L'histoire de DNA : Forli, le seigneur argentin

08/07/2020 - Grand Destin
Un des plus fameux chefs de race de l'élevage moderne, Forli est le seul du club de ce panthéon à être né en dehors des grands pays traditionnnels des courses. Thierry Grandsir vous conte le destin de ce seigneur du pur-sang, né en Argentine.

   

FORLI (1963-1988), par Aristophanes et Trevisa (Advocate)
 
 
Le Haras Ojo de Agua, autrefois dénommé la Quinua, est un haut lieu historique de l’élevage argentin par lequel transitèrent longtemps les meilleurs reproducteurs du pays, importés ou natifs de l’endroit. Aristophanes fut l’un d’eux, suite à son acquisition en fin de carrière de course par le Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage d’Argentine.
 
 
 
 
Pourtant tombeur de Nearula dans les Scarborough Stakes et double lauréat du Doncaster Handicap, Aristophanes ne fut pas jugé digne d’entrer au haras en Angleterre, et ce malgré un pedigree exceptionnel : son père était le Chef de Race Hyperion, un gagnant du Derby (Gr.1), et sa mère était Commotion, une lauréate des Oaks (Gr.1). Difficile de mieux faire, d’autant que sa souche maternelle compte en ses rangs les Chefs de Race Nasrullah, Royal Charger, Mahmoud, Fair Trial, Tudor Minstrel, et bien d’autres encore…
 
Un palmarès modeste mais une génétique de luxe, tel est le profil des reproducteurs qui ont construit les élevages de l’Hémisphère Sud. Stationnéau Haras Ojo de Agua, Aristophanes se classa tête de liste des pères de gagnants en 1960 et honora deux ans plus tard une jolie cavale alezane, Trevisa, pour concevoir celui que tout un peuple attendait depuis plus d’un siècle : Forli.
 
 
 
ARISTOPHANES (par Hyperion et Commotion), le père de FORLI
 
 
Doté d’un équilibre parfait et de bonne taille comme son père (1,65 m), Forli montra d’emblée beaucoup de qualités à l’entraînement. Sa première sortie à 2 ans, sous les couleurs de Jorge Azevedo et l’entraînement de Juan Lapistoy, confirma les espoirs mis en lui : victoire nette et sans bavure sur gazon (terrain lourd), 12 longueurs au poteau. Ses deux courses suivantes au même âge, acquises par 17 longueurs sur le dirt et par 5 longueurs dans le Gran Premio Montevideo (Gr.1), lui offrirent le titre de Champion des 2 ans en Argentine.
 
La saison suivante, Forli effectua sa rentrée directement dans la Polla de Potrillos (Gr.1 – 2000 Guinées), qu’il remporta par 12 longueursen pulvérisant le record continental des 1600 m dirt. La presse argentine titra sans hésiter :« Forli est le Cheval du Siècle ! ».
 
Il s’attaqua ensuite aux trois autres manches de la quadruple couronne locale, en commençant par le GranPremioJockey Club (Gr.1) et le GranPremioNacional (Gr.1 - Derby), pour des succès moins faciles que prévu. Motif : Forli souffrait d’une attaque de vers, on avait tout simplement oublié de le vermifuger… Tout rentra dans l’ordre quelques semaines plus tard lorsqu’il domina ses aînés dans le GranPremio Carlos Pellegrini (Gr.1), la course la plus huppée d’Amérique du Sud (le Prix de l’Arc de Triomphe argentin), sur les 3000 m turf de San Isidro. 
 
 

Forli à l'entrainement
 
 
 
Avec sept victoires en autant de sorties, Forli attira l’attention du Nord-américain Arthur Bull Hancock qui fit une offre que l’entourage du cheval ne put refuser. Transféré aux USA chezCharles Whittingham, Forli courut encore à trois reprises : une victoire en temps record dans le Coronado Handicap, un succès à Hollywood Park, et enfin une place de deuxième dans le Citation Handicap (Gr.1). Une fracture d’un canon antérieur fut détectée à l’issue de la course, précipitant son entrée au haras.
 
Forli fut donc envoyé à ClaiborneFarm, où son arrivée fut passablement remarquée.L’équipe du haras avait coutume d’encadrer les nouveaux étalons dans leur paddock afin de les éloigner des clôtures, avec force cris et gesticulations, jusqu’à ce qu’ils se calment. Forli, qui n’avait pas vu un brin d’herbe depuis le sevrage, stupéfia son monde en chargeant droit devant luipour sauter la haie du paddock, devant un Bull Hancock horifié !
 
Tout rentra heureusement dans l’ordre, et Forli devint très vite un Chef de Race classique : quatre gagnants de Stakes sur vingt-et-unfoals la première année, six sur vingt-quatre en deuxième saison. On lui devra au finalsoixante gagnants de Stakes (9% de sa production totale) et, parmi eux, le Champion Forego : 34 victoires dont 14 courses de Gr.1 pour près de $2,000,000 de gains, et trois titres de Horse of the Year aux USA !
 
 
 
FOREGO (h. 1970), un fils de FORLI élu trois fois Horse of the Year aux USA
 
 
Forli conçut également une pouliche, Special, qui devint la mère du Champion Nureyev et la deuxième mère du Chef de Race Sadler’s Wells, le père de Galileo. Alors si vous scrutez les pedigrees des derniers grands vainqueurs classiques, ne soyez pas surpris d’y trouver un suffixe (ARG) quelque part. C’est tout simplement Forli, le seigneur argentin !
 
 

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