Les 9 Derby d'Epsom de Lester Piggott : Partie 1/2

30/05/2022 - Grand Destin
Disparu hier, le jockey de légende Lester Piggott reste le recordman absolu au palmarès du Derby d'Epsom, avec 9 victoires. A quelques jours de la course, il est temps de revenir sur ses différents succès dans la course reine, qui ont tous leur petite histoire, et sont le théatre de l'apogée de certains grands champions comme Nijinsky ou encore The Minstrel. 

 

Lester Piggott, recordman absolu dans le Derby d'Epsom...

 

1954 : Never Say Die, le jeune homme et ses parents 

Lester Piggott bat un premier record en 1954 à l'occasion de son premier succès dans le Derby d'Epsom. Le jeune Lester, qui s'est déjà fait un nom très jeune, se met alors en selle sur le gros outsider Never Say Die. Elevé aux Etats-Unis par son propriétaire Robert Sterling Clark, le poulain est envoyé à l'entraînement chez John Lawson. Le premier entraineur anglais de la casaque Clark, Harry Peacock, n'avait en effet pas retenu Never Say Die lors de ses choix parmi les yearlings, car il n'aimait pas la production de Nasrullah. A 2 ans, Never Say Die gagne à Ascot les Rosslyn Stakes, mais échoue à chaque fois pour la victoire dans les grands tournois de sa génération. 

 

Un tout jeune Lester Piggott en selle sur Never Say Die dans le Derby en 1954 

 

Battu dans les préparatoires au Derby, le poulain est proposé à 33/1 dans le Derby. Il attire cependant beaucoup de regards car son jockey Lester Piggott n'a que 18 ans, et est déjà très populaire auprès du grand public. Prenant la tête très tôt dans la ligne droite, Never Say Die n'est jamais rejoint et permet à Piggott de devenir le plus jeune jockey au palmarès de la course. Amené ensuite au meeting de Royal Ascot, il finit 4e des King Edward II Stakes, et Lester Piggott est suspendu pour 6 mois à cause de sa monte ce jour là. Never Say Die gagnera donc sans lui le St Leger à l'automne à Doncaster... Never Say Die deviendra un étalon remarquable, "champion sire" en 1962 grâce à la victoire de son fils Larkspur dans le Derby (le premier titre d'un certain Vincent O'Brien dans la course...). 

A l'occasion de cette victoire avec Never Say Die, Lester Piggott expliquera qu'il n'a pas fêté ce succès plus que cela, puisqu'il est rentré le soir-même à son domicile familial, a tondu le jardin, et est allé se coucher à 9h... A noter que Never Say Die était devenu à l'époque le premier vainqueur de Derby né aux Etats-Unis depuis Iroquois en 1881.

 

1957 : Crepello, la locomotive aux jambes de cristal 

Pour son 2e Derby, Lester Piggott fait briller la casaque de Sir Victor Sassoon, un grand businessman et hôtelier issu d'une riche famille de juifs du Moyen-Orient. Celui-ci lui offre d'ailleurs pour le remercier une Lincoln Continental, un modèle de voitures américaines. Pour l'anecdote, Piggott a ensuite embouti une autre voiture, et été obligé d'envoyer la voiture aux Etats-Unis en réparation car la pièce n'existait pas en Angleterre. La voiture sera ensuite offerte au Duc de Bedford qui l'a gardée comme un objet de collection. Lester Piggott est lors de sa 3e victoire de Derby associé au grand favori, dont la victoires ravi les parieurs, qui lui lancent des cadeaux à son retour aux balances. Par exemple, Lester Piggott reçoit une montre en or de la main d'un des amis de ses parents. 

 

Lester Piggott s'impose avec Crepello, toujours paré de ses bandages aux antérieurs...

 

Cheval très atypique, Crepello est extrêment bien né puisque frère d'une gagnante des 1000 Guinées et d'un vainqueur d'Ascot Gold Cup. Très fragile mais qualiteux, Crepello débute 2e d'une listed, puis est 4e des Middle Park Stakes, avant de remporter son 1er Gr.1 dans les Dewhurst Stakes. A 3 ans, il gagne les 2000 Guinées, puis le Derby, qui sera sa dernière sortie. Extrêment fragile des tendons, il portait tout le temps des bandages en course, et n'a gagné qu'à l'occasion de courses de Gr.1 ! Crepello est ensuite devenu un excellent étalon, "champion sire" en Angleterre et Irlande en 1969, et meilleur père de mères en 1974. Il produit d'excellents chevaux, mais souvent peu faciles à entraîner, car ils ont hérité des "jambes de cristal" de leur père...

Crepello donnera même son nom à une locomotive du London & North Eastern Railway, qui appelait souvent par des noms de chevaux ses engins. Pendant 20 ans, la "Deltic D9012" arborera fièrement le nom de Crepello.  Un autre wagon a été appelé Ballymoss en l'honneur d'un champion, qui avait d'ailleurs été battu dans le Derby par Crepello. 

 

La fameuse locomotive Crepello !

