Coolmore après Galileo : à la recherche du nouvel étalon star

12/06/2025 - Actualités
Un mois après le Grand Week-End de Godolphin à Newmarket et Churchill Downs, c’était au tour de Coolmore de faire une razzia classique à Chantilly et Epsom, depuis le Jockey-Club jusqu'au Derby d'Epsom en passant par les Oaks et la Coronation, avec des produits de Wootton Bassett, Australia, Frankel et Galileo. Si Coolmore brille au travers des produits de ses étalons, l’écurie irlandaise relève un défi de taille : reconstruire une stratégie de haras après l’ère Galileo dont Jan Brueghel est issu de la dernière génération. Par Nicolas Guillemain

Galileo remportant les King George VI and Queen Elizabeth Diamond Stakes (Gr.1) © Tom Jenkins

 

Galileo n’est pas simplement un étalon champion. Il est non seulement à l’origine de la fortune actuelle de Coolmore, à la tête d'un empire dont les bases ont été jetées par son propre père Sadler's Wells, mais il en est également l’architecte génétique. Gagnant du Derby d’Epsom (Gr.1) en 2001, il a engendré une dynastie hors normes. Il est, entre autres champions tels que Highland Reel, Found ou Russian Empreror, le père de Jan Brueghel, produit de la dernière génération de Galileo, et récent vainqueur de la Coronation Cup (Gr.1). Déjà vainqueur des St Leger Stakes (Gr.1), Jan Brueghel était arrivé invaincu dans les Alleged Stakes (Gr.3). Il avait alors terminé 2e derrière Galen (Gleneagles). De retour dans cette Coronation Cup (Gr.1), il ajoute un nouveau succès à son palmarès. Jan Brueghel est né de la souche de Balanchine et est le frère de Sovereign, lui aussi fils de Galileo, un lauréat du Derby d'Irlande. Sa mère Devoted to You (Danehill Dancer) a été multiple placée de Groupe outre-Manche. Malgré des porduits de cette qualité, le règne de Galileo laisse une ombre difficile à dissiper : qui pour lui succéder ?

 

 

Coolmore a massivement misé sur ses fils comme Australia, Churchill, Gleneagles et de nombreux autres, mais sans retrouver la même magie qu'avait Galileo, et de loin. Aujourd'hui, ses fils à Coolmore sont jugés sévèrement par la communauté hippique du point de vue commercial. Australia par exemple, lui même vainqueur du Derby d'Epsom (Gr.1) est le père de Lambourn, le récent gagnant du Derby 2025. Ce dernier est le fils de la placée de Listed Gossamer Wings (Scat Daddy), une soeur de Baby J (J Be K), lauréate aux USA des Victory Ride Stakes (Gr.3), et de Laureate Conductor, qui s'est classé troisième des Secretariat Stakes (Gr.1). Malgré des produits comme Lambourn, Australia est jugé trop classique dans son modèle et ses aptitudes pour séduire le marché, ce qui le rend peu commercial.

 

 

Le comble est que Coolmore, qui a tant fait et tant dépenser pour s'assurer la succession de Galileo, quitte à refuser de vendre les saillies à l'extérieur, a loupé en queque sorte  ses 2 meilleurs fils au haras. En effet, si Frankel, lui aussi fils de Galileo, est sans doute le meilleur héritier, il ne fait pas partie des rangs de Coolmore mais de ceux de Juddmonte, tout comme Galiway, propriété du Haras de Colleville, qui connaît une formidable réussite das son registre polyvalent.

Coolmore n'a pas réussi à récupérer Frankel. En effet, ce dernier est né d'un accord trouvé entre Coolmore et Juddmonte selon lequel, sur 2 années, 10 juments juments appartenant à Juddmonte étaient envoyées chez Coolmore pour être saillies par Galileo. En retour, les produits issus de ces saillies étaient partagés entre les deux haras, selon les sexes. Cela permettait à chaque partie d’avoir accès à des lignées prestigieuses et d’élargir la diversité génétique de leur élevage. Pour choisir qui aurait la priorité des mâles ou des femelles la première année, la décision a été prise à pile ou face, offrant le choix à Juddmonte. Malheureusement pour Coolmore, Juddmonte a choisi les mâles, et Frankel faisait partie de cette génération....

