La chronique facebook : Kofi is not just black

23/03/2014 - Actualités
And They're Off, alias Allison Nicolleau sur Facebook a posé sa flume sur une pouliche anonyme, Kofi (Balko), bai-brune âgée 4 ans qui a enchaîné en seulement 4 jours 2 victoires dans des modestes réclamers en steeple à Fontainebleau puis Enghien, et la relation avec sa lad, Eliane, qui vit avec elle tous les jours chez David Windrif.

Kofi (Balko), sous la selle d'Anthony Lecordier, remporte sa 2e victoire en 4 jours, le 25 février en steeple à Enghien. (Photo APRH)

 

Plantée sur ses quatre jambes, la pouliche humait l'air doux, l'encolure tendue vers les premiers rayons du soleil, les naseaux appliqués dans la recherche de leurs incroyables effets. Elle en fermait presque les yeux. Doucement, une main glissa alors jusqu'à son épaule, achevant ses rêveries en un soudain frisson. Kofi reprenait sensation avec le glaçon de métal qui semblait s'étendre sur sa langue et d'un léger mouvement de tête, manifestait son envie d'un retour au calme.

Laissant traîner ses larges sabots sur la paille nouvelle, la pouliche emplissait ses poumons de la fraîcheur de ses brins, et libérée de l'emprise de la sangle, crachait de ses naseaux un souffle sans fin. Elle les plongeait aussitôt dans l'eau pure et devenait silencieuse, les yeux rivés sur son reflet, le corps tressaillant sous la caresse appuyée de l'étrille. Elle n'était sorti ce matin que pour un travail d'entretien. Elle avait effectué sa rentrée la veille sur la piste de Fontainebleau, levant les genoux sur les différentes épreuves du parcours, ralliant le poteau avec toute l'aisance possible que lui offrait alors le terrain lourd.

Nullement mouillée par le trotting effectué, elle n'en était pas plus raide dans ses allures, ni avare de volonté. Elle avait séduit son entraîneur, Monsieur Windrif, qui la maintenait engagée dans une épreuve analogue quelques jours plus tard. Tandis que son amie Eliane ramassait ses outils de pansage, Kofi tendait l'encolure au-delà de la porte coulissée, sans s'engager d'avantage en dehors, réclamant à celle qui la connaissait le mieux un effleurement doux et vaporeux. Elle repartait aussitôt dans un monde inconnu, les pupilles voilées par les songes, les muscles encore agités par le plaisir de sa récente galopade enivrée.

Les jours suivants, Kofi et Eliane se retrouvèrent pour de longues balades, rythmées d'un galop immobile et de foulées de trot aériennes. Au bout de quatre jours, la pouliche retrouvait un hippodrome et ses habitudes d'après-midis. Sortie du camion, elle faisait quelques pas de détente puis consacrait son attention à celle qui la tenait en bout de rênes, son amie Eliane. Il y eut l'isolement, la mise en beauté, puis la marche, et l'habit du guerrier.

Tandis qu'elles se dirigeaient vers l'entrée de la piste, la pouliche apprêtée de ses couleurs et la femme brune dont s'emballait le cœur se séparèrent. Kofi se détendit les jambes dans un galop souple et maîtrisé, puis détendit ses jambes au-dessus de la haie d'essai. Le départ donné, la pouliche baie brune s'élance derrière une concurrence à sa mesure et garde un rythme modéré. Quelques obstacles franchis, elle est guidée aux premières loges par son jockey Anthony qui, progressivement, et au fil des difficultés dont elle aisément s'affranchit, la glisse jusqu'à la tête et la fait pénétrer seule dans une courbe infinie.

Aussitôt, la pouliche épouse la lice de ses longues foulées, battant le sol de sa carcasse de biche avec tout l'entrain et la puissance d'un animal sur le pied de guerre. Elle disparait de l'emprise des siens, et ondule sa croupe sous leurs yeux, leur devenant toujours plus lointaine foulées après foulées. Cette pouliche, qu'elle voyait de ses yeux s'envoler vers l'arrivée, elle n'aurait pas cru cela d'elle, et pourtant.

Eliane sait tout d'elle. Elle sait ses manies, ses faiblesses. Elle sait son intelligence, et sa tolérance. Elle sait son bonheur, et l'infinie générosité de son cœur. Mais la pouliche surpassait toutes ses espérances. Le matin, elle se lève pour retrouver ce contact, qu'elles ont créé naturellement. Plus raide parfois que ses propres élèves, elle fait face au temps, et subit ses effets inévitablement. La vie l'a forgé, la dureté du métier surtout. Mais elle reste au service des pur-sangs, comme happée incessamment par la mystérieuse douceur de leur sang. Retrouvant avec eux, un relationnel qui lui est indispensable. Ses journées sont longues, et éprouvantes, rythmées d'apprentissages et de compétitions, de moments sages et de désillusions. Malgré un quotidien exposé, elle n'est jamais parvenue à totalement maitriser son anxiété. Mais lorsque passent devant elle, ses disciples taillés de ses mains, Sun Zephir, engageant sa masse baie jusqu'au poteau du temple parisien, ou Kofi, reine des réclamés sur tous terrains, elle ne peut s'empêcher d'arrêter le temps, rien qu'une seconde, annexant toutes angoisses, savourant juste l'instant.

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