Roman en série de Guillaume Macaire : chapitres 26 et 27

23/07/2021 - Actualités
 Les affaires tournent mal pour les acteurs du dernier roman du crack entraineur Guillaume Macaire. Tandis que le mauvais Red Fernand disparait au propre comme au figuré, notre jeune jockey vedette Juan Bautista se retrouve dans un situation finalement parallèle. Certes bien vivant, il tombe dans les griffes de sa compagne, charmante mais jalouse, qui prépare une terrible vengeance.

 


Résumé du 1er roman
 : l'un des top jockeys de plat en France, Jean-Barnabé Ermeline se préparait à disputer avec une 1ère chance le Prix de l'Arc de Triomphe en selle sur son champion Enigmatique. Mais à la suite d'aventures rocambolesques, il se retrouve à l'hôpital avec une balle dans la cuisse. Télécharger " A Cheval, à pied ou en voiture. "


 
 

 

 

CHAPITRE 26 : VENGEANCES !

 
 Javier Torres Meca ne fut pas vraiment surpris de ne pas voir Red Fernand à son poste le lundi suivant, ni le jour d'après. Il s'attendait à recevoir une prolongation en bonne et due forme de son arrêt de travail. Mais il n'en fut rien. Et, au bout d'une semaine d'absence à Chantilly, personne ne savait où il était, pas même sa femme, et le nécessaire fut fait auprès de la maréchaussée pour lancer des recherches.
 
Après un coup de fil, sa femme l'avait vu  précipitamment se saisir des clés de voiture et quitter les lieux à vitesse grand V. Pourtant, sa voiture était restée devant chez lui…
 
A Amiens, La Biche  avait gambadé... Les fameux « amis » de Fernand étaient sur place et avaient interviewé Jean Barnabé de façon un peu trop précise pour que celui-ci ne fasse pas le rapprochement. À la figure qu’ils faisaient après la course et à la célérité avec laquelle ils s'étaient empressés de quitter les lieux, il n'était pas difficile de comprendre le poids de leur désillusion et, par conséquent, la hauteur de leur courroux.
 
Les jeux anormalement cumulés sur la pouliche arrivée seconde avaient alerté la police des jeux. Dans une petite réunion amiénoise, les sommes engagées semblaient disproportionnées et la côte de la pouliche particulièrement basse. Pourtant, « ils » avaient joué en majorité chez un bookmaker belge. Mais ce dernier s’était sans doute « couvert » au PMU français…
Sans éléments vérifiables, l'enquête tourna court. Ce qui fut par contre, rapide, efficace et punitif, c'est le détour qu'ils firent par Chantilly pour regagner Paris…
 
« On veut te voir Fernand. On rentre d’Amiens et on voudrait causer » avait-il entendu résonner à son oreille via son portable avant de prendre les jambes à son cou, espérant qu'ils fussent encore loin de la cité des Condés. Hélas pour lui, ils étaient déjà devant chez lui, prêts à le cueillir ! Red Fernand n'était sûrement pas le seul à les « tuber » et ils entendaient bien faire savoir à leurs autres « partenaires » qu'on ne jouait pas impunément avec leurs sous sans en payer le tribut.
 
Lourd tribut pour Fernand qui ne réapparut jamais...
 
Où avait-il fini? Dans un cercueil en béton sur un chantier ? Dans un bidon d'acide? Ou mangé par des cochons ? Nul ne le sût jamais...
 
Cette histoire fit grand bruit le lendemain et une certaine psychose s'empara de la confrérie des garçons de voyage et des responsables d'écurie. Les rumeurs allaient bon train en cette fin d'automne…
 
Juan Bautista récupérera plutôt vite et les médecins qui le suivaient n'en revenaient pas.
 
« Les jockeys sont de vrais athlètes et les coups, physiques ou mentaux, on a appris à s’en jouer, un peu comme les toreros dans mon pays d'origine » racontait-il non sans fierté au corps médical qui l'entourait. Tant et si bien que sa sortie fut assez rapide. Il n’était resté qu'une grosse quinzaine dans leurs mains. Son père et Bérengère étaient venus le voir souvent ensemble. Tour à tour, ils lui avaient proposé de l'accueillir dans leur « home » respectif et, comme il ne se voyait pas terminer sa convalescence dans la soupente de l'écurie, il n'avait pas d'autre choix.
 