 

Frankel, étalon tête de liste de Juddmonte Stallions

 

Invaincu en 14 sorties et auteur de pas moins de 10 succès au niveau Groupe 1 comme dans les 2000 Guinées (Gr.1) ou les Champion Stakes (Gr.1), Frankel est reconnu comme le meilleur cheval de tous les temps, encore plus fort que Eclipse ou Sea-Bird. Il a depuis produit des chevaux comme Westover, Alpinista ou encore Inspiral. Plus récemment, il est également le père de Minnie Hauk, gagnante des Oaks (Gr.1) d'Epsom ce week end. Fille de Multilingual (Dansili), elle est la petite fille de Zenda (Zamindar), gagnante de la Poule d'Essai des Pouliches (Gr.1). Minni Hauk est également la nièce du grand Kingman (Invincible Spririt), lauréat du Prix Jacques Le Marois (Gr.1) ou encore des Sussex Stakes (Gr.1) et des 2000 Guinées Irlandaises (Gr.1).

 

 

L’un des secrets de la réussite de Coolmore résidait dans le croisement Galileo x Danehill, combinaison gagnante d’un point de vue génétique. Mais avec la disparition de Galileo et la fin de la lignée directe de Danehill, tous deux sans successeur direct au d'un niveau équivalent, Coolmore s’est retrouvé sans étalon pour perpétuer cette recette.

C’est dans ce contexte que Coolmore a pris un virage stratégique important en acquérant Wootton Bassett (Iffraaj) pour 49 millions d’euros. Ancien pensionnaire du Haras d’Etreham, partie du bas de l'échelle, l’étalon a progressivement gagné ses galons jusqu’à devenir un étalon très recherché, produisant des chevaux comme Almanzor ou King Of Steel. Né de sa 1ère génération irlandaises, son fils, Camille Pissarro (Lethal Force), a d'ailleurs remporté cette année le Prix du Jockey Club (Gr.1) ainsi que le Prix Jean-Luc Lagardère (Gr.1), signe que le pari était bel et bien un pari gagnant. Acquis yearling pour la somme de 1.250.000 Gns dans le Book 1 des ventes d'octobre de Tattersalls, Camille Pissarro est un fils d’Entreat (Pivotal), qui avant lui avait produit le champion sprinter Golden Horde (Lethal Force).

 

Camille Pissarro remportant le Prix du Jockey Club (Gr.1)

 

Wootton Bassett, qui n’est ni un fils de Galileo ni de Danehill, mais issu du croisement très atypique entre Iffraaj et  une mère par Primo Dominie, un étalon totalement oublié, et avec une 2e mère par le décevant Chief's Crown, marque une rupture génétique assumée. Il offre à Coolmore un nouveau vecteur de croisement, notamment avec les nombreuses juments issues de Galileo en leur possession. Le retour d’un certain équilibre entre vitesse et tenue, vers un profil plus polyvalent et moins "classique", semble être la nouvelle direction génétique du haras. Ainsi, peut-être que Wootton Bassett est en train de prendre le rôle qu'avait Mr Prospector auprès de Northern Dancer dans les années passées.

Le parfait exemple de ce croisement reste Al Riffa, fils de Wooton Basset et de Love On My Mind par Galileo, élevé au Haras d'Etreham et qui a remporté le Grosser Preis von Berlin (Gr.1) ou encore les Vincent O'Brien National Stakes (Gr.1). Dans la même lignée, on trouve également des chevaux comme Expanded, fils de Wootton Basset et de Jigsaw (Galileo), 2e des Dewhurst Stakes (Gr.1), ou encore Whirl (Wootton Basset), fille de Salsa (Galileo), 2e des Oaks (Gr.1) derrière Minni Hauk (Frankel).

Wootton Basset au haras © Coolmore

 

La domination de Coolmore repose sur une structure sans égale, mais elle traverse une phase de restructuration. Après avoir dominé l’élevage européen avec Galileo, l’empire irlandais tente désormais d’ouvrir un nouveau chapitre génétique. Entre stratégie commerciale et impératifs de performance, le passage de relais est en marche avec Wootton Bassett en tête de gondole. Mais le défi reste immense et recréer un Galileo est sans doute mission impossible. L’objectif sera plutôt de bâtir l’après-Galileo, à l’image du virage génétique que Coolmore a décidé.

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