Etude d'élevage à la Hêtraie : la chaleur de lait doit-elle être utilisée ?

18/02/2021 - Santé
Le débat sur l'utilisation des chaleurs de lait reprend souvent en début de saison de monte. Forts de leurs experiences et des nombreuses données au Haras de la Hêtraie, Axelle Sartorio et Pascal Noue livrent ci-dessous une étude chiffrée sur la fertilité des juments saillies par 8 étalons pendant 5 saisons de monte consécutives. Ils comparent les résultats des chaleurs de lait et de la chaleur suivante. La chaleur de lait est objectivement moins productive, tout en donnant des résultats si les conditions nécessaires sont respectées.


Axelle Sartorio s'est plongée dans les chiffres de toutes les sailllies du Haras de la Hêtraie depuis 2016.

 

Longtemps considérée comme la chaleur la plus fertile, la chaleur post-partum ou « chaleur de lait » est décrite comme étant le premier oestrus suivant la mise bas. Avant l'utilisation généralisée du suivi gynécologique par échographie c'était un repère facile que les éleveurs ne souhaitaient pas manquer car il leur était ensuite plus aisé de prévoir la date des autres cycles.

Dans les années 1990, les méthodes modernes de suivi gynécologique par échographie ont permis de mettre en évidence que la fertilité de cette chaleur était en réalité de l'ordre de 40% alors que la fertilité normale était d'environ 60%, toutes races et tous types de monte confondus.

Aujourd'hui, certains étalonniers n'acceptent pas de saillir sur la chaleur post-partum. En pratique, le but est de ménager la santé d'étalons âgés en minimisant le nombre de chevauchements moins productifs et en maximisant leur fertilité.

Il est légitime de refaire le point avec des chiffres actualisés et uniquement obtenus avec des étalons de race Pur Sang, afin de préciser une réponse à la question « faut il utiliser la chaleur de lait ? ».


Pascal Noue.



Matériel et méthode
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Les plannings de monte de 8 étalons stationnés au Haras de la Hêtraie ont été étudiés (saison 2016 à 2020). L'intervalle entre la date de mise bas et la saillie a été mesuré.

Le critère retenu pour mesurer le résultat de chaque lot est la fertilité par chaleur, définie par le calcul (somme des chaleurs fécondées / total des chaleurs utilisées) x 100.

La fertilité des « chaleurs de lait » post partum (Q pp) a été comparée à la fertilité mesurée sur celle des cycles « chaleur de 30 jours » (Q pp+1).

 

 

146 cycles « pp » utilisés sont comparés à 172 cycles « pp+1 ». L'intervalle moyen constaté entre la date de la mise bas et la saillie reste dans les standards couramment admis, soit 10 jours pour les chaleurs post-partum, vs 27 jours pour les chaleurs suivantes. Cela montre que l'échantillonnage répond bien à notre questionnement.

La fertilité par chaleur mesurée sur l'échantillon « Q pp » est de 49%. La fertilité mesurée sur l'échantillon « Q pp+1 » est de 72%.
 

 

 


Discussion

La fertilité par chaleur moyenne mesurée sur nos échantillons est de 49% pour les QPP vs 72% pour QPP+1. Ces résultats semblent plus élevés que ceux publiés dans les années 1990. La modernisation des techniques de suivi pourrait, comme escompté, avoir apporté un gain de résultat. La chaleur de lait présente néanmoins, en moyenne, une fertilité diminuée de 30% par rapport à la fertilité d'une chaleur exploitée à 30 jours post-partum.

Compte tenu de ces résultats, il appartient à l'éleveur, en relation avec l'étalonnier, de rechercher la meilleure des solutions pour obtenir rapidement une jument pleine en tenant compte de paramètres tels que :

 

  • L'âge des reproducteurs (en favorisant l'accouplement des jument âgées avec des jeunes étalons)
     
  • La qualité de la mise bas (mise bas aisée vs mise bas compliquée)
     
  • La gestion de la jument suitée (mise à l'exercice rapide après le poulinage afin de favoriser l'involution utérine et l'expulsion des lochies, injection d'ocytocine pour favoriser un bon drainage de l'utérus, produit homéopathique ayant la même visée, etc...).
     
  • La période de l'accouplement (prévoir la mise sous lumière des juments à terme avant le 1 avril de façon à éviter que la jument ne retombe éventuellement en anoestrus après une chaleur de lait survenue avant cette date, ne pas exploiter les chaleurs de lait en première partie de saison et les exploiter ensuite,...)
     
  • La prise en compte de facteurs individuels et des méthodes d'élevage autant pour la jument que pour l'étalon.

    Par exemple, nous avons constaté qu'un étalon de notre étude avait une fertilité sur les chaleurs de lait égale à la celle mesurée sur les chaleurs de 30 jours. A l'inverse, un étalon de notre étude montre une fertilité très fortement diminuée sur les chaleurs post-partum. Pour les juments, faut il utiliser les chaleurs de lait sur les juments de plus de 15 ans ?
     
  • La prise en compte de l'investissement transport (estimer le plus précisément possible la baisse de fertilité d'un étalon, en relation avec l’étalonnier, tenir compte de la distance qui sépare les 2 reproducteurs, faut-il investir en frais kilométriques pour une fertilité diminuée ? « Le jeu en vaut il réellement la chandelle ? », tenter de quantifier de façon réaliste le gain financier réalisé pour une naissance 20 jours plus tôt...

    Enfin, même si la chaleur de lait a une fertilité moindre en moyenne, elle n'est cependant pas égale à zéro : « 100% des gagnants auront tenté leur chance » !

 

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