Dunaden, la fierté de l'élevage Decazes
Sa mère, La Marlia, porte le label du Comte Edouard Decazes. Sa grand-mère également. En fait, remonter la lignée maternelle Decazes de Dunaden nous entraîne jusque dans les années 60, jusqu’à la belle et bonne Si Sage. Pour retracer l’une des plus belles aventures contemporaines de l’élevage français, nous avons sollicité la mémoire et les notes de Pierrick Rouxel. Dirigeant le Haras de Maulepaire dans la Sarthe, où l’élevage Decazes est ancré depuis le début du XXe siècle, il revient sur les six mamans à l’origine du crack hexagonal, mais aussi sur la démarche de son éleveur.

Dunaden
A propos de l’élevage Decazes
«Remporter  des courses lui plaisait, élever des pur-sang était sa passion,  mais  gagner de l’argent avec ses chevaux n’a jamais été son moteur. Fils du  Duc Decazes, le Comte Edouard, en tant que propriétaire ou éleveur,  s’inscrivait dans une tradition que l’on pourrait qualifier de très XIXe  siècle. Qui dit tradition, dit fidélité. Fidélité aux hommes  (entraîneurs par exemple), fidélité à des croisements (les juments  Decazes ont été souvent saillies par des étalons du Haras du Mesnil).  Fidélité encore à une ligne de conduite. Le cas Dunaden est d’ailleurs  très représentatif de la conception Decazes de l’élevage. La lignée  maternelle de Dunaden, pour des raisons mercantiles ou autres, aurait pu  être brisée à plusieurs reprises, mais les Decazes ont toujours été  attachés à leurs juments. Paradoxalement, Dunaden, qui récompense leur  persévérance, est né en 2006, à un moment où son éleveur a connu de gros  soucis de santé qui l’ont contraint à restreindre son activité hippique  et quitter sa résidence de Chantilly. Aujourd’hui nonagénaire, il vit  désormais en Suisse et suit à distance les exploits du fils de La  Marlia. A distance mais avec intensité. Pour l’anecdote, lors de notre  plus récent échange téléphonique, le Comte Edouard s’est souvenu qu’il  avait été l’invité d’honneur de la Melbourne Cup 1976 et avait été saisi  par l’impact de cet événement en Australie. J’imagine ce qu’il a dû  ressentir lorsque Dunaden, « l’un des siens », a franchi la ligne  d’arrivée le 1er novembre dernier. »     

Pierric Rouxel
La lignée maternelle de Dunaden
| Jument | Année de Naissance | Père/Mère | 
| SI SAGE | 
             1963  | 
            Sicambre / Tête Sage | 
| BAYLEAF | 1976 | Roybet / Si Sage | 
| MAPLE SUGAR | 1984 | Northern Treat / Bayleaf | 
| SUGARBERRY | 1989 | Comrade In Arms / Maple Sugar | 
| LA ROTUNDA | 1993 | Romildo / Sugarberry | 
| LA MARLIA | 1997 | Kaldounevees / La Rotunda | 
Si Sage, la rampe de lancement
Née en 1963, cette fille de Sicambre est l’une pierres angulaires de l’élevage Decazes.  Lauréate du Prix Malleret édition 66, elle s’est aussi distinguée à  plusieurs reprises au niveau groupe, se classant notamment quatrième du  Prix Vermeille. Disparue en 1981, elle n’a mis au monde que deux  pouliches, Signare et Bayleaf.
Pierric Rouxel :
« Les  Decazes avaient voulu se faire plaisir en faisant l’acquisition d’un  produit de Sicambre. Ils ont donc acheté Tête Sage alors qu’elle était  pleine de celui-ci. Ils n’ont pas été déçus. Leur fille, Si Sage, était  une très belle jument, très gentille (avec un bien meilleur caractère  que son père). Redoutable compétitrice, elle s’est toutefois révélée  moins efficace au haras qu’en piste.  Elle n’était pas une très bonne  laitière. »  
 

Sicambre
Bayleaf, une girafe pas très commode
Issue des amours de Roybet et de Si Sage,  elle n’aura fait qu’un tour de piste, se montrant d’ailleurs fort  discrète à cette occasion. Beaucoup plus performante au haras, elle  mettra au monde une femelle (Maple Sugar), et trois mâles Wilton, le polyvalent North Bay et Baywood. Sans être des cracks, les deux derniers auront tout de même passé le poteau en tête à dix-sept reprises à eux deux.
Pierrick Rouxel :
« Nourrie  artificiellement, choyée, Bayleaf n’avait pas un caractère facile. Il  fallait lui dire « vous ». C’était une grande pouliche, le genre un peu  girafe. Elle n’a pas fait carrière, se montrant assez rétive en course.  Malgré cela, Monsieur et Madame Decazes ont souhaité la conserver pour  en faire une poulinière. Elle a d’ailleurs produit des mâles qui ont  fait une carrière très correcte. »     
 
