est de très loin le plus ancien cheval de race pure au monde. Il serait vieux de plus de 3000 ans. Doté de qualité exceptionnelles, polyvalent, aussi esthétique que robuste, rapide qu’endurant, l’Akkal Tékké exige un cavalier aguerri. Il a participé à toutes les légendes qui ont fait des paysages et de la culture de l’Asie Centrale un mythe mêlé de mystère et d’admiration de la part les civilisations occidentales.

 


Un Akkal Tekke parfait, avec la robe d'or et la crinière et la queue d'argent.

 

L’Akkal Tékké est un compagnon de tous les jours mais surtout un cheval de guerre idéal par ses qualités variées, qui exige toutefois un bonne expérience pour le cavalier, un peu comme pour un pur-sang avec lequel il a beaucoup de points communs. Dans les temps immémoriaux, le fameux Alexandre Le Grand a réussi tant de conquêtes en selle sur son fidèle Bucéfal… un Akkal Tékké ! Aux plus grandes heures de la Route de la Soie, à l’époque médiévale, les Akkal Tékké étaient utilisés par les pirates pour attaquer les caravanes de chameaux par surprise et repartir avec un maximum de butins tout en espérant échapper aux égorgeurs de la garde grâce à la vitesse et l’endurance de leur monture. Car se cacher dans cet environnement de steppes à perte de vue, parfois entrecoupées de massifs montagneux désertiques et parfaitement hostiles, est une gageure.

 


Un cheval de race Ouzbegi, spécialement né pour le Kok Boru (ou appelé le Bozkachi)

 

Les hivers sont rudes, l’eau est rare et les températures passent de -20 en hiver à parfois plus de 50 degrés en été. C’est pourquoi l’Akkal Tekké a développé ce reflet doré qui permet à son corps de diminuer les effets du soleil le plus torride en renvoyant les rayons. Le sang de l’Akkal Tekké d’Ouzbekistan coulerait aussi dans le celui de tous les  pur-sang du monde. Après de longs débats, il est presque établi aujourd’hui en effet que l’un des 3 étalons fondateurs, avec Darley et Godolphin, ne serait pas comme les 2 autres pur-sang arabe.

 

 

The Byerley Turf fut donc un étalon Akkal Tekke, turkmène et non en provenance de Turquie comme son nom l’a faussement indiqué. Il y a 4 siècles, on disait que les 3 chevaux venaient d’Orient. Mais l’Orient était une notion géographique encore plus floue qu’aujourd’hui ! En Ouzbekistan, d’ailleurs, on se revendique clairement de l’Asie. Pour nous français, l’Asie, c’est la Chine, la Corée, le Japon, le Vietnam ou la Thaïlande. Mais avant d’arriver en Asie du Sud-Est, il y a ce gigantesque territoire oublié, l’Asie Centrale, dont l’Ouzbékistan est au coeur.

 

 

C’est dans ce contexte qu’est né Avaz Ismoilov, passionné de cheval depuis son plus jeune âge. Cet homme puissant dans son pays, qui a le monopole de l’industrie des jus de fruit, construit un élevage atypique depuis 35 ans dans les environs de la capitale Tashkent. « Mon haras est le plus important élevage de toute l’Asie Centrale. J’ai environ 300 poulinières, dont la moitié sont des Akktal Tékké. Avec la production, j’ai 400 Akkal Tékké, sachant qu’il n’y  a pas plus de 4000 officiellement enregistrés au monde. »  Avaz Ismoilov détient donc à lui seul 10% des effectifs de cette race sur la planète !

 


En plus des Akkal Tekke, des Ouzbegi et des Pur-Sang anglais, Avaz Ismoilov possède aussi des Pur(Sang Arabes très typés.

 

« Ici, les Akkal Tékké participent à des compétitions très variées, des courses de galop jusqu’au concours complet en passant par l’endurance ainsi que des concours de beauté. Notre grande manifestation qui réunit toutes les disciplines se déroule mi-mai et je compte bien sur votre présence ! ». Avaz Ismoilov nous a reçu dans sa structure principale qui s’étend sur 180 hectares et abritent pas moins de 520 boxes. Ici, pas de vastes et vertes prairies comme en France, en Angleterre ou en Irlande. Mais les animaux du coin sont rustiques, habitués à faire gras avec du maigre. Son personnel est constitué d'une cinquantaine de personnes dont 30 cavaliers ouzbeks ou turkmènes, des gens qui sont presque nés sur une selle.

