Belmont Stakes : un triomphe historique au féminin avec Arcangelo

12/06/2023 - Actualités
Lauréat des Belmont Stakes devant le champion Forte, Arcangelo marque l'histoire avec son entraîneur Jena Antonucci, qui devient la 1ère femme à remporter une étape de la Triple Couronne. Son champion fait aussi briller le défunt Arrogate, un grand champion qui avait lui évité le parcours "classique" américain. 

Arcangelo offre une édition des Belmont Stakes historique à Jena Antonucci (tout à droite)

 

Marie Vélon, Coralie Pacaut, Hollie Doyle, Chantal Sutherland, et tant d'autres femmes ont dû montrer les crocs à haut niveau pour prouver aux plus circonspects que l'avenir des courses se conjuguait aussi au féminin. Chez les entraîneurs, on peut citer Corine Barbe, Myriam Bollack-Badel, Louisa Carberry, Isabelle Pacault, Criquette Head, Daniela Mele... et maintenant Jena Antonucci. En effet, bien que moins connue de notre côté de l'Atlantique, cette femme entraîneur installée en Floride a créé la sensation ce week-end à Belmont Park en accomplissant un exploit historique. Son pensionnaire Arcangelo lui a offert les Belmont Stakes, et en 155 ans d'histoire, c'est la première fois qu'une femme entraîne un gagnant d'une étape de la Triple Couronne ! 

 

L'historique Jena Antonucci entourée par le propriétaire Jon Ebbert et le jockey Javier Castellanno

 

Après le Kentucky Derby remporté par Mage et les Preakness Stakes par National Treasure, la dernière étape de la Triple Couronne est donc revenue à cet outsider, qui s'attaquait pour la première fois à ce très haut niveau. Monté par l'expérimenté Javier Castellano, Arcangelo a démarré fort à l'entrée de la ligne droite, et n'a jamais été revu par ses concurrents, à commencer par le champion Forte. Ce crack annoncé, déjà lauréat de plusieurs Grs.1 dont une Breeders' Cup à 2 ans, avait dû faire l'impasse sur les deux premières étapes après avoir été "scratché" par les vétérinaires à la veille du Kentucky Derby. Il a fini très fort en dehors pour son retour dans l'élite, mais n'a rien pu faire face au gris Arcangelo, parti pour la gloire sous les yeux ébahis de sa mentor. 

 

 

Approchant la cinquantaine, Jena Antonucci a donc vécu le plus grand moment de sa carrière d'entraîneur, entamée en 2010. Cavalière depuis son plus jeune âge, elle a notamment travaillé pour le célèbre D.Wayne Lukas, qui fait partie du Hall Of Fame Américain. Après s'être orientée vers l'élevage et les jeunes chevaux, Jena est peu à peu retournée vers l'entraînement et a sellé son premier vainqueur en 2010. A la tête d'un petit effectif, elle avait jusqu'ici gagné 2 courses de Groupe, la première en 2016 avec Doctor J Dub, et l'autre ce printemps avec Arcangelo. Ce dernier a seulement débuté en tout début d'année, par une 4e place, avant d'aligner un succès de maiden, puis de Gr.3 déjà à Belmont. Amené en progression, il effectue des débuts fracassants dans la cour des très grands, un peu à l'image d'un Ace Impact il y a une semaine dans le Jockey Club...

 

Arcangelo domine les favoris en étant parti fort à l'entrée de la ligne droite

 

Le beau gris Arcangelo fait vivre un rêve à son entourage, alors qu'il n'a coûté que 35 000 $ yearling à Keeneland à son propriétaire Jon Ebbert. Pourtant, il est fort bien né, élevé par la Don Alberto Corporation de Carlos Heller. Ce milliardaire chilien a un immense haras dans son pays, avec 400 poulinières sur 2000 hectares, mais aussi des intérêts aux Etats-Unis, où il acheté Vinery Stud dans le Kentucky. (voir le reportage réalisé au Haras Don Alberto au Chili en 2020). Il n'avait d'ailleurs pas hésité à mettre 2,85 M$ sur la table en 2014 pour acquérir Modeling, la mère de Arcangelo, alors pleine de Distorted Humor, mais inédite. Elle était la soeur de plusieurs black-types dont le gagnant de Gr.1 Streaming, mais surtout une nièce de deux lauréats... des Belmont Stakes ! En effet, en 2006 et 2007, Jazil, puis Rags To Riches s'étaient imposés dans l'épreuve reine. Rags To Riches était elle aussi l'auteur d'un exploit "au féminin", devenant la première pouliche depuis une centaine d'années à battre les mâles dans cette étape de la Triple Couronne. Cela sonnait un peu comme un présage !

 

Redécouvrez Don Alberto, le plus grand Haras du Chili, qui a élevé Arcangelo dans son antenne du Kentucky

 

Malgré ce pedigree en or, Arcangelo a fait très peu d'argent aux ventes, d'abord parce qu'il était monorchide, c'est à dire qu'il lui manquait un testicule, mais aussi d'un gris rouan qui a fait fuir plusieurs intéressés. Qui plus est, son père Arrogate était un peu dans le creux de la vague, n'ayant pas fait des miracles avec sa première génération de 2 ans cette année-là. Extraordinaire champion chez Bob Baffert, celui qui fut le meilleur cheval du monde à 2 reprises en son temps, gagnant de la Breeders' Cup Classic et de la Dubai World Cup notamment, a pourtant été un peu boudé à ses débuts au haras à cause de son manque de précocité. En effet, Arrogate avait régné sur le monte du dirt à l'automne de ses 3 ans, mais n'avait débuté qu'en avril du même âge, et avait contourné le programme de la Triple Couronne. Cette absence de références à 2 ans l'avait désservi lors de son entrée à Juddmonte Farms comme étalon en 2018. Pour l'anecdote, Arrogate avait sorti ses 2 premiers vainqueurs le même jour à Saratoga, 10 jours avant le passage de Arcangelo en vente. 

 

 

Rags To Riches, la grande tante de Arcangelo, avait gagné les Belmont Stakes face aux mâles en devançant le crack Curlin

 

Arrogate s'en est tout de même très bien sorti, une fois que l'on a compris qu'il donne plus des 3 ans au profil classique que des 2 ans. Il est d'ailleurs le père de plusieurs lauréats de Gr.1 dont Secret Oath (Kentucky Oaks), et Arcangelo, issu de sa seconde génération, devient son premier gagnant d'une étape de la Triple Couronne. Malheureusement, le temps n'aura pas laissé à Arrogate une chance de s'installer parmi les bons étalons américains. En mai 2020, à la fin de sa 4e saison de monte, Arrogate a succombé à un gros problème de santé qui l'avait quasiment entièrement paralysé. A seulement 7 ans, le crack a tiré sa révérence, et n'aura pas vécu assez longtemps pour récolter les lauriers de son oeuvre. Car si sortir un gagnant de Belmont Stakes est déjà un exploit, le côté historique que revêt le succès d'Arcangelo laissera une trace à vie...

 

La gloire à titre posthume pour le grand Arrogate

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