Bérengère n’eut pas de mal à emporter la mise et elle lui promit d’être aux petits soins pendant tout son séjour. La polonaise était loin, prise dans les glaces, et elle décida de l'oublier. Après tout, elle avait son Juan Bautista pour elle toute seule 24 heures sur 24 et elle pouvait lui prodiguer tous les types de soins qu'elle voulait !
 
Toutefois, elle avait prévu quelques sécurités pour que rien ni personne ne vienne détruire cet artificiel et momentané cocon qu'elle avait imaginé. Elle avait pendant son sommeil subtilisé le portable de Juan Bautista et l’avait programmé afin de transférer les appels vers le sien. Ainsi, tout était sous contrôle. Quand les amis de Juan Bautista appelaient, elle trouvait une raison pour expliquer pourquoi c'était elle qui répondait. Si d'aventure l'appel venait de l'étranger, le rouge devenait sa couleur préférée. Le danger était qu'il l'appelle, lui ! Quand elle était dans la maison, elle était constamment aux aguets et, à moins qu'il ne s'enferme dans les toilettes ou la salle de bain, ce qu'elle contrôlait de toute façon, le risque était limité.
 
Le risque était beaucoup plus grand quand elle quittait la maison, ce qu'elle était bien obligée de faire à l'occasion. Inutile de préciser que son caddie était rempli pour tenir un siège quand elle s'aventurait dans quelques grandes surfaces. À chaque fois qu'elle prévoyait un abandon de poste, le petit déjeuner de son convalescent était additionné d'une dose médicamenteuse suffisante pour le renvoyer dans les bras de Morphée le temps de son absence.
 
Juan Bautista reprenait quand même jour après jour du poil de la bête et la station allongée convenait de moins en moins à son état, mental surtout. D'infirmière attentionnée, Bérengère se transformait en duègne inquisitrice et soupçonneuse, ce qui lui déplaisait hautement. Dès qu'il commença à sortir pour faire trois pas, elle le suivit comme un petit chien !
 
Pourtant elle obtempéra quand, sur son ordre, elle rapatria sa voiture pour « qu'il ne se sente pas prisonnier, » lui avait-il dit, mais en vérité, il comptait bien fausser compagnie à sa garde-malade à la première occasion pour une après-midi sans surveillance d'autant que son forfait de téléphone avait expiré.
 
À part appeler son père ou un copain trois minutes depuis le téléphone de Bérengère, il n'avait aucune autre option. Et pour cause, lors d’un sommeil nocturne boosté par une soupe de légumes « enchantée » servie au diner , elle avait vidé son forfait en appelant un kiosque téléphonique des nuits durant.
 
Il commença à suspecter les effets soporifiques de son café, et un matin il ne le but pas. Il l'expédia dans l'évier à la faveur d'une seconde d'inattention de Bérengère et se fit lui-même un thé auquel aucune autre addition ne fut possible.
«  Tu bois du thé maintenant ? » questionna-t-elle.
« J’ai un peu soif, s'expliqua-t-il, et le café ne désaltère pas trop et puis pourquoi serais-tu la seule à boire du thé dans cette maison ? »
 
« Tu sais bien, les filles ça boit du thé » lui répondit-elle avec un sourire charmeur.
 
 Sa vivacité s’en trouva décuplée et il décida d'aller prendre l'air sans l'avis de Bérengère pour une fois, d'autant qu'elle devait aller à Creil conduire une amie pour le train de Paris et qu'elle ne pouvait pas reporter, le train n'attendrait pas !
Il s'installa dans sa voiture et s'apprêtait à démarrer mais la faiblesse de la batterie ne le lui permet pas. Il mit cela sur le compte du froid qui s'était invité en cette mi-décembre sans soupçonner que Bérengère avait laissé les phares suffisamment longtemps allumés pour que tout départ de la ferme lui soit impossible. On était dimanche et un dépannage rapide était inenvisageable. Il ne pouvait qu’attendre le retour de Bérengère.
 
Ce qu'il fit stoïquement tout d'abord … Mais son cerveau l'alerta quand même sur  cet étrange isolement dont il était victime depuis son retour à la maison: pratiquement pas d'appels, aucune visite, à part son père une fois,mais elle avait fait le planton, épiant chaque mot, chaque geste. L’entrevue avait tourné court à cause du malaise que cela avait créé entre eux deux.
 
JB réalisa qu'il était quasiment séquestré... Elle voulait le garder pour elle seule avec une détermination sans faille. « Les femmes s'inscrivent dans la durée, les hommes dans l'action » se remémorait-il une fois de plus !
 
