David Futter-Yorton Sale 2023 : " Prenez garde aux modes néfastes sur les étalons ! "

02/09/2023 - Actualités
Créateur de Yorton Farm en Angleterre où il organise la Yorton Sale pour la 5e année en 2023, David Futter présente l'événement mais aussi met en garde les éleveurs français sur les effets néfastes des effets de mode dans le choix des étalons imposés par le commerce avec l'Irlande.


 

C'est le revers de la médaille. Sans passer pour le vieux gaucho de service, les formidables flux financiers arrivés d'Angleterre, via l'Irlande pour les chevaux les plus jeunes, vers le monde l'obstacle français, semblent en train de la pervertir au point qu'une prise de conscience de notre part est nécessaire. C'est en tout cas un ressenti fourni non pas tant par les éleveurs français directement concernés, mais par plusieurs acteurs anglo-irlandais eux-mêmes, dont David Futter de Yorton Farm en "Angleterre. Certes, il ne faut pas cracher dans la soupe. Les exportations massives ont évidemment permis le financement massif de la filière de l'obstacle française, qui aurait sans doute déjà disparu sans cela, car malgré les allocations et les primes à l'éleveur, ce n'est pas avec le faible nombre de propriétaires français qu'on peut faire bouillir la marmite d'une filière complète.

 


David Futter

 

Mais il y a plusieurs effets secondaires. Il est difficile de juger objectivement de la diminution présumée du niveau sportif, vu que presque toute l'élite et même les seconds couteaux franchissent la frontière. Mais ces exportations sont si nombreuses qu'elles amènent au fait que les shows et concours commencent à avoir du mal à remplir les catalogues. D'ailleurs, les sections de 2 ans mâles et hongres ont disparu. Cette ancienne catégorie reine s'était transformée en voie de garage pour des laissés pour compte. Si les exportations n'en sont pas la seule raison, car l'accidentologie de l'obstacle en est de loin la cause principale, le nombre de partants souffre cruellement dans les courses.

 

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Les frais de conception et d'élevage ont grimpé en flèche, notamment en raison des prix de saillie qui ont explosé et des syndications qui repoussent toutes les limites. Il y a encore peu, les stayers étaient parfaitement accessibles. Et des reproducteurs convenables faisaient leur petite quarantaine de juments par an. Désormais, soit on monte en flèche, soit on s'écroule. Le sommet est devenu une contrainte. Par conséquent, aujourd'hui, un cheval au bon profil d'étalon d'obstacle, qu'il ait couru à très bon niveau en plat ou à Auteuil, ne peut s'acheter que pour plusieurs centaines de milliers d'euros, sinon en millions dans certains cas. Voici qui ressemble à une tour de babel.

 


David Futter avec Ito, son dernier étalon déniché en Allemagne, un fils d'Adlerflug.

 

Les étalons sont justement au coeur de cette vague inflationniste. La raison en est assez simple. Epargnée de la stricte loi du marché, le monde de l'obstacle français, de nature rurale et les pieds sur terre, ne se focalisait pas sur la valeur commerciale des étalons pour choisir les croisements. Le nombre de kilomètres et le prix étaient des facteurs principaux. Pour faire clair, l'étalon du Haras National le plus proche emportait souvent la mise ! Cela limitait drastiquement le choix des éleveurs dans des croisements bien conceptualisés, mais ça faisait quand même des gagnants.

 

 

Aujourd'hui, tout a changé, et le défaut majeur de l'élevage d'obstacle en Irlande et en Angleterre commence à atteindre notre hexagone. En effet, outre-Manche, comme le déplorent d'ailleurs de multiples acteurs locaux, le marché est commandé presqu'uniquement sur la cote commerciale de l'étalon. L'un des vecteurs de marketing, aujourd'hui, afin d'attirer les éleveurs comme des moutons, est d'annoncer publiquement le prix d'achat pour un étalon le plus cher possible, récemment entre 1 et 2 millions d'euros pour des animaux de facture pourtant discutable comme Logician, cheval fragile déjà victime de deux péritonites, Golden Horn qui a pourtant démontré sa nullité en plat, ou Hurricane Lane, qui a un bon profil de débutant mais a coûté la somme faramineuse de 2 millions d'euros. En France, Jigme vient d'être syndiqué à hauteur de 40% sur la base de 2,5 millions. La pression sera énorme sur les épaules de ce 3 ans, très impresionnant lors de ses 3 victoires au printemps, qui reste invaincu jusqu'au Prix Cambacérès (Gr.1).

 


Yorton Farm

 

Les modes sont totalement volatiles. En outre-Manche, dépendant de rumeurs et murmures d'une minorité influente suivie béatement par les propriétaires, les éleveurs et même les entraineurs sont plus prompts à inventer des cornages diplomatiques plutôt qu'à vraiment travailler pour arrêter de se faire ridiculiser par Willie Mullins.

