L'histoire de DNA Pedigree: Phalaris, la source de vitesse pure !

09/02/2020 - Chef de race
Pas envie de mettre le nez dehors ? Alors installez-vous confortablement au coin de la cheminée: Thierry Grandsir (DNA Pedigree) va vous raconter une histoire ! Celle de Phalaris, longtemps méprisé mais dont l'influx, la vitesse et la classe ont pourtant largement contribué à améliorer la race du Pur-Sang aujourd'hui. 
 
Phalaris (1913-1931), par Polymelus et Bromus (Sainfoin)
 
 
A l’aube du XXème siècle, Lord Derby septième du nom, s’interrogeait sur l’avenir de son élevage. Si les courses se disputaient initialement en plusieurs manches de 4 miles (= 6400 m), la distance considérée alors comme classique était bien plus courte. Un mile et demi (2400 m), soit un parcours nécessitant un subtil cocktail de tenue et de vitesse.
 

 
Avec l’assistance de son conseiller en pedigree Walter Alston, Lord Derby décida d’insuffler du speed dans sa jumenterie, et procéda dans ce sens à l’acquisition d’une jument nommée Bromus. Née en 1905 des œuvres du gagnant de Derby (Gr.1) Sainfoin et de la très bien née Cherry, une fille de St Simon de grande souche, Bromus n’avait gagné qu’une seule course en dix sorties mais il s’agissait de la Seaton Delaval Plate (futur Gr.3), disputée sur la courte distance de 1400 m à deux ans.
 
Bromus était certes la seule gagnante engendrée par sa mère mais son pedigree présentait un inbreeding très serré sur Springfield (en 2x3), le meilleur sprinter de son temps : dix-sept victoires en dix-neuf sorties dont les King’s Stand Stakes, la July Cup (deux fois), les Gimcrack Stakes, et même l’édition inaugurale des Champions Stakes sur la distance limite pour lui de 2000 m.
 
Après un premier croisement peu convaincant avec Andover, d’où la modeste pouliche Mille Fleurs, Bromus fut présentée en 1912 à l’étalon de Lord Derby Polymelus, un performer utile et endurant, titulaire de onze victoires dont les Champion St. (Gr.1). Pour l’anecdote, le squelette de Polymelus trône encore aujourd’hui à l’entrée d’un célèbre collège de Cambridge et, si vous êtes observateurs, vous constaterez que ce cheval était doté de 17 vertèbres dorsales (au lieu de 18) et de 6 lombaires (au lieu de 5), d’où son nom (Polymelus = poly-lombaires). Ce qui ne l’empêcha nullement de faire carrière en courses comme au haras (cinq fois tête de liste des pères de gagnants en GB) !
 
 
 
Polymelus, le père de Phalaris...
 
 
Quoi qu’il en soit, Bromus délivra le 16 mai de l’an de grâce 1913 un poulain bai par Polymelus, panard des deux antérieurs et de grande taille qui, à vrai dire, n’attirait guère l’attention. Pour preuve, il disputa ses deux premières courses à l’âge de deux ans sans même avoir été nommé !
 
Battu pour ses débuts avant de remporter ses deux sorties suivantes, le poulain désormais baptisé Phalaris fut mis au repos durant l’hiver par son entraîneur George Lambton, à Newmarket, en vue d’une campagne classique à 3 ans. Mais celle-ci tourna court après sa défaite dans les Craven St. (Gr.3 - troisième), et le cheval fut orienté sur les handicaps. Il en remporta d’ailleurs trois d’affilée, avec aisance, avant une reconversion sur le sprint qui lui permit de s’adjuger sept de ses neuf sorties à quatre ans plus quelques autres l’année suivante sous de lourdes charges (jusqu’à 147 livres !), témoignant ainsi d’une solidité à toute épreuve.
 
Phalaris eut en fait la malchance de côtoyer le Champion sprinter Diadem, son compagnon d’écurie, beaucoup plus estimé que lui par Lord Derby. Ce dernier décida même de vendre Phalaris pour sa carrière d’étalon, mais aucune offre ne fut émise par qui que ce soit. Il ira donc à Cheveley Park Stud, et sera proposé au tarif de 200 Guinées la saillie.
 
Ce mépris dont Phalaris fit l’objet n’est pas sans rappeler le sort qui frappa son propre grand-père paternel Cyllene. Gagnant de l’Ascot Gold Cup (Gr.1), Cyllene avait été exporté en Argentine en 1908 avant qu’il ne s’octroie le titre de tête de liste des pères de gagnants en GB en 1909 et en 1910. Consciente de son erreur, la couronne d’Angleterre envoya tout simplement un chèque en blanc à son propriétaire argentin Mr. Chevallier pour récupérer l’étalon, chèque aussitôt renvoyé à l’expéditeur avec la mention : « Désolé, Cyllene n’a pas de prix ! ». Et il resta en Argentine…
 
Avec 16 foals conçus en première saison et de bons résultats aux ventes, Phalaris semblait plaire aux éleveurs. Lord Derby le rapatria alors dans son haras Side Hill Stud, et augmenta son tarif de 50% avant que ses premiers produits ne foulent une piste. Bonne intuition, car Phalaris se classera tête de liste des pères de 2 ans de 1925 à 1927 inclus, tête de liste des pères de gagnants en GB en 1925 et en 1928, et trois fois tête de liste des pères de mères !!!
 
Par chance, la jumenterie de Lord Derby était composée de nombreuses juments par Chaucer, un étalon par St Simon qui avait réalisé une bonne carrière de course malgré une ophtalmie périodique. Et le croisement entre Phalaris et les filles de Chaucer devint l’un des nicks les plus célèbres de l’Histoire de l’élevage anglais, avec pour principales illustrations Caerleon, Colorado, Fair Isle, Fairway, Pharamond II, Pharos et Warden of the Marches, tous vainqueurs au plus haut niveau !
 
Transmettant classe et influx, parfois aussi ses genoux un peu effacés, Phalaris a produit des chevaux toujours honnêtes et qualiteux et des femelles généralement inférieures aux mâles. Ces derniers constituèrent le socle d’une lignée mâle ayant conduit à Northern Dancer, Mr Prospector, Nasrullah, Hail to Reason, Buckpasser et tant d’autres…
 
La dynastie Phalaris se singularise par la transmission, génération après génération, d’un influx exceptionnel, même si parfois conjugué avec une certaine nervosité. Il est, aujourd’hui, impossible de trouver un pedigree ne possédant pas plusieurs dizaines de fois le nom de Phalaris !!!
 
En apportant de la vitesse dans son élevage, sans le savoir et sans trop y croire, le 7e Lord Derby a considérablement et définitivement amélioré la race du Pur-Sang !
 
 
 
Phalaris

Voir aussi...