Elle revint de son aller et retour creillois. Elle semblait gaie et enjouée. Juan Bautista joua son jeu et accepta d'attendre le lundi pour régler le problème de la batterie. Avait-il vraiment le choix à part cette échappatoire momentanée ?
Alors qu'il avait à sa botte l'Europe entière, Napoléon disait au sujet des femmes : « Avec les femmes, la seule victoire c'est la fuite. »
 
Pouvait-il en être autrement pour lui ?
 
Seulement cette fuite, alors qu’il était assis sur le canapé du salon, n'était pas si simple. Il concentra toutes ses cellules grises pour établir un plan à mettre en œuvre dès le lendemain. Le téléphone de Bérengère sonna. Un coup d’œil jeté vers l'écran et, instantanément, elle changea de faciès, presque comme on passe du jour à la nuit. Ce détail, ou plutôt cette énormité si lisible, interpella Juan Bautista. Elle ne répondait pas.
 
« Tu ne réponds pas ? C'est qui ? » s’enquit-il d'un ton badin.
 
Elle aurait voulu lui cracher à la gueule « c'est ta salope de polonaise » mais elle s'en garda, laissant sa jalousie construire pierre après pierre une vengeance qui devenait un bastion inexpugnable. Le téléphone resonna presque aussitôt.
 
« Réponds ! Qui est-ce qui insiste comme ça ? » questionna-t-il alors qu'elle voyait encore l'indicatif de la Pologne s'afficher.
« C'est ma copine que j'ai conduite à Creil » balbutia-t-elle à.
À présent, la rage était en elle. Elle détourna le regard et quitta la pièce en disant :
« Je n'ai pas envie d'être dérangée en permanence quand je suis avec toi, mon amour. »
 
Le couloir donna de l'écho à la fin de sa phrase... Juan Bautista n'en crut pas un mot mais,ignorant tout de la manipulation sur son téléphone, il ne pouvait pas comprendre. Elle ne dominait plus cette jalousie qui l’étouffait mais elle attendit  quelques secondes pour que la contrariété ne se lise pas trop sur son visage. Elle revint dans le salon. Juan Bautista était toujours assis sur le canapé, son portable posé devant lui sur la table basse. Il semblait résigné et dépité. Elle tenta de le réconforter. Elle proposa :
 
« Ecoute, on va aller déjeuner dans une auberge chaleureuse que tu ne connais pas à dix kilomètres d'ici. Je t'emmène, je suis sûre que tu vas aimer. Mais avant cela, on va boire une coupe de champagne à ta remise sur pieds. Je vais à la cave chercher une bouteille, veux-tu prendre des flûtes dans le vaisselier du couloir ? »
Alors qu'il fouillait dans le meuble pour trouver ce qu'il cherchait, elle l'appela du fond de la cave.
« Viens m'aider, je suis trop petite ! »
 
Il poussa la porte entrebâillée qui s'ouvrait vers la cave. Son entrée et sa sortie étaient très incommodes. Il descendit l'escalier très raide et la vit, sur la pointe des pieds, tenter d'atteindre des casiers à bouteilles en hauteur.
« Regarde », lui dit-il, « il y en a plus bas, il suffit de pousser cet égouttoir. »
« Je sais, mais il est si lourd que je n'ai pas réussi » se justifia-t-elle.
« Laisse-moi faire » dit-il spontanément.
 
Elle s'écarta, fit quelques pas en arrière pendant qu'il s’affairait, gagna l’escalier, le gravit silencieusement et Juan Bautista ne comprit pas encore qu'il était enfermé même lorsqu’il entendit un bruit derrière lui, celui d'une clé qui tournait dans la serrure.
D'enfermé à prisonnier, la nuance ne lui apparut pas tout de suite.
Les différences lui apparurent violemment ensuite.
 
Au début, il avait eu la candeur de croire à un jeu, à une farce ! Il monta l'escalier et tenta d'ouvrir la porte. Il commençait à entrevoir quel était son sort. Vouloir ouvrir cette porte épaisse lui semblait aussi impossible que d'attaquer la chambre forte d'une banque ! « Réflexion et méthode » se dit-il. Même en se torturant l'esprit, il ne trouvait pas le moindre plan lui laissant espérer de sortir de ce guêpier. Une inspection détaillée des lieux ne révéla pas le moindre outil ou objet permettant de s'attaquer à cette maudite porte.
 
