Roman en série de Guillaume Macaire : chapitres 28 et 29

01/08/2021 - Actualités
 Au fond du trou... au propre comme au figuré. Guillaume Macaire a fait envoyer son héros Juan Bautista dans la cave de son inquiétante compagne Bérengère, rendue complètement folle par la jalousie. Le jeune jockey ne perd pas espoir de survivre tandis que la gendarmerie démarre son enquête.

 

 

Résumé du 1er roman : l'un des top jockeys de plat en France, Jean-Barnabé Ermeline se préparait à disputer avec une 1ère chance le Prix de l'Arc de Triomphe en selle sur son champion Enigmatique. Mais à la suite d'aventures rocambolesques, il se retrouve à l'hôpital avec une balle dans la cuisse. Télécharger " A Cheval, à pied ou en voiture. "


 
 

 

Chapitre 28 : RECLUSION
 
 
Au fond de son trou noir, Juan Bautista passait des heures horribles ne faisant même plus la différence entre le jour et la nuit. Le seul « jour » que sa geôlière lui accordait était les quelques minutes de lumière artificielle quand la factrice passait afin qu'il puisse prendre connaissance de la teneur de ses écrits. Il voulait continuer à croire que sa réclusion allait prendre fin, qu'elle allait réaliser que sa mise au mitard avait assez duré, qu'il avait maintenant payé sa dette envers elle et, que de toute façon, son absence allait bientôt devenir suspecte et inquiétante. Bref que sa délivrance n'était qu'une question d'heures. Les dernières nouvelles d’en haut n'avaient rien d'innovant. Elle se bornait à répéter qu'elle ne lui pardonnerait jamais, qu'elle allait lui faire payer son comportement au prix fort. Toujours cette même litanie qui lui démontrait, s'il en était besoin une fois encore, qu'une femme s'inscrit dans la durée.
 
Il ne faisait guère plus d'une dizaine de degrés dans la cave et Bérengère finit par s'inquiéter de la bonne santé de son pensionnaire. Même s'il avait l'habitude de se serrer la ceinture quand il avait des 52 kgs à monter, il commençait à avoir l'estomac dans les talons. Il avait trouvé à tâtons un stock de bouteilles et avait dessertit le muselet d'une bouteille qu’il croyait de vin de Champagne avant de se rendre compte que c'était de la pomme et non du raisin. Ce cidre était d'ailleurs excellent et il regrettait vivement de ne pas avoir un verre pour le déguster dans les règles de l'art. Il avait pratiquement vidé le flacon et, légèrement gris, la contrainte lui parut  moins pénible. Il était surtout certain que le breuvage normand était exempt de toute drogue visant à l'endormir, ou pire à l'anéantir. Elle avait confectionné un sandwich emballé dans du papier et lui avait lancé du haut de l’escalier. Juan Bautista se montra très suspicieux à l’égard dudit sandwich. Il le renifla longuement puis mangea le jambon et le fromage, substances plus difficiles à infecter que le pain qu'il préférait ne pas goûter.
 
Suite à une demande insistante et implorante de son souffre-douleur, elle accéda à ses supplications, et d'une ouverture de porte rapide lui jeta un blouson de chasse qui avait appartenu à son père. Il lui fut un véritable allié pour se protéger de l'humidité de cette cave et pour adoucir les aspérités de la terre battue quand il tentait la station allongée.
 
C'est en se retournant sur le ventre pour chercher une position moins inconfortable qu'il sentit quelque chose de dur dans la poche intérieure du blouson. Un Opinel- un vrai couteau - avait échappé à la vigilance de sa geôlière. Un petit bonheur traversa son corps et son esprit. Enfin un espoir pour faire de l’heure prochaine un but ! Le couteau était puissant et solide, encore bien affûté et pointu. Bien utilisé, il pouvait lui permettre de s'attaquer à la porte qui le maintenait dans ce réduit. C'était un travail de fourmi qui l'attendait. Mais qu'avait-il d'autre à faire ?
 
De la pointe du couteau, il commença méthodiquement à s'attaquer à la porte dans le coin gauche. Près de la serrure, avec ses doigts, il contrôla avec plaisir qu'après quelques minutes ses efforts n'avaient pas été vains. Le bruit qu'il faisait était probablement audible de l'autre côté de la porte, d'autant que sous l'effet du couteau, celle-ci jouait dans ses gonds produisant un bruit caractéristique. Avec un petit coin en bois, trouvé au hasard de ses reptations dans l'obscurité, il réussit à la caler et à réduire le niveau sonore en introduisant le morceau de bois triangulaire sous l'espace du bas de la porte. À partir de maintenant« pratique et besogne » allaient être les maîtresmots des heures qui s'annonçaient.
 