Maple Sugar, racée et dominante
Comme sa mère, Maple Sugar n’aura  effectué qu’une seule sortie en compétition, fournissant d’ailleurs une  prestation discrète sur les haies de Clairefontaine. Comme elle,  celle-ci s’est surtout distinguée au haras où elle aura mis au monde six  rejetons. Parmi eux deux femelles (dont Sugarberry), mais aussi un certain Northern Spy qui a réussi une très jolie carrière en compétition (placé de groupe des deux côtés de l’Atlantique).
Pierric Rouxel :
« Maple  Sugar a un peu hérité du caractère fort et dominant de sa mère. Bien  croisée (elle est par Northern Treat, un étalon du Haras du Mesnil),  elle avait du cadre. Elle a effectué une courte carrière de course chez  Emmanuel Chevalier du Fau, un homme qui respecte les chevaux et que,  pour cette raison, les Decazes apprécient particulièrement.  Son  meilleur produit, Northern Spy, entraîné quant à lui par Dominique  Sepulchre, a été acheté pour faire carrière aux Etats-Unis après avoir  brillé en France. »
 
Sugarberry, super Nanny
A l’instar de sa mère et de sa grand-mère, Sugarberry n’aura pas fait d’exploit lors de ses deux seules sorties en compétition à 2 ans. Après avoir mis au monde La Rotunda à 4 ans, elle donnera naissance à une demi-douzaine de rejetons dont Kalberry qui a pris part au Prix Pénélope 2001 et qui n’est autre que la mère de l’excellent sauteur Berryville.
Pierric Rouxel :  
«  Comme Maple Sugar, elle est issue d’un étalon du Haras du Mesnil  (Comrade In Arms) et n’aura pas beaucoup couru. Elle ressemblait  davantage à un cheval de chasse qu’à un pur-sang. Enorme, avec des  aplombs très cagneux, cet amour de jument avait un instinct maternel  très développé et se comportait en nounou avec tous les poulains, y  compris ceux qui n’étaient pas ses descendants. Elle a mis au monde des  sujets d’un modèle assez imposant. Lorsqu’ils se sont retirés, Monsieur  et Madame Decazes ont tenu à conserver sa fille, Kalberry. »  
 

Berryville
La Rotunda, symbole de la philosophie Decazes  
 
A la différence de sa mère, La Rotunda ne mettra jamais les pieds sur un champ de courses. Très tôt poulinière, elle donnera d’abord  naissance à La Marlia avant  de mettre au monde quatre sujets qui ne feront pas beaucoup  d’étincelles en compétition (aucun d’entre eux ne goûtera aux joies du  succès).
Pierric Rouxel :
« La Rotunda n’a jamais couru pour  une raison toute simple. Au débourrage, elle a fait preuve de mauvais  vouloir et s’est d’ailleurs cassé l’épaule. Comme Si Sage, elle a eu  plus tard des problèmes de lactation. Avec elle, Monsieur et Madame  Decazes auraient pu rompre la chaîne qui ira de Si Sage jusqu’à Dunaden,  mais il n’a jamais été question pour eux de condamner une jument. Le  cas La Rotunda est l’une des illustrations de cette philosophie.»
 
La Marlia, la maman
Maman de Dunaden, cette fille de Kaldounevees n’a comme sa mère jamais débuté en compétition. A l’exception du crack de Mikel Delzangles, celle-ci a enfanté des sujets modestes à l’instar de Monbello (quatorze sorties publiques, aucune victoire, aucune place).
Pierric Rouxel   
«  Il ne faut pas se fier aux résultats par les premiers produits de La  Marlia, qui est à mon sens une jument amélioratrice. Certains d’entre  eux ont connu des problèmes de croissance, ce qui est le cas de Monbello  (victime de la maladie de Chien)  ou de Belluna. La Marlia avait un  modèle très correct. » Foal, Dunaden était lui assez petit, très actif,  facile. En le voyant, nous nous sommes dit que nous n’aurions pas avec  lui les problèmes rencontrés par ses aînés.»       
 
Kaldounevees 
 

		