La véritable histoire de l'AQPS Kara Diamond, la meilleure 3 ans d'Auteuil

27/09/2023 - Grand Destin
" Ca fait 40 ans que j'attendais ça ! " Co-éleveur avec l'écurie des Mottes de Kara Diamond, l'ancien jockey Patrick Moulin a mis des heures à pouvoir se relever de son fauteuil après la démonstration dans le Prix de Chambly (Gr.3) de la pouliche AQPS issue de la dernière grande lauréate entrainée par le si regretté Yann Poirier. Par Arnaud Poirier


Kara Diamond, une AQPS très racée, s'envole dans le Prix de Chambly (Gr.3) sous la selle d'Angelo Zuliani. (photo APRH)

 

Près de 10 ans après son décès tragique dans l'exerice de ses fonctions de débourreur/ pré-entraineur, Yann Poirier continue de marquer l'histoire des courses. Décédé alors qu'il était président de l'Association AQPS de l'Ouest, il aurait ressenti une immense fierté à voir les exploits de Kara Diamond, lauréate du Prix de Chambly (Gr.3) sous la selle d'Angelo Zuliani. En effet, l'AQPS de 3 ans Kara Diamond, conçue des oeuvres de Diamond Green au Haras du Lion dont il a été un acteur décisif pour sa création il y a 10 ans, est la fille de Bloane, la jument qui lui a offert son dernier grand succès en tant que permis d'entrainer dans le Prix des Guillédines (Gr.3), le Prix de Diane des AQPS en novembre 2014, 3 mois avant sa accident fatal.

 


Bloane, la mère de Kara Diamond, après son succès dans le Prix des Guillédines (Gr.3), la dernière grande victoire de Yann Poirier juste avant son décès. De gauche à droite: Patrick Moulin, Claudie Poirier, Charlotte Poirier, Yann Poirier, Guenaël Rénier (aujourd'hui responsable d'élevage de l'Ecurie des Mottes), Christopher Grosbois et Joël Poirier.

 

L'origine est arrivée dans l'Ecurie des Mottes en 1987 quand Joël Poirier a récupéré chez Roger Chaignon sa 5e mère Queen Mary IV (Quart de Vin), soeur des champions de cross Fado et Denver. Cette jument est à l'origine de vainqueurs par dizaines en plat et en obstacle depuis presque 4 décennies, dont Jazz des Mottes, un double vainqueur du Prix de Craon, ou Trifolium, gagnant de Gr.1 en Irlande, mais aussi une foule de chevaux portant le suffixe d'Hérodière. En effet, des plâtriers de Cheffes sur Sarthe, André et Pierrette Frémont, avaient récupéré la 1ère femelle de Queen Mary IV, nommé Bonny des Mottes, une fille du désastreux Un Numide, minuscule et victime de lenteur, pour accompagner leur vieille poulinière trotteuse. Mais tandis que la trotteuse n'a donné que des chiens boucs qui faisaient toujours la faute à 10 m du poteau, Bonny des Mottes, saillie aux étalons les plus proches et les moins chers du Haras de la Rousselière voisin, a produit 9 vainqueurs individuels !

 


Kara Diamond, alors foal, suivant sa mère Bloane dans les prés de Patrick Moulin.

 

Moi-même, Arnaud Poirier, aujourd'hui heureux co-éleveur de Kara Diamond, a eu le don de racheter tous les produits de Bonny des Mottes et gagner d'innombrables courses sous la férule d'Etienne Leenders puis Cyriaque Diard, et boire des centaines de coupes de champagne avec une équipe d'associés tous plus incouchables les uns que les autres, comme Michel et Marylène Véron, Antoine Maugeais, Stéphane Garson, Dominique Quignon, Thierry Nivel et bien sûr mes parents, Claudie et Joël Poirier. Assez douée mais extrêment tendue, Quéole d'Hérodière a réussi à briser la glace sur la plage de Plestin les Grêves, un jour où le retard accumulé sur les horaires et la marée remontant très vite avait innondé la ligne d'en face à tel point que les projections l'aveuglaient... et l'empêchaient pour une fois de tirer comme une folle !