Cette focalisation sur le père, au mépris du profil maternel, explique le niveau incroyablement faible de ces élevages d'obstacle outre-Manche, qui bénéficient pourtant d'avantages considérables tant culturels que financiers par rapport à notre vieille France. Ceux-là mêmes -quelques courtiers-  qui sont obligés de visiter tous les ans les moindres recoins de nos campagnes pour trouver des futurs vainqueurs de Cheltenham.

 


En 2023, 28 des 29 courses du festival de Cheltenham ont été remporté par produits d'étalons différents. Parmi eux le nouveau crack Constitution Hill est un fils de Blue Bresil, conçu à Yorton Farm.

 

Les faits étant têtus, le Festival de Cheltenham 2023 a démontré l'hérésie de la concentration des juments sur un piquet réduit de reproducteurs. Les 29 courses du programme ont vu les victoires de 28 étalons différents ! En l'occurrence, dans le cadre d'une nouvelle razzia "FR" : French Navy, Spanish Moon, Jeremy, Blue Bresil, Sulamani, Doctor Dino, Saint des Saints, Diamond Boy, Mahler, Ocovango, Denham Red, Network, Masked Marvel, Muhaarar, Fame and Glory, Shirocco, Muhtathir, Poliglote, Stowaway, Midnight Legend, Yeats, Great Pretender, Coastal Path, Timos, Court Cave, Cokoriko et enfin Shantou, le seul à avoir signé un doublé. La vérité du poteau d'arrivée fait toujours foi. C'est la variété qui fait la qualité.

Personnage totalement atypique dans le paysage de l'obstacle britannique, fan des méthodologies françaises, David Futter est un self made man sorti de nulle part à la force du poignet. Fils dislexique d'ouvrier du nord de l'Angleterre ayant grandi sous Thatcher, il est devenu un acteur majeur de l'obstacle européen en seulement 15 ans. En tant qu'étalonnier, il est responsable de la naissance des cracks Constitution Hill et Honeysuckle, respectivement issus de ses étalons de Yorton Farm: Blue Bresil et Sulamani qu'il avait déniché en France. Il a offert donc 2 victoires majeures au suffixe "GB", ce qui n'était jamais arrivé de toute l'existence du festival...

 


David Futter avec sa femme Birte et ses 2 fils Righley et Lester.

 

Observateur avisé, il est le premier à s'insurger contre la course au chiffre en Irlande, dont les étalons les plus prolixes dépassent les 300 juments saillies par an, et où les effets de mode amènent les éleveurs à faire naitre un produit financier plutôt qu'un futur cheval de courses.

"Je pense que, dans l’industrie des courses, il faut toujours faire attention à ne pas subir les effets de mode, comme c’est malheureusement trop le cas en Angleterre ou en Irlande. Quand je suis venu pour la 1ère fois en France, il y a 15 ans, il n’y avait qu’une poignée d’acheteurs irlandais qui visitaient les chevaux. Les éleveurs, à l’époque, allaient aux étalons les plus proches sans trop se préoccuper de la mode. J'avais alors noté que seulement 3 étalons avaient dépassé les 100 juments saillies au printemps. Cette année, vous en avez eu 30 à franchir ce cap. Je crois qu’il est important de toujours rappeler que ce sont les juments qui produisent les gagnants, et non les étalons, à quelques très rares exceptions près. Il faut faire attention à ne pas se laisser influencer. Je pense qu’il faut se méfier de la mode dans nos 3 pays de l’obstacle, l’Angleterre, l’Irlande et la France, si on veut conserver le nombre de nos effectifs. Nous ne serons jamais récompensés par les effets de mode.

Cette vente de Yorton prouve qu’on peut réussir en dehors des modes. J’ai déjà présenté à une clientèle anglaise des produits d’étalons étrangers dont elle n’avait jamais entendu parler ! Pour moi, le plus important n’est pas l’aspect commercial du père, mais la qualité de l’individu en lui-même, qui présente un physique capable de l’amener à gagner des courses d’obstacle.

Nous ne devons pas perdre notre sens du cheval. En obstacle, le succès de la France tire ses racines du fait que les éleveurs sont des gens du terroir qui connaissent très bien l’animal et sont capables de juger un cheval, mais aussi une vache ou autre. Donc, on ne doit pas trop se préoccuper du père, c’est notre connaissance de l’animal et la qualité de la mère qui donnera des gagnants. Peut-être que ce que je dis est complètement idiot, mais c’est en tout cas l’état d’esprit qui règne ici à Yorton."

 

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