Nouvelle-Zélande : Le Seigneur des Anneaux à cheval à Matamata

22/04/2020 - Découvertes
Centre névralgique des courses en Nouvelle-Zélande, qui reunit sur les riches prairies du centre du pays les principaux élevages, ainsi qu' un grand centre d'entrainement au milieu de l'hippodrome, la petit ville de Matamata est pourtant célèbre aujourd'hui dans le monde pour une autre raison. Elle abrite la Comté, le fameux village des Hobbits du Seigneur des Anneaux...

 

 

En bon néo-zélandais attaché à la culture rurale et donc aux chevaux de courses, Peter Jackson ne pouvait pas ignorer qu'il survolait le coeur hippique du pays quand son attention s'est fixée sur une ferme vallonnée des environs de la petite ville de Matamata. Depuis un hélicoptère, le cinéaste qui allait se lancer dans la réalisation de l'incroyable trilogie du Seigneur des Anneaux venait enfin de trouver les collines où il allait construire le village des hobbits. La Comté, telle qu'imaginée dans le roman fleuve de John R.R. Tolkien, abrite des petits bonshommes aux grands pieds qui vivent paisiblement dans un univers verdoyant et pastorale, à l'abri de maisons semi-troglodytes dont la pièce principale est le garde manger. Et c'est pourtant d'ici que partiront les héros d'aventures terrifiantes face aux forces du mal, qui ont rencontré un succès planétaire tant à travers les livres que sur les écrans.

 

 

 

De fait, village où ont été tournées les scènes fondatrices de la trilogie, Matamata est devenu un lieu de pélerinage pour les fans du Seigneur des Anneaux, ou tout simplement pour les heureux touristes de ce paradis sur terre qu'est la Nouvelle-Zélande. Mais à la base, l'endroit vit au rythme des chevaux. Typique du pays, Matamata est une petite ville rurale très attachée à son environnement, d'une propreté et d'un équilibre confondant, dont la population fréquente les multiples églises d'obédiences diverses et les hippodromes (51 champs de courses pour 4 millions d'habitants !). Mais il n'y a pas que cela : nous sommes ici dans le Comté de Waikato, région du célèbre élevage du même nom, l'immense Waikato Stud de 5000 hectares. Il n'est que l'un des nombreux haras qui s'étendent ici sur les vertes pariries enrichies par les eaux du Mont Kaimai. La ville abrite un des plus beaux hippodromes du pays, qui reste en 2e plan par rapport à celui d'Ellerslie à Auckland, la capitale économique où se disputent les Gr.1, mais qui accueille tout de même 4000 personnes pour sa grande réunion des Breeders'Stakes avec un Gr.2 pour femelles de 2 ans en février.

 


Mark Chittick, le propriétaire de Waikato Farm sur 5000 hectares à Matamata

 

L'hippodrome abrite aussi un important centre d'entrainement qui rassemble 500 chevaux tous les matins dès 4h00 ! En effet, l'entrainement commence traditionnellement bien avant l'aube en Nouvelle-Zélande. Il y fait certes chaud en été mais surtout, vu que les chevaux travaillent à nouveau l'après-midi, dans les marcheurs ou les piscines, le but est d'accorder aux chevaux un long répit en milieu de journée. De plus, comme il y a beaucoup d'hippodromes étalés sur un pays tout en longueur, les professionnels doivent quitter les pistes d'entrainement d'assez bonne heure tous les jours pour se rendre aux réunions de courses ou de trials, qui sont des sortes de courses d'essais et de qualifications pour les jeunes chevaux.

 


Les courses en Nouvelle-Zélande, c'est une culture pour tout le monde.

 

A Matamata, la grande particularité est que plus de la moitié des pur-sangs qui foulent les pistes chaque matin viennent en camion, amenés sur place par des petits entraineurs et de nombreux permis d'entrainer qui détiennent leurs propres écuries dans les 30 kilomètres à la ronde, mais sans piste privée. C'est pourquoi l'hippodrome comprend tant de stalles et de boxes de passage. Tous ces chevaux sont transportés dans des camions pour la plupart fortement déglingués qui font un ballet toute la matinée sur le parking. En revanche, il n'y a que 200 boxes pour des écuries installées sur place, dont 95 pour le seul Jamie Richards. Ce jeune entraineur sur la montante, déjà en haut de l'affiche en tant qu'associé de Stephen Autridge, a gagné son 1e Gr.1 en septembre 2018 avec Melody Belle (Commands).

 


Le centre d'entrainement de Matamata ouvre à 4h du matin.