 


Patrick Moulin est un ancien jockey...


...qui a fait carrière sur les chantiers des travaux publiques.

 

Au terme de sa modeste carrière, Quéole d'Hérodière a été envoyée à la saillie au Haras du Saz à Early March. Mais ce dernier n'était pas motivé par cette petite et revêche jument alezane claire, au contraire de son voisin de paddock Dano Mast, beaucoup moins sollicité et toujours prêt à sauter sur tout ce qui bouge. C'est ainsi que Bloane est née, chez Patrick Moulin, le neveu d'André Frémont à qui avait été confiée la mère pleine. Installé à Baracé dans le Maine-et-Loire, Patrick Moulin tout comme son oncle est l'archétype du petit éleveur passionné qui fait la richesse des courses en France et en Anjou en particulier., avec sa vieille merco increvable pour tracter le van ancestral. Ancien jockey sans carrière, reconverti dans les travaux publiques, Patrick Moulin a conservé la passion des courses chevillée au corps. Cavalier en SHR (Société Hippique Rurale), il a acheté un vieux corps de ferme avec 2 hectares autour, du temps où cela ne valait pas tripette, sur les terres sableuses de Rouget le Braconnier, pour toujours avoir une ou deux juments. En quarante ans de carrière d'éleveur, il a eu quelques succès, à Pau avec Lanita, et même à Saint-Cloud avec Adnamick. Mais il n'a jamais pu se permettre d'investur plus d'un mois de salaire dans l'achat d'une jument ou d'une saillie. Alors forcément ça limite les chances ! Jusqu'au jour où...

 


La magnifique tête de Kara Diamond.




... Jusqu'au jour où il a récupéré son ancien élève Bloane après sa carrière, parce qu'à ce moment là l'Ecurie des Mottes devait diminuer sa jumenterie après le décès de Yann Poirier, et parce qu'elle ne se laisse jamais attraper dans le pré ! Vendu en Angleterre, son 1e produit par On Est Bien n'y a rien fait, comme tant d'autres avant lui... J'ai ensuite acheté le même jour de l'automne 2020 ses 2e et 3e produits, deux belles pouliches respectivement par Gentlewave et Diamond Green, deux étalons du Haras du Lion. Au printemps suivant, lors d'une visite, l'ainée Jamaicka a tapé dans l'oeil de François Nicolle, qui travaille avec l'élevage depuis plus de 20 ans. Ce dernier a recruté la pouliche, en compagnie de Jacques Détré. Kara Diamond a été débourrée yearling par Eric Aubrée au Haras de la Placière puis travaillé aux Ecuries de la Ridaudière par David Lumet. Ce dernier m'a tout de suite dit d'elle que c'était une machine à galoper. D'ailleurs, François Nicolle m'avait dit en février qu'elle était sa meilleure pouliche de 3 ans. Seulement placée lors de ses 2 premières sorties, elle a gagné 2 courses très facilement à la fin du 1e semestre sitôt qu'elle fut remise du fameux virus qui a touché l'écurie.

 


François Nicolle et Jacques Détré. (photo APRH)

 

Entre temps, la 1ère association entre l'Ecurie des Mottes et la casaque Détré s'était soldée par une victoire en débutant de Jamaicka à Dax. La soeur cadette Kara Diamond a logiquement suivi le même chemin. Elle est ainsi partagée entre Jacques Détré et ses deux fils Patrice et Romain, l'Ecurie des Mottes et François Nicolle, tout comme les 2 produits suivants de Bloane, un yearling de Gary du Chênet et un foal d'Hunter's Light. A noter que Jamaicka, blessée après sa 2e sortie, a été soignée patiemment et va reprendre le chemin de l'entrainement à la fin de l'année. D'ici là, Patrick Moulin se sera sûrement relevé de son fauteuil. Quant à Kara Diamond, elle va désormais se diriger directement vers le Prix Bournosienne (Gr.2), le Prix de Diane d'Auteuil.

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