Castle du Berlais : le fils de Saint des Saints confirmé, un vrai destin d'étalon

Le leg de Saint des Saints est d'autant plus extraordinaire qu'il continue de le créer. Il a encore sailli 83 juments ce printemps et le patriarche du Haras d'Etreham va attaquer une nouvelle saison de monte en 2024 à 26 ans ! Rappelons qu'il fut le premier champion de Jacques Détré et qu'il est le meilleur successeur de son glorieux père Cadoudal, multiple tête de liste des étalons d'obstacle dans les années 90 et 2000, père de Big Buck's, Double Détente, Earl Grant, Fadalko, Kadalko, Katiki, Kotkijet, Long Run, Madalka, Old Gringo, Royal Paradise, Tenerific, pour ne citer que les gagnants de Gr.1, sachant que les "FR" ne couraient encore que peu outre-Manche à son époque.

Saint des Saints, sous la casaque de Jacques Détré portée par Benoit Gicquel.

Eleveur de Saint des Saints, Nicolas de Lageneste, personnage toujours atypique, l'avait conçu non pas avec l'une des ses bonnes vieilles souches d'obstacle, mais bien au contraire en ayant réveillé une ancienne famille de plat qui avait pris la poussière. En effet, il avait récupéré sur le tard sa mère Chamisène, une gagnante du Prix de Malleret (Gr.3) et du Prix de Sandringham (Gr.3), dont la famille remontait à la championne du Comte de Chambure Djebellica, lauréate des Irish Oaks en 1951.

En violet : les étalons morts.

Cette Chamisène, déjà âgée, était soeur de Lou Piguet (Habitat), excellent cheval de vitesse, et du classique Le Balafré (Groom Dancer), lauréat du Prix Jean Prat. Mais, en étant stationnée aux Etats-Unis elle n'avait pas produit grand chose, à part Christmas Card, placé de Listed en France par Slew O'Gold. Changée complètement d'orientation dans l'Allier, la fille de Pharly, qui avait été élevée par Maurice de Lastours n'avait plus eu de produit pendant 5 ans quand elle a donné naissance à Saint des Saints, à l'âge de 18 ans. Notons que Nicolas de Lageneste n'a malheureusement pas eu de fille ensuite. Car Chamisène est encore restée vide pendant 3 ans, n'ayant qu'un ultime produit, Sacro Saint (Kendor), inédit devenu étalon obscur.

Cadoudal, au démarrage de la meilleure lignée d'étalons d'obstacle en Europe.

Entrainé par Guillaume Macaire, Saint des Saints fut un excellent sauteur, lauréat de 6 courses à 3 et 4 ans en haies mais aussi en steeple. En effet, il avait gagné le Prix Petit Bob à 3 ans mais n'a plus insisté dans cette discipline après une chute dans le Prix Congress. Lauréat du Prix Fifrelet (L) en fin d'année de 3 ans, il a ensuite enchaîné les 4 victoires de Groupe au printemps de ses 4 ans (Indy, Pepinvast, Longchamp, Amadou) et n'a été battu que par Great Love dans le Prix Alain du Breil. A 5 ans, il a donc débuté étalon au tarif de 50.000 francs, qui paraissant exhorbitant à l'époque. Son premier black type fut la pouliche Santa Bamba, mère de la future crack De Bon Coeur.

Aujourd'hui, Saint des Saints est célébré partout en Europe, en France évidemment mais peut-être encore plus de l'autre côté de la Manche, où les exportations de ses dernières productions se sont tellement multipliées qu'il en arrive à avoir beaucoup moins de partants en France. La liste de ses champions est un véritable catalogue à la Prévert. Citons seulement Storm of Saintly, Djakadam, Gentleman de Mée, Saint Donats, Protektorat, Gaillard du Mesnil, Whetstone, Fusil Raffles, Quel Esprit, Quito de la Roque et bien sûr Goliath du Berlais, qui a débuté étalon en 2020 au Haras de la Tuilerie, là-même où son père fit la monte dans sa jeunesse.

Castle du Berlais au Haras du Lion.

