L'histoire de DNA Pedigree : Nureyev, le danseur français

10/06/2021 - Grand Destin
À l'instar du danseur russe dont il tient son nom, Nureyev a été une étoile tout au long de sa carrière, aussi bien en piste, sous la férule du légendaire François Boutin, qu'au Haras de Fresnay-Le Buffard de la famille Niarchos, dont le patriarche, Stávros, avait déboursé $1.300.000 (un record à l'époque) pour acquérir ce poulain né dans la pourpre et au très beau modèle. Une histoire signée Thierry Grandsir (DNA Pedigree) à découvrir dès à présent.

 

Nureyev (1977-2001), par Northern Dancer et Special (Forli)

 

Nureyev est né le 2 mai 1977 à Claiborne Farm dans le Kentucky, élevé par Seth Hancock. Un poulain américain conçu pour tutoyer les étoiles : son géniteur Northern Dancer fut tout simplement le Chef de Race le plus influent du siècle dernier, et sa génitrice Special était une propre sœur du gagnant de Gr.1 Thatch (Forli) et la mère de la Championne des 2 ans irlandaises Fairy Bridge, future mère de l’empereur Sadler’s Wells.

 

 

Mais Nureyev n’était pas seulement très bien né, il était aussi d’une grande beauté. Pas très grand (1,60 m à l’âge adulte) mais bien fait, harmonieux, noble et distingué, léger et aérien, il fit afficher le top price des ventes de yearlings à Keeneland en 1978 : l’armateur grec Stávros Niarchos n’hésita pas à placer une enchère de $1,300,000 sur ce poulain, faisant ainsi de lui le deuxième yearling millionnaire de toute l’Histoire (après le calamiteux Canadian Bound).

Fils d’un Danseur du Nord, il fut baptisé Nureyev en l’honneur du célèbre danseur du même nom, tel le Champion Nijinsky avant lui. On envisagea de l’envoyer en Grande-Bretagne chez l’entraîneur Peter Walwyn, mais l’administration venait de créer une nouvelle taxe imposant un débours de l’équivalent de la TVA sur la valeur du poulain en cas d’importation : 17%, soit $221,000. Le projet fut rapidement abandonné, et Nureyev devint français...

Que la France eût été une sorte de paradis fiscal laisse rêveur, mais notre code des courses recelait lui aussi quelques contraintes règlementaires, dont une stipulant qu’un poulain n’étant pas à l’entraînement depuis le 1er janvier de l’année en cours n’était pas admis à courir sur notre sol, sauf dans les courses de Groupe. Et c’est pourquoi François Boutin, qui n’avait reçu Nureyev qu’à la fin de l’été, n’eut d’autre choix que de le débuter dans le Prix Thomas Bryon (Gr.3) le 3 novembre à Saint-Cloud.

Il n’avait pas caché la haute estime en laquelle il tenait ce 2 ans, favori écrasé d’argent malgré sa qualité d’inédit. De fait, Nureyev survola l’opposition sans forcer son immense talent et franchit le poteau six franches longueurs devant douze adversaires à la dérive. Et c’est dans le même style et avec la même avance qu’il remporta sa course de rentrée à 3 ans sur les 1400 m ligne droite du Prix Djebel (L.) à Maisons-Laffitte !

Dans l’édition 1980 des 2000 Guineas St. (Gr.1), on voyait difficilement qui serait susceptible de faire galoper l’invaincu Nureyev. Le numéro 1 à la corde motiva son fidèle partenaire Philippe Paquet à le placer en retrait en début de parcours, et il allait librement aux côtés de Posse mais sans trouver la moindre ouverture. Impossible de passer, jusqu’à ce qu’une petite brêche apparaisse : le plus prompt des deux à s’y engoufrer fut Nureyev, juste à temps pour battre Known Fact, Posse terminant tout près au troisième rang malgré la gêne subie.

 

Nureyev devant Known Fact et Posse dans les 2000 Guinées de 1980…

 

Nureyev vainqueur ? Les commissaires ne l’entendent pas de cette oreille et, après une longue enquête, décident de distancer le poulain français et de le placer, non pas troisième derrière le cheval gêné, mais dernier de la course... Une première dans l’Histoire de ce grand classique, injustice qui ne sera d’ailleurs pas du goût du clan tricolore et qui déclenchera de fortes polémiques des deux côtés de la Manche !

François Boutin envisagea une revanche dans le Derby mais, victime d’un virus, Nureyev ne fut jamais revu en course. Invaincu sur la piste, ce poulain pétri de classe et d’influx doté d’une faculté d’accélération impressionnante entra au haras à 4 ans à Fresnay-le-Buffard. Il demeura donc français encore une saison selon le désir de son propriétaire (merci Monsieur Niarchos !), avant son transfert aux USA suite à sa syndication au prix record de $14,000,000.

Transmettant volontiers sa classe et sa distinction, beaucoup d’influx, de précocité et de vitesse, Nureyev accumula les succès dont deux titres d’étalon tête de liste des pères de gagnants en France. Il engendra 135 gagnants de Stakes sur 806 foals (16,7% de sa production totale), et 31 gagnants de Gr.1 dont Miesque, Peintre Célèbre, Reams of Verse, Sonic Lady, Soviet Star, Spinning World, Theatrical, etc…

 

 

Victime d’un accident de paddock en 1987, il fut sauvé par la mise au point d’un nouveau système de suspension qui lui permit de récupérer dans de bonnes conditions, solution aujourd’hui couramment utilisée. Souffrant d’une baisse de fertilité et victime d’une tumeur à un pied, Nureyev disparut finalement à 24 ans. Il repose à Walmac Farm à Lexington (KY).

Son legs est inestimable. Si ses filles ont engendré plus de 200 gagnants de Stakes dont Bago, East of the Moon, Kingmambo, West Wind, Zabeel et bien d’autres, sa lignée mâle s’impose aujourd’hui via la trilogie Polar FalconPivotalSiyouni, les produits de ce dernier ayant déjà remporté six courses classiques françaises à l’heure où nous écrivons ces lignes. Longue vie au sang de Nureyev, la France lui va si bien !

 

 





 

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