« Avait-elle préparé son coup ? » se demanda-t-il…Il l'appela, tambourina à la porte mais n’obtint pas la moindre réponse… Il chercha quelque chose pour s'asseoir. Rien, désespérément rien, à part les marches de l'escalier. Elles étaient très courtes et on pouvait à peine s’y assoir, même lui qui n'avait pourtant pas le cul large! Subitement, il eut envie de pleurer. Il entendit un bruit, un feulement derrière lui en haut des marches. Lentement, sous la porte on inséra une feuille de papier. Il l'appela, la sachant derrière. Aucune réponse à ses suppliques, pas plus qu'à ses cris ou à ses pleurs. Il saisit la feuille de papier et se mit à la lire. Elle commençait ainsi :«Je ne veux plus te parler et encore moins t'entendre. J'ai décidé de ne m'exprimer que par écrit. »
 
Il tenta à nouveau de l'amener au dialogue. Aucune réponse, aucune ! La lumière s'éteignit et il se retrouva dans le noir absolu, si ce n'était la minuscule raie de lumière sous la porte lui indiquant la direction d'une sortie qui n'existait pas. Il réalisa que l'interrupteur devait être à l'extérieur de la cave et qu'il n'avait aucun moyen pour l’actionner. Il pensait à la détresse des aveugles. Il commençait à avoir froid et aucun moyen d'entrer en contact avec l'extérieur.
 
Si seulement il n'avait pas laissé son téléphone en haut ! Pourquoi l'avait-il sorti de sa poche ? se lamentait-il. Assez vite, il perdit la notion du temps, sa montre n'était pas assez fluorescente pour qu'il puisse y déchiffrer l'heure, même au ras de la porte. Il tenta de trouver avec l'aide du mur au bas de l'escalier la position la moins inconfortable possible. La lumière se ralluma et une autre feuille de papier glissa sous la porte. Cette fois-ci, elle avait noirci du papier. Des raisonnements, des explications, de la haine, il y en avait à revendre dans cette missive. Le pire à lire était la dernière phrase :
« Jamais je ne te pardonnerai ce que tu m'as fait subir, jamais ! »
Les femmes s'inscrivent dans la durée…
 
 
CHAPITRE 27 : A LA CAVE
 
Bérengère commençait à regretter d'avoir emprisonné son Juan Bautista et réalisait à présent qu'une petite leçon de quelques heures d'obscurité en cave eut été grandement suffisante pour le ramener à elle. Elle ne se rendait même pas compte qu'elle avait déjà dépassé les bornes en oubliant le précepte que son père lui avait pourtant souvent répété: « Il faut savoir jusqu’où on peut aller, sans aller trop loin ! »
 
Mais quand le téléphone sonna à nouveau, sa rage décupla. À peine avait-elle supprimé le transfert d'appel depuis le téléphone de Juan Bautista que celui-ci sonna à nouveau. Ana ! En se retenant pour ne pas envoyer le téléphone dans le mur, elle appuya sur le bouton et resta silencieuse, l'oreille collée à l'appareil.
 
« Allô mon chéri tu m'entends ? Juan, tu m'entends ? C'est moi ! »
 
Elle posa le téléphone sur la table sans raccrocher. Elle entendait au loin, nasillarde et vibrante, la voix de cette blonde qu'elle détestait plus que tout au monde. Puis l'écran changea de couleur, « appel terminé » put-elle lire.
 
« Pour toi aussi c'est terminé mon petit gars »susurra-t-elle entre ses dents.
 
 À partir de là, rien ne pourrait influencer sa décision. Il ne reverrait jamais cette femme, jamais ! Sa vengeance implacable était en marche. Elle avait pourtant le sentiment de s'engager dans une voie sans issue mais elle était conduite par une force intérieure qu'elle ne contrôlait plus. Sa réflexion l'avait amené à prendre des décisions rapides et à en opérer la mise en œuvre non moins rapidement.
 
Ce qu'elle n'avait pas dit à Juan, c'est qu'avec des pinces à batterie, en pontant les deux voitures entre elles,  les démarrer était un jeu pour elle. Elle était plutôt douée en mécanique, encore un legs de son père homme de terrain, et s'était bien gardée de dire au jeune jockey qu'il y avait une paire de pinces dans l'armoire de la buanderie.
 
Aussitôt dit, aussitôt fait, et la voiture de Juan Bautista ronronnait dans la cour, juste le temps nécessaire à la recharge de la batterie qu'elle avait sciemment mise à plat quelques heures auparavant pour être sûre de garder son trésor à la maison. Mais elle était maintenant passée à l'étape supérieure. Elle coupa le contact, puis redémarra. Elle répéta l'opération plusieurs fois pour être sûre que la charge soit effective.
 