Le tout 1er fils de Saint des Saints à s'installer étalon, à l'époque au Haras de l'Abbaye chez Jean-Charles Escalé, fut Jeu St Eloi en 2016, un cousin de Balko qui portait lui-même la casaque Détré. Sa réussite a été telle qu'il a suscité une offre de la part de Paul Cashman, le patron de Glenview Stud en Irlande, suffisamment conséquente pour qu'elle ne puisse être repoussée. Il quitte donc le Haras de Cercy pour devenir le 1er fils de Saint des Saints à faire la monte outre-Manche. Notons que, jusqu'à présent, les éleveurs irlandais considéraient comme des tracteurs les étalons ayant eux-même couru en obstacle. Paul Cashman jette donc ici un gros pavé dans la mare avec Jeu St Eloi, après avoir déjà donné quelques coups de canif dans les habitudes via Robin des Champs puis Blue Brésil.

Si on écarte poliment le cas de Saintgodrel, Castle du Berlais fut donc le 2e fils de Saint des Saints à devenir étalon, en l'occurrence en 2018 au Haras du Lion, qui a recruté ce fils de la championne Royale Athenia (Garde Royale) à son éleveur Jean-Marc Lucas alors qu'il venait de quitter l'entrainement d'Arnaud Chaillé-Chaillé. Gagnant de Listed à 3 ans, ayant couru 7 fois lors de sa campagne initiale alors qu'il est né au mois de mai, Castle du Berlais s'était blessé pour sa rentrée à Compiègne, la fameuse journée où l'arrosage tombé en panne dans une période de sécheresse printanière avait provoqué une foule de boiterie. Le haras du Lion, qui suivait de près depuis sa naissance ce cheval merveilleusement bien né, frère de Sire du Berlais, s'en est porté acquéreur dans les plus brefs délais.

Depuis, d'autres fils de Saint des Saints ont rejoint le haras bien sûr, comme le déjà cité Goliath du Berlais, puis Magic Dream, Na Has et dernièrement David du Berlais. Seul Goliath du Berlais aura des chevaux à courir l'année prochaine, avec sa 1ère génération née en 2021. Castle du Berlais est donc le seul étalon confirmé par Saint des Saints disponible en France. Il fera la monte à 5000 € en 2024, soit le double de son tarif de début, qui était très bas à 2500 € en 2018. Cette augmentation s'explique aisément par la réussite du cheval qui accomplit pour l'instant un sans faute.

Try Line, gagnante du Prix Bernard Sécly (L) avec Gaëtan Masure (photo APRH)

Castle du Berlais avait déjà été sacré meilleur étalon en France de 1ere génération de 3 ans en 2022. Ajourd'hui, avec ses 4 ans, il se hisse à la 5e place du classement général établi par France Galop sur les   performances dans l'hexagone au 13/11/2023. En l'occurrence, ce classement des 4 ans, mis à jour après le week-end des 48H d'Auteuil, est dominé par le défunt Martaline devant Cokoriko, Kapgarde et Doctor Dino. Castle du Berlais arrive donc dans le sillage immédiat de formidables patriarches bien plus âgés que lui. Il devance Pastorius, un améliorateur allemand malheureusement mort l'hiver dernier, le très bon Choeur du Nord, puis notre cher Bathyrhon et son voisin de box Great Pretender. Et c'est le fameux Saint des Saints qui complète le top 10.

Permis de Tuer, gagnant du Prix Finot (L)

Mais pour atteindre un tel niveau, Castle du Berlais doit non seulement associer la qualité et la quantité, mais aussi la régularité et la solidité. A l'occasion de son exploit dans le Prix Bernard Sécly (Listed), ce dimanche 12 novembre à Auteuil, la pouliche Try Line est devenue la 4e gagnante black type individuelle pour Castle du Berlais. En effet, celui-ci avait déjà eu Goliath du Rheu (Prix Jean Stern, Gr.2), Ocastle des Mottes (Prix Gaston Branère, L, devant Amy du Kiff), vendu cet été à Willie Mullins et déjà engagé à Cheltenham. Castle du Berlais a brillé aussi chez les 3 ans cet automne avec Permis de Tuer, gagnant du Prix Finot (L). Enfin, pour ce qui est de la quantité, notons que le jeune étalon a engrangé 4 victoires entre le 1e et le 12 novembre, avec Kalca Môme à Nantes, Canaille de Nonant à Saumur, Jojo Môme à Machecoul et donc Try Line à Auteuil.

Ocastle des Mottes, gagnant du Prix Gaston Branère (Listed) devant Amy du Kiff à Compiègne.

Goliath du Rheu, lauréat du Prix Jean Stern (Gr.2)