Favori du Kentucky Derby, Forte nous ramène à la légendaire La Troienne

03/04/2023 - Grand Destin
Impressionnant lauréat du Florida Derby ce week-end, Forte est favori du Kentucky Derby dans un mois, et pourrait poursuivre une histoire familiale quasiment centenaire. Le champion est un descendant de La Troienne, une jument de l'élevage Boussac qui a marqué les courses modernes et est déjà l'ancêtre de 4 vainqueurs du "Run For The Roses"... parmi plus de 800 vainqueurs de stakes. C'est l'occasion de s'intéresser à la folle success-story de cette petite et vilaine jument devenue une légende. 

Le 6 mai prochain, c'est le Kentucky Derby, et le favori cette année est le digne descendant d'une souche légendaire...un peu d'histoire désormais !

 

Le 6 mai prochain, le temps s'arrêtera le temps d'une journée aux Etats-Unis, pour suivre l'une des courses les plus emblématiques au monde : le Kentucky Derby. Le "Run for The Roses", première étape de la Triple Couronne, est une institution, dont rêveent tous ceux qui ne l'ont jamais remportée. Par exemple, le crack jockey et futur retraité Lanfranco Dettori prie pour avoir une chance de la gagner cette année. Les conquérants japonais veulent aussi leur part du gâteau et prévoient d'envoyer des partants cette année comme Derma Sotogake, qui a récemment remporté l'UAE Derby à Meydan avec Christophe Lemaire. Bref, le Kentucky Derby, c'est un mythe. 

 

Forte lors de sa victoire dans le Florida Derby. Déjà champion à 2 ans, il est plus que jamais le favori du Run For The Roses

 

Ce week-end au Pays de l'Oncle Sam, c'était en quelque sorte le dernier tour de chauffe pour les nombreux prétendants au Graal. Du côté de Gulfstream Park sur la côte est, le Florida Derby (Gr.1) est toujours l'une des préparatoires les plus recherchées, et a été remporté par un champion en herbe, Forte. Lauréat de la Breeders' Cup Juvenile l'an passé à Keeneland, le pensionnaire de Todd Pletcher a fait quelque chose de peu commun en partant tout à l'extérieur, puis en venant crucifier ses adversaires dans les dernières foulées. Quasiment invincible, le poulain entretient le rêve de Kentucky Derby de son propriétaire Mike Repole (Repole Stable), qui court après son premier succès dans l'épreuve reine. Il y avait connu un cruel revers de destin en 2011, lorsque son champion et immense favori de l'épreuve Uncle Mo avait dû être déclaré non-partant le matin de la course à cause d'un problème de foie. 

 

La légendaire La Troienne, une poulinière qui a marqué et marque encore l'histoire des courses 

 

Forte est donc installé favori du Kentucky Derby, et met en lumière une énième fois l'influence d'une poulinière extraordinaire nommée La Troienne. Elle n'est que sa 10e mère certes, mais tout un symbole de l'élevage américain, et pourrait, si Forte s'impose dans le Run For The Roses, donner son 5 lauréat de Kentucky Derby en lignée maternelle directe après Sea Hero (1993), Go For Gin (1994), Smarty Jones (2004), et Super Saver (2010). Ce dernier était d'ailleurs entraîné, comme Forte, par Todd Pletcher. Sans parler du Kentucky Derby, cette La Troienne est une vraie légende, qui a crée une dynastie impressionnante. Sa descendance a sorti plus de 800 vainqueurs de stakes... uniquement en lignée maternelle ! On ne parle même pas de tous les champions produits par ses descendants étalons. En bref, la Troienne est présente dans la grande majorité des pedigrees modernes aux Etats Unis, voire à travers le monde. Et l'histoire de cette matrone débute en France. 

 

Père de La Troienne, Teddy fut un immense chef de race après avoir connu une carrière troublée par la 1ère Guerre Mondiale

 

La Troienne est en effet un élève de Marcel Boussac, qui déclarera plus tard que vendre cette jument fut sans doute la plus grosse erreur de sa vie d'éleveur. Elle est une fille de Teddy, un étalon marquant de l'histoire des courses, notamment via l'import de son fils Sir Galahad III aux Etats-Unis. Né peu avant la première Guerre Mondiale chez Edmond Blanc, Teddy avait été vendu en Espagne pour échapper au conflit. Il y a fait carrière, remportant également l'équivalent du Jockey-Club en 1916 à Moulins, le Prix des Trois Ans. A l'époque, Marcel Boussac achetait de nombreuses juments pour aller aux grands étalons français tel que Teddy, et ce fut le cas de Hélène de Troie, la mère de La Troienne, qui venait d'une famille classique anglaise. Curieusement, elle avait gagné en plat, mais aussi en steeple ! Son produit le plus connu pour ses exploits en course fut Adargatis, lauréate du Diane en 1934, et devenue la mère du champion Ardan (Jockey Club, Arc, Coronation Cup...). L'influence d' Adargatis est toutefois à des années lumières de celle de sa soeur La Troienne. 