Jamie Richards enregistre des messages vocaux tous les matins pour tous les chevaux qui travaillent, à destination des membres du syndicat de propriétaires de Te Akau Racing.

 

Ce fils de jockey et de présidente d'hippodrome qui a suivi un cursus au sein de grands élevages anglais, irlandais et américains puis de vente dans son pays, venait alors se lancer à son compte personnel à la faveur d'une proposition impossible à refuser. Acteur majeur des courses néo-zélandaises, David Ellis lui a ainsi offert la place d'entraineur unique dans le pays des chevaux de Te Akau Racing, le plus grande écurie de chevaux syndiqués au monde, qui a aussi des pensionnaires à Singapour.

 


La piscine ouvre avant même le lever du jour.

 

Une telle place implique de forcer un trait plutôt rare dans son métier : la communication. En effet, pour motiver les porteurs de parts qui doivent se sentir concernés et toujours prêts à réinvestir, Jamie Richards lui-même enregistre tous les matins des commentaires vocaux sur les travaux des chevaux. Voici un homme moderne, beau gosse souriant gagnant plus de 100 courses par an désormais et accompagné d'une belle femme blonde et pétillante. Un tableau idyllique complété par le fait que Jamie Richards entraine aussi pour des clients extérieurs. C'est ainsi qu'il a signé le 1e doublé de Karaka Millions des 2 ans et des 3 ans avec le même cheval, la pouliche Probabeel pour le compte de Brendan Lindsday, le nouveau propriétaire de Cambridge Stud. Ce grand haras mstorique se situe à...Cambridge, la soeur jumelle de Matamata, à 30 minutes de route seulement, qui comprend également un hippodrome (plutôt connu pour ses courses de trot), un centre d'entrainement et de nombreux haras, mais pas de village de ...hobbits !.

 


Toute la matinée, un ballet de camions amène et ramène des centaines de chevaux aux pieds des pistes.


Le centre d'entrainement de Matamata disposent de 300 stalles d'accueil.

 

L'ambiance lors d'une journée standard parmi les 14 réunions de Matamata est tout à fait provincial, avec le charme que cela apporte. Les gens viennent en famille, les gros bonnets du coin comme Mark Chittick (patron de Waikato Stud) se baladent en short avec un enfant dans chaque bras. Le président de l'hippodrome, Dennis Ryan, par ailleurs journaliste à la tête du principal magazine spécialisé, invite tous les propriétaires vainqueurs à boire de la bière après la victoire. " Les courses entretiennent une très bonne relation avec la communauté des habitants de Matamata. Nous sommes une ville de province dynamique, pas très loin d’Auckland, dont des habitants viennent d’ailleurs à nos courses. Nous présentons ce qu’on pense être un bon produit, même si on est limité par notre situation rurale, n’ayant pas les moyens d’un hippodrome urbain. 

 


Dennis Ryan, le président de l'hippodrome de Matamata.

 

Peu d’argent mais beaucoup de femmes…jockeys. Les vestiaires de Matamata comme de tout le pays figurent parmi les plus féminisés du monde. A 54 ans, Trudie Thorton, mère de famille après 3 accouchements par césarienne, a gagné plus de 1000 courses et rentre régulièrement dans le top 5 national. " J’ai commencé très jeune. J’ai eu ma licence à 21 ans après mon apprentissage. Hormis mes arrêts, je monte en course depuis 25 ou 28 ans. J’ai monté à l’étranger. J’ai monté en obstacle en début de carrière. J’ai eu 3 enfants, je me suis cassé de nombreux os. Le sommet de ma carrière ? J’ai gagné la Wellington Cup et d’autres courses de Groupe, mais j’apprécie surtout de gagner pour des propriétaires avec qui je m’entends bien. »

 


Trudie Thorton, 54 ans, 3 enfants et plus de 1000 victoires.

 

Les femmes jockeys sont un aubaine pour les courses néo-zélandaises, qui n'ont pas les moyens de garder sur place ses meilleurs jockeys, attirés par le richissime système de la grande soeur australienne. «  On serait perdu sans nos femmes jockeys ! " ajoute Dennis Ryan. " Nous n’avons plus assez de garçons. Et si on a un bon jeune jockey, il s’en va. James McDonald est un parfait exemple, il est parti de Nouvelle-Zélande pour devenir le meilleur jockey de Sydney en Australie. On ne peut pas garder des cavaliers d’un tel niveau ici. Il faut trouver des solutions pour remplir les vestiaires. Or, les filles sont en général plus petites et font plus facilement le poids que les garçons. Voilà pourquoi nous avons tant de femmes jockeys dans l’élite de nos pelotons. »

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