Une fois son désir épidermique de vengeance punitive assouvi , la jeune femme avait commencé à retrouver une sorte de paix intérieure qui lui donnait la lucidité suffisante pour quelques questions qu'elle ne s'était pas posées, obstinée, aveuglée par cette jalousie qu'elle n'avait pas pu refréner.
 
Maintenant, pour elle, les complications allaient arriver.
 
Elle n'allait pas pouvoir garder indéfiniment son jockey dans sa cave. Si elle le relâchait tôt ou tard, mais davantage dans le deuxième cas, il y avait peu de chances pour que tout redevienne comme avant… Et il risquait de ne pas s'en tenir à une simple rodomontade à son égard. Son cas relèverait alors de la plus haute Cour de justice. Elle était donc prise à son propre piège dorénavant. Impossible d'échapper à la sentence des hommes... A moins de...
 
Il lui fallait maintenant envisager une suite funeste pour son prisonnier... Il allait falloir qu'elle engage un long combat contre elle-même avant de signer un contrat avec le diable pour envoyer l'habitant de sa cave ad patres.
 
C'est extrêmement contrarié que deux jours plus tard Jean-Barnabé ressortit de la gendarmerie de Chantilly où il avait été entendu dans le cadre des enquêtes dans l'intérêt des familles. Quand il avait du répondre à la question « quel est votre lien de parenté avec la personne disparue ? » il avait failli dire « son père ». Mais, rapidement, il avait du envisager autre chose, car sur le papier il ne pouvait pas le prouver. Cette première complication suivie d'autres lui firent vite imaginer que « son » fils avait peut-être fait une fugue.
 
« La preuve, on a retrouvé sa voiture à la gare de Orry la Ville. »
« Mais il a laissé son portable dedans. Pourquoi ? »
« Il l'a oublié…»
 
Bref, il comprit que lui seul n'avait aucune chance de les convaincre des’engager dans de nouvelles investigations. Il s'en n'ouvrit à son patron qui avait le bras bien plus long et comptait dans ses relations le préfet de l'Oise. Par son entremise, les choses avaient toutes les chances de s'accélérer.
 
Comme il se trouvait en vacances à l’occasion de cette semaine avant Noël, Jean-Barnabé put mettre à profit le temps qu'il avait pour enquêter de son côté et reprendre la piste là où Juan Bautista avait été vu pour la dernière fois, c'est-à-dire à la ferme de Rosières, chez Bérengère.
 
Il lui téléphona et lui dit son désir de passer la voir pour parler de la disparition de Juan Bautista. Prise de court, car elle ne voulait surtout pas qu'il vienne sur place, elle lui dit qu'elle était sur Senlis et qu'il pouvait l’y rejoindre. Elle se laissait du temps pour venir depuis chez elle, dix minutes au plus, évitant ainsi des problèmes et des mensonges supplémentaires, ce qui pourrait se révéler utile plus tard. L’air affecté, elle répéta ce qu'elle avait déjà dit. Mais Jean Barnabé décela chez elle « un je ne sais quoi » qui lui parut ne pas coller avec son personnage habituel. Il décida d'aller lui tirer les vers du nez plus tard lors d'une visite inopinée à sa ferme.
 
Chapitre 29 : INTERROGATOIRE
 
La voiture de Juan Bautista  garée à dessein par Bérengère sur une place réservée au personnel de la SNCF avait été découverte dès les premières heures de l’enquête et Jean-Barnabé comprit dès lors que tout cela n'était pas normal du tout. La découverte du téléphone dans la boîte à gants ne fit qu'aggraver sa grande inquiétude. L'histoire commençait à se répandre dans le petit monde cantilien et la rumeur se chargeait de déformer et de transformer les supputations en certitudes pour certains.
 
À partir de ce moment-là, la gendarmerie prit l'affaire en main nettement plus sérieusement. Mais très vite, en l’absence d’indices irréfutables, les choses stagnèrent et il était beaucoup plus simple de croire à une escapade de la part de Juan Bautista qu’à une autre histoire. L'étude de son téléphone mit évidemment à jour les relations avec la Pologne… Il fut alors facile de penser à une fugue amoureuse en guise de convalescence. Pourtant, les appels et les texto sans réponse d'Ana prouvaient plutôt le contraire aux enquêteurs...
 
« A moins que cela ne soit fait dans le but d’égarer l'enquête ? » avait suggéré Bérengère aux gendarmes lors de l'interrogatoire en règle qu'elle avait subi à la gendarmerie de Senlis où elle avait été convoquée pour y être entendue à titre de témoin. Questionnée davantage, elle perdit un peu de sa superbe et l'un des gendarmes le remarqua. Insidieusement, il la mit en difficulté et il eut rapidement le sentiment qu'elle en savait beaucoup plus qu'elle ne voulait bien en dire. Il décida de ne pas la laisser repartir sans qu'elle n'en livre un peu plus…

 

 

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