 

 

1960 : St Paddy, le crack de l'ombre 

Bien des années plus tard, Lester Piggott déclarera que St Paddy fut son gagnant de Derby le plus facile. Lui aussi entraîné par Noel Murless pour les couleurs de Victor Sassoon, le poulain débutera directement dans un Gr.3 à l'automne de ses 2 ans, avant de gagner les Royal Lodge Stakes. Non placé dans les Guinées, il enlève ensuite les Dante Stakes puis le Derby dans un royal canter. Il poursuit sa série de victoires jusqu'au St Leger de Doncaster. A 4 ans, il enchaînera d'autres belles victoires dont les Eclipse Stakes, mais ne réussit pas à s'imposer dans les Champion Stakes. Un succès lui aurait permis à l'époque de battre le record de gains pour un cheval britannique, alors détenu par Ballymoss. 

Lester Piggott avec St Paddy après leur victoire dans le Derby 

 

Petit-fils de 2 gagnants de Derby d'Epsom, Hyperion du côté paternel et Bois Roussel du côté maternel, St Paddy sera étalon à Newmarket. On lui doit notamment le bon Connaught, gagnant de Gr.1 et 2e du Derby d'Epsom de Sir Ivor (monté par Lester Piggott) alors qu'il était encore maiden. St Paddy est aussi le père de Jupiter Island, qui deviendra en 1986 sous la coupe de Clive Brittain, le premier gagnant entraîné en Angleterre de la légendaire Japan Cup. A noter que St Paddy a lui aussi eu une locomotive à son nom, le Deltic n°55001. 

 

Lester Piggott remporte son 4e Derby avec Sir Ivor pour Vincent O'Brien

 

1968 : Sir Ivor, la première pour Vincent O'Brien 

Souvent associé au grand entraîneur Vincent O'Brien, Lester Piggott gagne son premier Derby pour lui en 1968 grâce à Sir Ivor. Elevé aux Etats-Unis et acheté à Keeneland par Arthur Hancock pour le compte de Raymond Guest, Sir Ivor est un fils de Sir Gaylord, le demi-frère de Secretariat. Il gagne 2 Gr.1 à 2 ans, puis enchaîne avec les Guinées à 3 ans. Le poulain gagne ensuite le Derby au terme d'une effort final fantastique, faisant dire à son jockey qu'il est le meilleur cheval qu'il a jamais monté. Battu dans l'Arc par Vaguely Noble, Sir Ivor enlèvera en fin de saison les Champion Stakes et le Washington DC International. 

 

Sir Ivor à Claiborne Farm 

 

Le soir de sa victoire de Derby, l'entourage de Sir Ivor se retrouve au Savoy Hotel pour célébrer, et repasser la course en boucle sur un grand écran. On en oublie presque la finale européenne de football, ou Manchester United bat le Benfica de Lisbonne ! Cheval de légende, Sir Ivor est ensuite syndiqué comme étalon à Claiborne Farm chez la famille Hancock, qui l'avait donc acheté yearling. Il devient un étalon de référence, avec 12% de gagnants de stakes sur sa production, dont la crack Ivanjica, qui le venge dans l'Arc. Très influent sur l'élevage mondial, Sir Ivor s'impose en Australie grâce à son fils Sir Tristram, mais aussi en Europe via la lignée de Green Desert, dont il est le père de mère. Ce dernier est à l'origine de Cape Cross, Oasis Dream et Invincible Spirit...

 

 

Nijinsky; le cheval du siècle !

 

1970 : Nijinsky, en selle sur le cheval du siècle

L'apogée de Lester Piggott dans le Derby d'Epsom intervient lors de son 4e sacre, alors qu'il est associé au fameux Nijinsky, le "cheval du siècle" avec Sea Bird. Elevé par EP Taylors à Windfields Farm au Canada, sur les mêmes terres que son père Northern Dancer, Nijinsky est acheté aux ventes par Charles Engelhard, qui a inspiré le personnage de Goldfinger, sur les conseils de Vincent O'Brien. La femme du propriétaire l'appelle Nijinsky en hommage à un danseur du début du 20e siècle, d'origine polonaise mais né en Ukraine à l'époque de l'empire Russe. 

 

Invaincu en 5 courses à 2 ans, Nijinsky est un phénomène, et effectue le doublé Guinées-Derby. Dans la course en question, il s'impose dans un temps exceptionnel, avec des partiels de sprinter dans les derniers hectomètres. Il remporte ensuite l'Irish Derby et les King George. Nijinsky attrape la teigne, ce qui contrarie sa préparation, et est soigné à coup d'oeufs durs et de "Stout" Irlandaise. Le remède lui suffit à écrire la légende lorsqu'il s'impose pour sa rentrée dans le St Leger de Doncaster. Il brise un écart de 35 ans, depuis Barham, en remportant la Triple Couronne Anglaise, ce qui n'a plus été réalisé depuis et ce jusqu'à nos jours. Nijinsky est battu pour ses deux dernières courses, l'Arc et les Champion Stakes, mais n'est plus le même. Vincent O'Brien dit quand même qu'il est le meilleur qu'il a entraîné et Nijinsky se retire en star au Haras de Clairborne Farm dans le Kentucky. 

 

Syndiqué pour plus de 5,5M $, Nijinsky devient un étalon extraordinaire, avec plus de 18% de gagnants de stakes sur sa production totale. Il est le père du yearling le plus cher de l'histoire, le fameux Seattle Dancer, mais surtout de nombreux cracks et de 3 "Derby Winner". En 1986, il devient le premier et seul reproducteur de l'histoire à donner le gagnant du Kentucky Derby (Ferdinand) et du Derby d'Epsom (Shahrastani) la même année. La reine d'Angleterre, dont il était l'un des chevaux favoris, venait même lui rendre visite à Claiborne Farm. 

 

 

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