Son plan machiavélique se dessinait.
 
Elle traversa la cour, se rendit dans la buanderie d'où elle sortit un petit vélo pliant en son milieu. Elle fit quelques mètres dans la cour pour être sûre qu'il fonctionnait bien puis, elle le plia avec facilité et l'introduisit dans le coffre de la voiture de Juan Bautista. Le jour baissait rapidement, le ciel gris et bas accentuait le phénomène.
 
Elle s'installa au volant et mit le téléphone de Juan Bautista dans la boîte à gants. Elle atteignit le premier petit village où il n'y avait pas âme qui vive, le froid piquant et la pénombre n'incitant guère à déambuler dans les rues. Elle connaissait bien les lieux qu'elle avait souvent explorés à bicyclette justement, durant ses jeunes années, du temps où ses parents étaient encore de ce monde. À la sortie du hameau, elle cacha le vélo derrière un muret de manière à ce qu’il soit invisible de quiconque passerait par là.
 
Puis, elle remonta en voiture pour aller à la gare d'Orry la Ville. Il faisait nuit maintenant. Elle avait regardé les horaires de train attentivement pour que son plan fonctionne sans anicroches. Elle gara exprès la voiture sur une place réservée à la SNCF devant la gare. Elle prit les clés et n’eut pas le temps de fermer la voiture en entendant entrer en gare le train qu'elle voulait prendre pour regagner Chantilly. Au pas de course, elle prit place dans la voiture de queue.
 
Le trajet entre Orry la Ville et Chantilly était court mais il lui laissait le temps d'opérer un complet changement de look. Elle s'enferma dans les toilettes avec le sac à dos qu'elle avait emmené avec elle. Elle en sortit une perruque rousse frisée et un blouson orange fluo qui faisait mal aux yeux. Elle s’affubla de l'ensemble. Ainsi, elle était sûre qu’en prenant un taxi en gare de Chantilly, tout rapprochement avec elle serait impossible si d'aventure, l'étau se resserrait sur elle un jour.
 
Elle se fit conduire dans le village où elle avait laissé le vélo. Le taxi reparti, elle enfila sur son blouson orange un autre blouson extrait du sac à dos, sombre celui-là, remit la perruque dans le sac qu'elle ajusta sur ses épaules et enfourcha la bicyclette pliante. D'un coup de pédale décidé à travers les chemins vicinaux, il ne lui fallut pas parcourir plus de dix kilomètres pour regagner la cour de la ferme.
 
Le vélo réintégra la buanderie et la première chose qu'elle fit en rentrant chez elle fut d'allumer un feu de bois pour réchauffer l'atmosphère, se réchauffer elle, et faire disparaître dans la flamme la perruque et le blouson.
 
Face au foyer, en buvant un thé bien chaud, elle s'inquiétait de cette situation qu’elle sentait irrémédiablement en train de lui échapper. Il était bientôt vingt heures. Elle décida d'appeler le téléphone de Juan Bautista. Elle l’appela deux fois de suite. La première fois, sans laisser de message sur la boîte vocale. La seconde fois, elle fut explicite« JB, je cherche à te joindre et tu ne réponds pas. S'il te plaît, rappelle-moi rapidement. En plus, tu as oublié tes clés et tes gants (gants qu'elle avait subtilisé dans sa voiture) à la maison ce matin. Bisous bisous ! »
 
Pour faire encore plus vrai, elle envoya la même chose par SMS en utilisant le plus de pictogrammes possibles.
À Chantilly, l'absence de Juan Bautista n'inquiéta personne puisque depuis son hospitalisation, tous s’étaient habitués à ne plus le voir dans les endroits qu'il fréquentait ordinairement. Son père lui, occupé entre des allers et retours en Normandie pour récupérer des yearlings en provenance des haras ou des établissements de pré entraînement, commençait à s’en inquiéter un peu plus. Il avait depuis dimanche tenté plusieurs appels sans succès, avait laissé des messages vocaux, des texto et commençait à désespérer.
 
Il appela Bérengère pensant qu'elle saurait où il était, à moins qu'elle ne fût avec lui. « C'est bizarre, s'inquiéta-t-elle. D'ailleurs, il a laissé ses clés ici quand il est parti dimanche. Je ne l'ai pas vu partir d'ailleurs, j'étais allée conduire quelqu'un à la gare de Creil. Le premier qui a des nouvelles les donne à l'autre » conclut-elle avant de raccrocher.

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