 

 

C'est donc en Asie Centrale qu' a été inventé cet incroyable jeu équestre du Kok Boru, autrement appelé bouzkachi, sport national de tous les pays en "Stan", ultra violent, sauvage mais fascinant, qui consiste à porter un cadavre de chèvre ou de mouton de 35 à 50 kilos dans le but de l'équipe adverse. A côté de ça, le horseball est un passe temps de fillettes. Les Akkal Tekke sont un peu légers pour pratiquer ce sport de combat en meute, alors les cavaliers ouzbeks ont créé une race spécifique, nommé l'ouzbegim, plus lourd et plus stable mais restant vif et rapide. Evidemment, Avaz Ismoilov élève des Ouzbegim. Il a aussi des pur-sang. Sa centaine de poulinières est saillie par ses propres étalons, une quinzaine au total, dont le patriarche Dastarhon.

 

 

Elève de Lady O'Reilly, acquis yearling à Deauville en 2011 pour 100.000 € par Ghislan Bozo, Dastharon a accompli un exploit à 3 ans sous la férule de Pia Brandt, en terminant 2e de la Poule d'Essai des Poulains (Gr.1), battu seulement d'une encolure par Style Vendôme. En l'occurrence, le fils de Dansili devançait Intello, Havana Gold, Anodin, Olympic Glory. Il a continué à courir jusqu'à 5 ans avec des fortunes diverses, puis est devenu étalon en France en ne saillissant qu'une poignée de juments, pour donner 2 vainqueurs (Gorl Pit et A Double Sens). Puis il est parti en Ouzbekistan, chez son propriétaire, où il a décroché la 1ère place du classement des étalons pur-sang avec sa 1ère génération de 3 ans.

 


Dastarhon, ancien 2e de la Poule d'Essai des Poulains (Gr.1)

 

La casaque d'Avaz Ismoilov s'est également rendue célèbre avec Bathyrhon. Avant de devenir l'un des principaux étalons d'obstacle en France, Bathyrhon a aussi été acquis en août 2021 à Deauville par Ghislain Bozo à Coulonces Consignment pour la même somme de 100.000 € ! Après avoir débuté chez Alain de Royer-Dupré, avoir fait un séjour en République Tchèque, le fils de Monsun est arrivé chez Pia Brandt pour s'imposer comme l'un des meilleurs stayers de l'hexagone, vainqueur des Prix Vicomtesse Vigier (Gr.2) et Gladiateur (Gr.3, et conclure 2e du Prix du Cadran (Gr.1). En fin de carrière de course, il a été vendu pour devenir étalon au Haras de la Hêtraie.

 


La casaque verte à étoiles rouges d'Avaz Ismoilov, portée par Maxime Guyon en selle sur Bathyrhon lors de sa victoire dans le Prix Vicomtesse Vigier.

 

 

De façon beaucoup plus atypique, Avaz Ismoilov a fait gagner un cheval portant le suffixe russe en France, quand son représentant Selim (Caitano) avait gagné une bonne course à conditions à Nantes sous la responsabilité de Dominique Sepulchre. Cela est un événement rare et qui ne risque pas de se réitérer rapidement étant donné le contexte international. Cela ramène à la venue sensationnnelle d' Annilin, champion russe en pleine guerre froide, pour participer au plus grand Arc de Triomphe de tous les temps, celui gagné par Sea Bird en 1965. Annilin y prendra une formidable 4e place, derrière Sea Bird, Reliance (Jockey-Club, Grand Prix de Paris) et le crack américain Tom Rolfe (Kentucky Derby, Preakness Stakes). Il y a devancé aussi Diatome et l'irlandais Meadow Court (Irish Derby, King George).

 

 

Le sud de la Russie et les pays caucasiens en général restent très attachés à sa culture hippique sous toutes ses formes, ayant fourni tout au long du 20e siècle des participants aux différentes épreuves équestres des Jeux Olympiques. Mais évidemment, cette activité d'essence aristocratiques ou bourgeoises ne véhicule pas vraiment des valeurs compatibles avec les féroces dictatures communistes et d'extrême gauche en général. Heureusement que la passion du cheval est irrascible et capable de traverser les tempêtes moralistes.

 

 

 

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