 

Neveu de La Troienne, Ardan a dominé sa génération en France en gagnant le Jockey Club puis l'Arc

 

Estimée, La Troienne a couru pléthore de bonnes courses, sans toutefois jamais réussir à gagner quoi que ce soit. On l'a vue au départ de la Poule d'Essai, se placer de groupes en Angleterre, sans jamais réussir à convertir l'après-midi les promesses du matin. Marcel Boussac avait donc décidé de la vendre, ne souhaitant garder que des juments ayant performé et/ou produit. A la fin de l'année 1930, il la présenta à Newmarket pleine de Gainsborough, et elle fut achetée 1 250 Guinées par l'Américain Edward Bradley de Idle Hour Farm. Une somme qui peut paraître ridicule de nos jours, mais à l'époque, le prix moyen de la vacation était aux alentours de 400 Guinées. La Troienne avait donc attiré les convoitises de par sa réputation, et a traversé l'Atlantique pour commencer à y écrire sa légende. 

 

La Troienne dans son paddock aux Etats-Unis, n'a pas impressionné par son physique

 

La Troienne fut décrite à l'époque comme une "petite jument au physique simple". Ca commence fort. D'autant que son premier foal né aux Etats-Unis du croisement avec Gainsborough dut être euthanasié tout jeune à cause de gros problèmes de dos. La suite fut bien plus glorieuse. Son premier foal à courir, Black Helen, fut une véritable championne malgré la petite taille transmise par sa mère. Lauréate de plusieurs Grs.1, elle a notamment gagné face aux mâles le Florida Derby, comme Forte ! Meilleure 3 ans de l'année 1935, elle se retrouve dans la lignée de plusieurs champions comme Pleasant Tap, du steeple-chaser américain de légende Oedipus (dont elle est la grand-mère), mais aussi de Go For Gin, lauréat du Kentucky Derby en 1994. Une autre fille de La Troienne, Big Hurry a extrêmement bien tracé au haras. Elle se retrouve dans le pedigree du champion américain Easy Goer, des européens Caerlon et de la fameuse Allez France, mais aussi de Glowing Tribute, poulinière de l'année aux Etats-Unis en 1993, lorsque son fils Sea Hero remporta le Kentucky Derby. 

 

1er foal de La Troienne, Black Helen n'avait pas le physique d'une star mais un sacré moteur ! Elle a justement gagné comme Forte le Florida Derby

 

 

Quant à Forte, il est issue de la descendance de la Troienne via peut-être sa fille la plus célèbre, Baby League. Coursière modeste, elle s'est affirmée comme une excellente reproductrice, notamment via sa fille Busher, cheval de l'année aux Etats-Unis en 1945, et sa soeur, la placée de Gr.1 Striking, qui a perpétué cette excellente lignée. Sa fille Bases Full se retrouve dans le proche pedigree de Contrail, un phénomène au Japon il y a peu, d' Essential Quality, battu dans le Kentucky Derby mais lauréat ensuite des Belmont Stakes et Travers Stakes, ou encore du gagnant de Kentucky Derby Smarty Jones. Quant à une autre fille de Striking, Glamour, elle est l'aieule de la crack européenne Alcohol Free, et de Super Saver, gagnant du Run For The Roses en 2010, et donc dernier lauréat en date du Kentucky Derby pour la lignée maternelle de La Troienne. 

 

Entraîné comme Forte par Todd Pletcher, Super Saver est le dernier lauréat en date du Kentucky Derby descendant en ligne directe de La Troienne

 

 

On pourrait en parler pendant des heures de cette La Troienne ! Elle est aussi l'arrière grand-mère de Buckpasser, champion qui a remporté 25 de ses 31 courses et a profondément influencé l'élevage mondial. On le retrouve comme père de mères de Seeking The Gold, Woodman, ou encore Miswaki, père d'une autre poulinière de légende, à savoir Urban Sea. Buckpasser est aussi le grand-père maternel d'un certain Danehill. Les descendants de La Troienne ne sont donc pas uniquement influents aux Etats-Unis. Buckpasser d'ailleurs aurait pu ne jamais exister. A l'âge de 12 ans, La Troienne a pris peur d'une tempête et a percuté de plein fouet un arbre. Il a fallu les soins de toute une équipe pour qu'elle survive, tout en gardant des séquelles musculaires. Elle était alors pleine de Businesslike, future grand-mère de Buckpasser... Il faut bien sûr des coups de pouce du destin pour créer une légende. S'il venait à s'imposer dans le Kentucky Derby le 6 mai prochain, Forte aura en tout cas de qui tenir. 

 

Forte marche dans les traces d'un destin familial exceptionnel et international...rendez-vous le 6 mai pour le Kentucky Derby !

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